DIDACTIQUE ET FORMATION
PRATIQUES DE L’ORAL AU COLLÈGE
Les nouveaux programmes de français pour le collège et le lycée accordent une place prépondérante à l’enseignement de l’oral qui semble, plus que jamais, “indispensable à la maîtrise pratique des discours”. Aujourd’hui, l’oral n’est plus simplement le moyen par lequel le pédagogue assure la conduite de son enseignement; devenu objet d’étude, il ouvre la voie à d’autres pratiques scolaires et d’autres conceptions de l’évaluation. Reste à savoir, néanmoins, comment mettre en œuvre une pédagogie de l’oral, quels types d’activités proposer. Les lignes qui suivent recensent les pratiques les plus courantes de ce champ disciplinaire.
Lecture expressive et récitation
Ces activités de base, qui prolongent les pratiques de l’école primaire, peuvent être abordées tout au long des années de collège.
• La lecture expressive doit faire l’objet d’un apprentissage progressif et régulier sur des supports
variés.
-- En sixième, l’accent sera mis sur le déchiffrage et l’oralisation des textes qui auront préalablement
fait l’objet d’une lecture silencieuse. La ponctuation, les liaisons, les relations qui unissent graphèmes et phonèmes ou le respect de l’énoncé constitueront des axes de travail prioritaires.
-- Lors des années suivantes, l’objectif sera d’amener l’élève à la restitution expressive du texte. Une attention particulière sera portée à la
voix (puissance, débit, intonations, silences), aux effets que le lecteur entend produire sur son auditoire
et à l’interprétation que véhicule l’oralisation du texte.
• La récitation est une activité trop complexe pour être laissée à la seule initiative de l’élève. Un travail de préparation, collective puis individuelle, facilitera l’apprentissage de la mémorisation et de la diction. Ce travail implique toutefois:
– que l’on prenne appui sur des textes qui ont fait l’objet d’une étude en classe;
– que l’on fasse jouer un double principe de variation et de progression: courts texte en prose, fables et poèmes en sixième; dialogues et extraits de théâtre au cours du cycle central; textes de longueur et de difficulté accrues en troisième;
– que l’on approfondisse le travail de diction en accordant un intérêt croissant à la question de l’articulation, du rythme, du souffle, de l’expressivité;
– que l’élève entreprenne, d’année en année, “la réalisation d’un recueil personnel des textes appris.”
Exposé et compte rendu
• Le compte rendu oral d’une lecture, d’un film, d’une visite ou d’un spectacle peut être pratiqué de la sixième à la troisième. L’objectif de cette activité est de rendre compte aux autres d’une expérience personnelle, “avant d’exprimer éventuellement un jugement, une émotion, un sentiment.”
– En sixième, le compte rendu se limite à quelques minutes au cours desquelles l’élève répond aux questions que l’auditoire est en droit de poser: qui a écrit ce livre et qui raconte l’histoire? À qui cet ouvrage ou ce film sont-ils destinés? Où et quand les faits se déroulent-ils? On fera alterner comptes rendus préparés et interventions improvisées
– Lors des années suivantes, on insistera davantage sur la prise de notes préalable et l’adaptation du message au destinataire. En troisième, l’élève devra être de centrer son attention sur l’auditoire sans être prisonnier de ses notes.
– Comme l’exposé, le compte rendu convoque les quatre grandes formes de discours. La narration, la description, l’explication et l’argumentation y sont associées, en des proportions variables, selon le niveau concerné.
• L’exposé accorde une moindre place à la subjectivité du locuteur puisqu’il vise à communiquer aux autres le résultat d’une recherche; à les informer, les instruire sur un sujet particulier.
– Par ses exigences et son ampleur, cette activité prolonge et approfondit celle du compte rendu. Elle trouve donc pleinement sa place en classe de troisième.
– Une œuvre, un thème, un auteur, un genre ou un mouvement littéraire peuvent faire l’objet d’un exposé inscrit dans le cadre de la séquence en cours.
– Cette activité implique que l’élève maîtrise les principes de la recherche documentaire. On veillera à ce qu’il utilise des supports variés (livres, revues, encyclopédies électroniques, etc.) et se montre capable de préparer une synthèse organisée.
– Lors de la restitution en classe, l’accent sera mis sur la prise de parole et l’adaptation à l’auditoire. Comme le compte rendu, l’exposé peut aboutir à un échange oral avec la classe.
Narration et description
Ces activités, qui restent proches des précédentes, visent la maîtrise, presque exclusive, de deux compétences fondamentales au collège: raconter et décrire.
• La narration orale peut être l’occasion d’initier les élèves à l’art de conter.
