Une datte jamais évoquée : 132 ans de galère ont commencé un 14 juin 1830… par une nuit sans lune !
En
1827, le consul français Deval, lors d’une énième audience officielle
consacrée au règlement des créances dues par la France à l’Algérie, va
provoquer le Dey Hussein. Ce dernier, après plusieurs rappels restés
sans suite, s’était plaint directement à Charles X de ce que son
gouvernement tardait à s’acquitter de ses dettes.
N’ayant
reçu aucune réponse, le Dey en fit la remarque au consul qui lui
répondit sur un ton hautain que le Roi de France ne pouvait, sans
compromettre sa dignité, correspondre avec un chef de pirates et de
barbares. Offensé, le Dey, en colère fit un geste malencontreux envers
le consul, de la main qui tenait un éventail en plumes de paon. Prenant
la mouche, M. Deval quitte Alger pour Paris. M. de Villèle, chef du
gouvernement va, pour soi-disant venger une « insulte » faite à son
consul, donner le signal de la guerre. Une escadre est envoyée pour y
faire le blocus d’Alger sans résultat. Elle perdra l’un de ses plus
grands chefs, l’amiral Collet.
En France, la Restauration était arrivée au bout du rouleau. Le
ministère de Polignac fait face à une violente impopularité, et dans
l’espoir de détourner l’attention publique française des affaires
intérieures, il va déployer la plus grande activité pour préparer
l’expédition contre Alger sous prétexte de venger l’affront reçu, de
défendre la dignité nationale, l’honneur du pavillon et les intérêts du
commerce français. Busnach et Bacri, banquiers de la Régence d’Alger,
avaient fait, de 1793 à 1798, pour les armées françaises d’Italie et
pour l’expédition d’Egypte, des approvisionnements pour un montant
évalué en 1816 à 14 milliards de francs, réduit par la convention du 28
octobre 1819 à 7 milliards… et jamais honoré. Le montant des anciennes
dettes commerciales et financières françaises envers l’Algérie
s’élèverait sans les intérêts, en 1975, à 350 milliards de francs (1).
Napoléon Bonaparte avait déjà pensé monter une expédition contre
Alger. Le 18 avril 1808, il écrivait de Bayonne à son ministre de la
Marine : « Monsieur Decrès, méditez l’expédition d’Alger ». C’est ainsi
que Vincent Yves Boutin, chef de bataillon du génie « homme de tact et
de talent, un peu officier de marine, un peu ingénieur de terre »,
surtout espion, allait, du 9 mai au 18 septembre 1808, se rendre en
civil en Algérie et établir un rapport de trente-neuf pages avec treize
dessins dans lequel il concluait de façon formelle que c’était à Sidi
Ferruch que devrait avoir lieu le débarquement du corps expéditionnaire.
Saisissant le prétexte du « coup d’éventail », le duc de Clermont
Tonnerre, ministre de la Guerre de Charles X, va exhumer le rapport
Boutin et les préparatifs de l’expédition vont durer trois ans ! Le 27
avril 1830 arrive à Toulon le général de Bourmont à qui fut confié le
commandement de l’expédition. Il assiste à plusieurs répétitions de
débarquement et le 18 mai, la veille de l’embarquement, il adresse à
l’armée son premier ordre du jour « …la cause de la France est celle de
l’Humanité ».
En fait, le véritable but de l’expédition, ordonnée par Charles X et
camouflé sous le fallacieux prétexte de « préserver à jamais l’Europe
du triple fléau de l’esclavage des chrétiens, de la piraterie et le
l’exigence pécuniaire des deys », était de permettre à la France de ne
pas payer ses dettes et de faire main basse sur le trésor d’Alger… et
sur l’Algérie. La flotte française n’appareillera que le 25 mai de
Toulon et les 26 et 27 mai des îles d’Hyère pour rallier d’abord Palma,
ensuite Sidi Ferruch. Cette flotte comprenait 11 vaisseaux, 24
frégates, 14 corvettes, 25 bricks, 9 galabres, 8 bombardes, 4
goëlettes, 7 bateaux à vapeur… en tout 100 bâtiments de guerre et 357
transports dont 238 étrangers pour 37 573 hommes, 112 canons, 5 000 000
de cartouches, 556 voitures d’artillerie, d’affûts et même une
imprimerie qui servira à imprimer le 25 juin 1830 le premier journal
colonial, L’Estafette d’Alger.
