La paradoxale passion d'enseigner
La paradoxale passion d'ENSEIGNER
"J'ai longtemps voulu écrire sur la passion d'enseigner. Je crois que c'est
la seule façon digne de parler de cette profession. C'est une de ces
professions qui ne peut s'exercer sans une véritable passion. Vous me direz que vous n’avez pas toujours décelé de passion chez vos profs. C'est peut-être pour cette raison que plusieurs jeunes semblent si indifférents face à ce qu'on apprend à l'école. Pendant mes années d’enseignement en formation des maîtres, chez les futurs profs, j'ai essayé de transmettre cette passion parce
que je crois que c’est ce qui compte le plus: enseigner avec passion,
sinon ça ne vaut pas la peine d'y perdre son temps, et surtout de le
faire perdre aux autres.
Enseigner
est le propre de l'être humain. Car enseigner est non seulement
transmettre un savoir ou des connaissances, mais aussi c'est montrer
comment, c'est-à-dire le savoir-faire et, même plus, c'est enseigner à être. Enseigner, c’est de transmettre un sens ou une signification. Voilà le véritable sens de professer. C'est annoncer une croyance en la responsabilisation et en l'autonomie de l'être humain.
Que ce soit comme parents avec nos enfants en leur montrant à marcher; comme personnage politique en expliquant le rôle des citoyens dans la protection de l'environnement; comme concierge de l'école en montrant l'importance de tenir propre la cafétéria, tout le monde enseigne quelque chose à quelqu'un. De fait, la survie de l'espèce humaine dépend de ce que l'on enseignera de plus en plus à être de mieux en mieux! Si on choisit la profession d'enseigner, il faut donc d'autant plus être passionné parce que c'est la profession la plus importante pour la survie de l'espèce humaine. En ce sens, enseigner est le propre de l'être humain.
J'écris ceci parce que trop de volumes sur l'enseignement sont sans passion. On ne ressent pas le vécu quotidien en les lisant. J'ai vu dans mon expérience en formation des futurs profs et chez les élèves au secondaire que c'est un manque sérieux que ceux-ci déplorent instinctivement mais lucidement. En fait, la passion est de sentir que les gens qui nous parlent de l'enseignement et qui enseignent sont des gens engagés pour ne pas dire des enragés. Certes, je ne suis pas contre le fait de faire des recherches très sérieuses et très profondes en éducation. C'est nécessaire. J'en fais moi-même! Pourtant, quand on regarde tout ce qui s'est fait de recherches et que l'on constate le résultat de ce qui se passe dans nos écoles, on est bien obligé de s'avouer que çà n'a pas toujours donné les résultats souhaités.En revanche, même si l'on parle de passion, çà ne veut pas dire qu'il ne faut pas réfléchir. Justement, ce livre est un recueil de réflexions faites ces dernières années, un peu comme si c'était le bilan d'une vie d'enseignant. J'essaie de faire un bilan et surtout de comprendre. Je sens le besoin de clarifier en moi ce que j'ai fait depuis plus de trente ans dans l'enseignement au secondaire. Il y a toujours eu un fil conducteur: j'ai fait ce travail
avec passion, très passionnément. Les textes, présentés ici, ont été
écrits avec cette même conviction et cette même passion.Mais attention, enseigner est une profession faite de paradoxes. En effet, je suis extrêmement déchiré. Je n'ai jamais été aussi heureux que dans ma vie d'enseignant et,pourtant, j'ai souvent voulu quitter cette profession. Je comprends et j’accepte de plus en plus qu'enseigner est un immense paradoxe. Le prof est constamment placé devant un dilemme. Il doit être un homme(ou une femme) d'action, alors qu'on lui demande de réfléchir à ce qu'il vit. Il doit se sentir fort et sur de lui-même, alors que, souvent, il se sent coupable de ses infortunes en classe devant ses élèves. Il est seul face à un groupe de collègues qui semblent sûrs d'eux. Il est certain d'avoir préparé une bonne leçon et ses élèves ne veulent rien savoir. Il aime ses élèves et, pourtant, certains d'entre eux lui montrent presque du mépris. Seul un enseignant peut dire vraiment toute l'ambiguïté que l'on ressent quand on enseigne. C'est là que se trouve toute la complexité de cette profession, mais c'est aussi là que se trouve toute la richesse de la relation éducative.