– En sixième, ce travail sera effectué en demi-groupes, dans l’esprit d’un atelier d’expression orale, au cours d’une séquence sur le conte.
– Les élèves peuvent être amenés à raconter la suite d’un épisode ou à narrer une histoire qu’ils ont eux-mêmes inventée. On leur impliquera que l’art de conter ne s’apparente pas à la récitation ou la lecture expressive d’un texte, une part d’improvisation étant toujours possible.
– Cette activité peut être associée à un travail sur l’énonciation, un épisode pouvant être successivement narré et à la première personne. Au cours du cycle central, le narrateur sera amené à faire entendre plusieurs voix.
– L’accent sera mis également sur la maîtrise des structures narratives. A la narration chronologique (en sixième et cinquième) succèdera une approche moins linéaire: ellipses, retours en arrière et anticipations seront l’objet d’un travail spécifique.
• La description orale d’un objet, d’un personnage, d’un paysage ou d’une image, sera pratiquée de manière préparée ou improvisée.
– Elle implique que l’élève emploie des outils de langue appropriés: énumération, vocabulaire de la caractérisation, comparaisons, etc.
– En sixième, les élèves pratiqueront des descriptions simples qui n’excéderont pas quelques minutes. Elles seront cependant précises et ordonnées.
– Lors des années suivantes, l’accent sera mis sur “la position et le point de vue de l’observateur”. Elles pourront également s’insérer dans un contexte narratif ou explicatif.
– La description orale n’est pas nécessairement monologuée. En sixième, par exemple, “toute description s’inscrit dans une situation de communication véritable, avec de courts échanges de questions et de réponses, les questions
venant du professeur ou des élèves”.
Dialogue et débat
Ces activités permettent de pratiquer l’oral dans le cadre d’un échange. Elles supposent que la parole circule et que chacun se montre capable d’écouter l’autre.
• Le dialogue prend appui sur l’écoute de textes de théâtre, de sketches ou de conversations courantes.
– Il convient de donner à cette activité un caractère naturel: un dialogue n’est pas une succession de courts monologues, mais un échange au cours duquel chacun écoute avant de prendre la parole.
– Tout dialogue doit d’abord viser la compréhension et le respect de l’interlocuteur. On évitera, par exemple, que les élèves émettent des objections sans être passés par une reformulation
de la pensée d’autrui.
– D’un niveau à l’autre, une progression se dessine: centré sur l’alternance de questions et de réponses en sixième, le dialogue prépare les élèves de quatrième et troisième à l’échange
d’idées et d’arguments.
• Le débat transpose les exigences et les règles du dialogue à l’échelle de tout un groupe.
– Il suppose une minutieuse organisation de la part de l’enseignant: répartition de l’espace, gestion du temps imparti, documentation préalable, préparation de l’argumentation, etc.
– Par sa dimension argumentative, la pratique du débat concerne essentiellement les élèves de troisième. Elle peut permettre d’aborder, d’une manière concrète et vivante, la délicate question de l’argumentation à l’écrit.
– Sur le plan individuel, le débat suppose que l’élève soit capable de passer“d’une implication forte, personnelle ou passionnelle à un traitement plus distancié du propos”. Il vise donc la maîtrise de la modalisation.
– Dans le domaine de l’interlocution, le débat est moins le lieu d’un rapport de forces qu’un espace de négociation. L’échange des points de vue, le libre jeu et la prise en compte de la parole d’autrui participent donc, à leur manière, à l’éducation citoyenne.
Pour conclure
Trois remarques générales permettront de clore la présentation de ces activités:
1. Aucune activité orale ne saurait à elle seule constituer le support d’une séquence didactique, mais toutes visent des compétences à faire acquérir aux élèves au cours des diverses séquences du projet pédagogique annuel. Dans la perspective d’un enseignement décloisonné, ces pratiques orales doivent être liées aux activités de lecture,
d’écriture et de langue.
2. Comme celles de l’écrit, ces activités sont subordonnées à la connaissance pratique des discours. Leur finalité est de parvenir à une meilleure maîtrise des quatre grandes formes discursives que sont la narration, la description, l’explication et l’argumentation. Ces dernières seront abordées de façon progressive, l’accent étant mis, selon les années, sur des dominantes différentes: “au cours du cycle central, on s’attache davantage à l’étude de la description et du dialogue et on engage un travail sur l’argumentation qui constituera un axe important de la classe de troisième”.
3. L’enseignement de l’oral implique enfin que le professeur réfléchisse à la question de son évaluation. Cette dernière cesse d’être une difficulté majeure pour l’enseignant lorsque des critères, précis et adaptés, sont mis en place. Ces activités peuvent être également l’occasion d’initier les élèves à la pratique de la co-évaluation.
NRP • N° 4 • Décembre 2000