Le 13 juin, jour de la fête Dieu, l’armada française mouille dans la
baie de Sidi Ferruch. Le 14 juin 1830 à 3 h du matin par une nuit sans
lune, le général Berthezène débarque ses troupes. Personne en face pour
les accueillir. Ce qui fit dire à ce général : « L’ignorance et
l’incurie de l’ennemi nous servirent au-delà de toute espérance… deux
ou trois mille bons tireurs, appuyés de quelques pièces nous eût fait
éprouver des pertes considérables … qui peut dire alors ce que serait
devenue l’expédition ? »
A sept heures du soir, trente-deux mille envahisseurs foulent le sol
algérien. Le commandement des troupes algériennes avait été confié par
le Dey Hussein à l’un de ses proches, l’Agha Ibrahim qui s’avéra d’une
incompétence totale et qui, d’ailleurs, désertera le champ de bataille.
La résistance va plus ou moins s’organiser et les combats vont opposer
les deux armées le 19 juin à Staouéli, le 24 à Sidi Khalef et le 28 à
Sidi Abderrahmane Bou Naga. Harcelées, les troupes françaises mieux
équipées mettront 21 jours pour parvenir au fort Sultan Khalassi au
fort de l’Empereur, en référence à Charles Quint qui avait conduit
l’expédition de 1541 qui tourna au désastre.
Le 4 juillet, dès quatre heures du matin, toutes les batteries
françaises terrestres et maritimes déverseront un déluge de boulets et
d’obus sur les forts l’Empereur, Bab Azzoun et La Casbah. Craignant
plus pour sa personne, les siens et ses biens, le Dey Hussein va
capituler. Les conditions de la reddition seront négociées par Hassen
Ben Othmane Khodja et Ahmed Bouderbah qui avait longtemps vécu à
Marseille et qui présidera le premier conseil municipal d’Alger. La
convention entre le général en chef de l’armée française et s. a. le
Dey d’Alger stipulait que :
1)- Le fort de La Casbah, tous les autres forts qui dépendent
d’Alger, et les portes de la ville seront remis aux troupes françaises
ce matin à dix heures.
2)- Le général de l’armée française s’engage envers s. a. le Dey
d’Alger à lui laisser la libre possession de toutes ses richesses
personnelles.
3)- Le Dey sera libre de se retirer avec sa famille et ses
richesses, dans le lieu qu’il fixera et tant qu’il restera à Alger, il
sera lui et toute sa famille sous la protection du général en chef de
l’armée française ; une garde garantira la sûreté de sa personne et
celle de sa famille.
4)- Le général en chef assure à tous les membres de la milice les mêmes avantages et la même protection.
5)- L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté
de toutes les classes d’habitants, leur religion, leurs propriétés,
leur commerce et leur industrie ne recevront aucune atteinte ; leurs
femmes seront respectées ; le général en chef en prend l’engagement sur
l’honneur.
6)- L’échange de cette convention sera fait avant dix heures du
matin, et les troupes françaises entreront aussitôt après dans La
Casbah et s’établiront dans les forts de la ville et de la Marine.
Lorsque la nouvelle de la prise d’Alger parviendra à Charles X, ce
dernier se rendra à la cathédrale de Notre Dame à Paris pour
« remercier Dieu et lui rendre grâce de la grande victoire remportée
par la Chrétienté sur l’Islam ».
Cette convention ne sera jamais respectée par les Français, elle
sera bafouée avant l’entrée de de Bourmont dans Alger le 5 juillet 1830
après 12 heures. Plusieurs officiers et leurs hommes entrèrent avant 10
heures dans Alger par Bab Djedid (Porte Neuve) et Bab Bhar (Porte de la
Marine). Un pillage et une mise à sac d’Alger vont s’en suivre. E.