Pourtant, l'art de l'enseignement consiste à vivre ce paradoxe avec
beaucoup de passion tout en étant d'un grand calme, étant convaincu que
l'on fait ce que l'on doit faire et qu'on l’on essaie de le faire bien.
"Mission
accomplie, j'ai donné le maximum de moi-même!" Voilà ce que tout
enseignant peut dire à la fin de la journée, à la fin de l'année, à la
fin de sa carrière. "J'ai écouté mes élèves, et surtout je les ai
respectés et ils ont appris." Souvent, l'enseignant reçoit des
témoignages tellement poignants. Voilà ce qui nous désarme. De fait,
nous croyons pourtant n'avoir fait que ce qu'il fallait faire, mais
combien nombreux sont ceux et celles qui nous ont dit qu'on avait
répondu à leurs attentes et encore à beaucoup plus.
A
l'occasion, il nous arrive de voir quelques-uns de nos étudiants, venir
se confier à nous. Comme ces moments sont impressionnants et comme ils
ont besoin d'être écoutés! Se peut-il que la passion de l'enseignement
nous conduise jusque là? "Pourtant, je ne faisais que les
écouter." Qu'est-ce que c'est au fait cette fameuse passion paradoxale
d'enseigner? C'est de croire que ce que l'on fait est extrêmement
important mais n'avoir jamais la preuve que c'est vrai à nos yeux et
aux yeux de ses élèves. Enseigner représente toute une responsabilité.
Tout se joue sur la confiance qui s'installe entre les élèves et le
prof. C’est pourquoi enseigner est tellement "chaud". Certes, beaucoup
d’écrits sur le sujet partent et portent de bonnes intentions, mais
comme ils nous touchent peu, comme ils soulèvent peu de passion, nous
demandant d'être très raisonnables et de raisonner. Il y a dans le
quotidien du vécu du prof des aspects que seul un enseignant peut
comprendre et dire à un autre enseignant."
Richard Desjardins
http://www0.umoncton.ca/leprof/reflexions/passion.htm
La paradoxale passion d'ENSEIGNER
"J'ai longtemps voulu écrire sur la passion d'enseigner. Je crois que c'est
la seule façon digne de parler de cette profession. C'est une de ces
professions qui ne peut s'exercer sans une véritable passion. Vous me direz que vous n’avez pas toujours décelé de passion chez vos profs. C'est peut-être pour cette raison que plusieurs jeunes semblent si indifférents face à ce qu'on apprend à l'école. Pendant mes années d’enseignement en formation des maîtres, chez les futurs profs, j'ai essayé de transmettre cette passion parce
que je crois que c’est ce qui compte le plus: enseigner avec passion,
sinon ça ne vaut pas la peine d'y perdre son temps, et surtout de le
faire perdre aux autres.
Enseigner
est le propre de l'être humain. Car enseigner est non seulement
transmettre un savoir ou des connaissances, mais aussi c'est montrer
comment, c'est-à-dire le savoir-faire et, même plus, c'est enseigner à être. Enseigner, c’est de transmettre un sens ou une signification. Voilà le véritable sens de professer. C'est annoncer une croyance en la responsabilisation et en l'autonomie de l'être humain.
Que ce soit comme parents avec nos enfants en leur montrant à marcher; comme personnage politique en expliquant le rôle des citoyens dans la protection de l'environnement; comme concierge de l'école en montrant l'importance de tenir propre la cafétéria, tout le monde enseigne quelque chose à quelqu'un. De fait, la survie de l'espèce humaine dépend de ce que l'on enseignera de plus en plus à être de mieux en mieux! Si on choisit la profession d'enseigner, il faut donc d'autant plus être passionné parce que c'est la profession la plus importante pour la survie de l'espèce humaine. En ce sens, enseigner est le propre de l'être humain.