Pelissier de Reynaud rapportera que : « Jamais peut-être une occupation
ne s’est faite avec autant de désordre administratif que celle d’Alger
même dans les siècles les plus barbares. Les hordes du Nord qui
s’arrachèrent les débris de l’Empire romain se conduisirent avec plus
de sagesse et de raison... ce qui était d’autant plus choquant que la
ville d’Alger était peut-être le point du globe où la police était le
mieux faite. Les vols naguère presque inconnus se multiplièrent dans
des proportions effrayantes et les indigènes en furent encore plus
souvent les victimes. Le général Loverdo... a tellement pillé que six
mulets ont été chargés de ses vols » (lettre d’Aubry de Bailleul au
journaliste Augustin Jal).
Le général de Bourmont, entré après 12 heures, se préoccupera
davantage du trésor de la Régence. Une commission de trois membres,
formée de l’intendant en chef Denniée, du payeur général Firino et du
chef d’état-major, commandant la place d’Alger, le général Tholozé,
était chargée de faire l’inventaire du trésor. « Les portes de l’hôtel
des Monnaies qu’on ne songera à occuper qu’au bout de deux ou trois
jours se trouvèrent enfoncées ; toutes les valeurs avait été
enlevées... » Ce qui restait du trésor fut pesé et non compté. Le poids
d’un million en or équivalait à 666 livres et le poids d’un million en
argent à 10 000 livres, l’inventaire des fonds aurait été estimé à 47
millions de francs (180 millions selon le capitaine de frégate
Matterer), indépendamment de la prise de 1500 canons, de 12 bâtiments
navals, d’immeubles considérables et de la mise à sac de la ville
jamais évaluée.
Quant à l’expédition, elle avait été estimée à 25 millions de
francs ! Le trésor fut chargé sur 5 navires : l’or sur le Marengo et le
Duquesne, l’argent sur le Scipion, le Nestor et la Vénus.
L’officier-interprète t. i. Urbain, dans son Histoire de l’Algérie
écrira que : « Les édifices publics, les riches villas des environs
d’Alger furent saccagés par les soldats qui détruisaient pour le
plaisir de détruire.... sans que les chefs opposent la moindre
résistance à ce vandalisme ». L’intendant Raynal évoquant les Algérois,
« ces prétendus barbares », rapporte un fait qui lui paraît décisif en
faveur de l’opinion qu’il a conscience de la civilisation des Maures.
« Il existe, écrit-il, à Alger un grand nombre d’écoles où l’on suit un
mode d’instruction fort analogue à notre enseignement mutuel. Elles
sont fréquentées par tous les enfants maures ou koulouglis, et je ne
crois pas trop m’avancer en affirmant que l’instruction est plus
répandue dans cet ancien repaire de pirates que dans beaucoup de villes
de France. » Alger comptait à la veille de l’occupation française plus
de trente mille habitants.
En juin 1731, le philosophe géodésien et naturaliste La Condamine
écrit qu’« Alger est une ville fort peuplée, les rues y fourmillent de
monde... Il y a à Alger des lieux de commodités, et on ne jette pas
comme à Toulon les ordures dans les rues... » A propos de la sécurité,
il ajoute : « On m’avait assuré que mes instruments n’y couraient aucun
risque et qu’il était inouï qu’on y volât dans les maisons...
Effectivement, toutes mes affaires sont restées à la discrétion des
voisins et on n’a touché à rien. La promptitude, la sévérité et le peu
de formalité de la justice procurent cette sécurité. »Une question nous
taraude aujourd’hui l’esprit : l’Algérie est-elle en droit de réclamer
à la France le remboursement de ses dettes d’avant 1830 et la
restitution du trésor d’Alger ?
Y. F. : Fondateur d’Algérie Actualité, Auteur de Doulce France,
ed. Dahlab
1) Dufour, France-pays arabes. Avril 1975.
Par Youcef Ferhihttp://elwatan.com/Une-datte-jamais-evoquee-132-ans
En
1827, le consul français Deval, lors d’une énième audience officielle
consacrée au règlement des créances dues par la France à l’Algérie, va
provoquer le Dey Hussein. Ce dernier, après plusieurs rappels restés
sans suite, s’était plaint directement à Charles X de ce que son
gouvernement tardait à s’acquitter de ses dettes.
N’ayant
reçu aucune réponse, le Dey en fit la remarque au consul qui lui
répondit sur un ton hautain que le Roi de France ne pouvait, sans
compromettre sa dignité, correspondre avec un chef de pirates et de
barbares. Offensé, le Dey, en colère fit un geste malencontreux envers
le consul, de la main qui tenait un éventail en plumes de paon. Prenant
la mouche, M. Deval quitte Alger pour Paris. M. de Villèle, chef du
gouvernement va, pour soi-disant venger une « insulte » faite à son
consul, donner le signal de la guerre. Une escadre est envoyée pour y
faire le blocus d’Alger sans résultat. Elle perdra l’un de ses plus
grands chefs, l’amiral Collet.
En France, la Restauration était arrivée au bout du rouleau. Le
ministère de Polignac fait face à une violente impopularité, et dans
l’espoir de détourner l’attention publique française des affaires
intérieures, il va déployer la plus grande activité pour préparer
l’expédition contre Alger sous prétexte de venger l’affront reçu, de
défendre la dignité nationale, l’honneur du pavillon et les intérêts du
commerce français. Busnach et Bacri, banquiers de la Régence d’Alger,
avaient fait, de 1793 à 1798, pour les armées françaises d’Italie et
pour l’expédition d’Egypte, des approvisionnements pour un montant
évalué en 1816 à 14 milliards de francs, réduit par la convention du 28
octobre 1819 à 7 milliards… et jamais honoré. Le montant des anciennes
dettes commerciales et financières françaises envers l’Algérie
s’élèverait sans les intérêts, en 1975, à 350 milliards de francs (1).
Napoléon Bonaparte avait déjà pensé monter une expédition contre
Alger. Le 18 avril 1808, il écrivait de Bayonne à son ministre de la
Marine : « Monsieur Decrès, méditez l’expédition d’Alger ». C’est ainsi
que Vincent Yves Boutin, chef de bataillon du génie « homme de tact et
de talent, un peu officier de marine, un peu ingénieur de terre »,
surtout espion, allait, du 9 mai au 18 septembre 1808, se rendre en
civil en Algérie et établir un rapport de trente-neuf pages avec treize
dessins dans lequel il concluait de façon formelle que c’était à Sidi
Ferruch que devrait avoir lieu le débarquement du corps expéditionnaire.
Saisissant le prétexte du « coup d’éventail », le duc de Clermont
Tonnerre, ministre de la Guerre de Charles X, va exhumer le rapport
Boutin et les préparatifs de l’expédition vont durer trois ans ! Le 27
avril 1830 arrive à Toulon le général de Bourmont à qui fut confié le
commandement de l’expédition. Il assiste à plusieurs répétitions de
débarquement et le 18 mai, la veille de l’embarquement, il adresse à
l’armée son premier ordre du jour « …la cause de la France est celle de
l’Humanité ».
En fait, le véritable but de l’expédition, ordonnée par Charles X et
camouflé sous le fallacieux prétexte de « préserver à jamais l’Europe
du triple fléau de l’esclavage des chrétiens, de la piraterie et le
l’exigence pécuniaire des deys », était de permettre à la France de ne
pas payer ses dettes et de faire main basse sur le trésor d’Alger… et
sur l’Algérie. La flotte française n’appareillera que le 25 mai de
Toulon et les 26 et 27 mai des îles d’Hyère pour rallier d’abord Palma,
ensuite Sidi Ferruch. Cette flotte comprenait 11 vaisseaux, 24
frégates, 14 corvettes, 25 bricks, 9 galabres, 8 bombardes, 4
goëlettes, 7 bateaux à vapeur… en tout 100 bâtiments de guerre et 357
transports dont 238 étrangers pour 37 573 hommes, 112 canons, 5 000 000
de cartouches, 556 voitures d’artillerie, d’affûts et même une
imprimerie qui servira à imprimer le 25 juin 1830 le premier journal
colonial, L’Estafette d’Alger.
Le 13 juin, jour de la fête Dieu, l’armada française mouille dans la
baie de Sidi Ferruch. Le 14 juin 1830 à 3 h du matin par une nuit sans
lune, le général Berthezène débarque ses troupes. Personne en face pour
les accueillir. Ce qui fit dire à ce général : « L’ignorance et
l’incurie de l’ennemi nous servirent au-delà de toute espérance… deux
ou trois mille bons tireurs, appuyés de quelques pièces nous eût fait
éprouver des pertes considérables … qui peut dire alors ce que serait
devenue l’expédition ? »
A sept heures du soir, trente-deux mille envahisseurs foulent le sol
algérien. Le commandement des troupes algériennes avait été confié par
le Dey Hussein à l’un de ses proches, l’Agha Ibrahim qui s’avéra d’une
incompétence totale et qui, d’ailleurs, désertera le champ de bataille.
La résistance va plus ou moins s’organiser et les combats vont opposer
les deux armées le 19 juin à Staouéli, le 24 à Sidi Khalef et le 28 à
Sidi Abderrahmane Bou Naga. Harcelées, les troupes françaises mieux
équipées mettront 21 jours pour parvenir au fort Sultan Khalassi au
fort de l’Empereur, en référence à Charles Quint qui avait conduit
l’expédition de 1541 qui tourna au désastre.
Le 4 juillet, dès quatre heures du matin, toutes les batteries
françaises terrestres et maritimes déverseront un déluge de boulets et
d’obus sur les forts l’Empereur, Bab Azzoun et La Casbah. Craignant
plus pour sa personne, les siens et ses biens, le Dey Hussein va
capituler. Les conditions de la reddition seront négociées par Hassen
Ben Othmane Khodja et Ahmed Bouderbah qui avait longtemps vécu à
Marseille et qui présidera le premier conseil municipal d’Alger. La
convention entre le général en chef de l’armée française et s. a. le
Dey d’Alger stipulait que :
1)- Le fort de La Casbah, tous les autres forts qui dépendent
d’Alger, et les portes de la ville seront remis aux troupes françaises
ce matin à dix heures.
2)- Le général de l’armée française s’engage envers s. a. le Dey
d’Alger à lui laisser la libre possession de toutes ses richesses
personnelles.
3)- Le Dey sera libre de se retirer avec sa famille et ses
richesses, dans le lieu qu’il fixera et tant qu’il restera à Alger, il
sera lui et toute sa famille sous la protection du général en chef de
l’armée française ; une garde garantira la sûreté de sa personne et
celle de sa famille.
4)- Le général en chef assure à tous les membres de la milice les mêmes avantages et la même protection.
5)- L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté
de toutes les classes d’habitants, leur religion, leurs propriétés,
leur commerce et leur industrie ne recevront aucune atteinte ; leurs
femmes seront respectées ; le général en chef en prend l’engagement sur
l’honneur.
6)- L’échange de cette convention sera fait avant dix heures du
matin, et les troupes françaises entreront aussitôt après dans La
Casbah et s’établiront dans les forts de la ville et de la Marine.
Lorsque la nouvelle de la prise d’Alger parviendra à Charles X, ce
dernier se rendra à la cathédrale de Notre Dame à Paris pour
« remercier Dieu et lui rendre grâce de la grande victoire remportée
par la Chrétienté sur l’Islam ».
Cette convention ne sera jamais respectée par les Français, elle
sera bafouée avant l’entrée de de Bourmont dans Alger le 5 juillet 1830
après 12 heures. Plusieurs officiers et leurs hommes entrèrent avant 10
heures dans Alger par Bab Djedid (Porte Neuve) et Bab Bhar (Porte de la
Marine). Un pillage et une mise à sac d’Alger vont s’en suivre. E.
Pelissier de Reynaud rapportera que : « Jamais peut-être une occupation
ne s’est faite avec autant de désordre administratif que celle d’Alger
même dans les siècles les plus barbares. Les hordes du Nord qui
s’arrachèrent les débris de l’Empire romain se conduisirent avec plus
de sagesse et de raison... ce qui était d’autant plus choquant que la
ville d’Alger était peut-être le point du globe où la police était le
mieux faite. Les vols naguère presque inconnus se multiplièrent dans
des proportions effrayantes et les indigènes en furent encore plus
souvent les victimes. Le général Loverdo... a tellement pillé que six
mulets ont été chargés de ses vols » (lettre d’Aubry de Bailleul au
journaliste Augustin Jal).
Le général de Bourmont, entré après 12 heures, se préoccupera
davantage du trésor de la Régence. Une commission de trois membres,
formée de l’intendant en chef Denniée, du payeur général Firino et du
chef d’état-major, commandant la place d’Alger, le général Tholozé,
était chargée de faire l’inventaire du trésor. « Les portes de l’hôtel
des Monnaies qu’on ne songera à occuper qu’au bout de deux ou trois
jours se trouvèrent enfoncées ; toutes les valeurs avait été
enlevées... » Ce qui restait du trésor fut pesé et non compté. Le poids
d’un million en or équivalait à 666 livres et le poids d’un million en
argent à 10 000 livres, l’inventaire des fonds aurait été estimé à 47
millions de francs (180 millions selon le capitaine de frégate
Matterer), indépendamment de la prise de 1500 canons, de 12 bâtiments
navals, d’immeubles considérables et de la mise à sac de la ville
jamais évaluée.
Quant à l’expédition, elle avait été estimée à 25 millions de
francs ! Le trésor fut chargé sur 5 navires : l’or sur le Marengo et le
Duquesne, l’argent sur le Scipion, le Nestor et la Vénus.
L’officier-interprète t. i. Urbain, dans son Histoire de l’Algérie
écrira que : « Les édifices publics, les riches villas des environs
d’Alger furent saccagés par les soldats qui détruisaient pour le
plaisir de détruire.... sans que les chefs opposent la moindre
résistance à ce vandalisme ». L’intendant Raynal évoquant les Algérois,
« ces prétendus barbares », rapporte un fait qui lui paraît décisif en
faveur de l’opinion qu’il a conscience de la civilisation des Maures.
« Il existe, écrit-il, à Alger un grand nombre d’écoles où l’on suit un
mode d’instruction fort analogue à notre enseignement mutuel. Elles
sont fréquentées par tous les enfants maures ou koulouglis, et je ne
crois pas trop m’avancer en affirmant que l’instruction est plus
répandue dans cet ancien repaire de pirates que dans beaucoup de villes
de France. » Alger comptait à la veille de l’occupation française plus
de trente mille habitants.
En juin 1731, le philosophe géodésien et naturaliste La Condamine
écrit qu’« Alger est une ville fort peuplée, les rues y fourmillent de
monde... Il y a à Alger des lieux de commodités, et on ne jette pas
comme à Toulon les ordures dans les rues... » A propos de la sécurité,
il ajoute : « On m’avait assuré que mes instruments n’y couraient aucun
risque et qu’il était inouï qu’on y volât dans les maisons...
Effectivement, toutes mes affaires sont restées à la discrétion des
voisins et on n’a touché à rien. La promptitude, la sévérité et le peu
de formalité de la justice procurent cette sécurité. »Une question nous
taraude aujourd’hui l’esprit : l’Algérie est-elle en droit de réclamer
à la France le remboursement de ses dettes d’avant 1830 et la
restitution du trésor d’Alger ?
Y. F. : Fondateur d’Algérie Actualité, Auteur de Doulce France,
ed. Dahlab
Note de renvoi : |
Par Youcef Ferhihttp://elwatan.com/Une-datte-jamais-evoquee-132-ans