J'écris ceci parce que trop de volumes sur l'enseignement sont sans passion. On ne ressent pas le vécu quotidien en les lisant. J'ai vu dans mon expérience en formation des futurs profs et chez les élèves au secondaire que c'est un manque sérieux que ceux-ci déplorent instinctivement mais lucidement. En fait, la passion est de sentir que les gens qui nous parlent de l'enseignement et qui enseignent sont des gens engagés pour ne pas dire des enragés. Certes, je ne suis pas contre le fait de faire des recherches très sérieuses et très profondes en éducation. C'est nécessaire. J'en fais moi-même! Pourtant, quand on regarde tout ce qui s'est fait de recherches et que l'on constate le résultat de ce qui se passe dans nos écoles, on est bien obligé de s'avouer que çà n'a pas toujours donné les résultats souhaités.En revanche, même si l'on parle de passion, çà ne veut pas dire qu'il ne faut pas réfléchir. Justement, ce livre est un recueil de réflexions faites ces dernières années, un peu comme si c'était le bilan d'une vie d'enseignant. J'essaie de faire un bilan et surtout de comprendre. Je sens le besoin de clarifier en moi ce que j'ai fait depuis plus de trente ans dans l'enseignement au secondaire. Il y a toujours eu un fil conducteur: j'ai fait ce travail
avec passion, très passionnément. Les textes, présentés ici, ont été
écrits avec cette même conviction et cette même passion.Mais attention, enseigner est une profession faite de paradoxes. En effet, je suis extrêmement déchiré. Je n'ai jamais été aussi heureux que dans ma vie d'enseignant et,pourtant, j'ai souvent voulu quitter cette profession. Je comprends et j’accepte de plus en plus qu'enseigner est un immense paradoxe. Le prof est constamment placé devant un dilemme. Il doit être un homme(ou une femme) d'action, alors qu'on lui demande de réfléchir à ce qu'il vit. Il doit se sentir fort et sur de lui-même, alors que, souvent, il se sent coupable de ses infortunes en classe devant ses élèves. Il est seul face à un groupe de collègues qui semblent sûrs d'eux. Il est certain d'avoir préparé une bonne leçon et ses élèves ne veulent rien savoir. Il aime ses élèves et, pourtant, certains d'entre eux lui montrent presque du mépris. Seul un enseignant peut dire vraiment toute l'ambiguïté que l'on ressent quand on enseigne. C'est là que se trouve toute la complexité de cette profession, mais c'est aussi là que se trouve toute la richesse de la relation éducative.
Pourtant, l'art de l'enseignement consiste à vivre ce paradoxe avec
beaucoup de passion tout en étant d'un grand calme, étant convaincu que
l'on fait ce que l'on doit faire et qu'on l’on essaie de le faire bien.
"Mission
accomplie, j'ai donné le maximum de moi-même!" Voilà ce que tout
enseignant peut dire à la fin de la journée, à la fin de l'année, à la
fin de sa carrière. "J'ai écouté mes élèves, et surtout je les ai
respectés et ils ont appris." Souvent, l'enseignant reçoit des
témoignages tellement poignants. Voilà ce qui nous désarme. De fait,
nous croyons pourtant n'avoir fait que ce qu'il fallait faire, mais
combien nombreux sont ceux et celles qui nous ont dit qu'on avait
répondu à leurs attentes et encore à beaucoup plus.
A
l'occasion, il nous arrive de voir quelques-uns de nos étudiants, venir
se confier à nous. Comme ces moments sont impressionnants et comme ils
ont besoin d'être écoutés! Se peut-il que la passion de l'enseignement
nous conduise jusque là? "Pourtant, je ne faisais que les
écouter." Qu'est-ce que c'est au fait cette fameuse passion paradoxale
d'enseigner? C'est de croire que ce que l'on fait est extrêmement
important mais n'avoir jamais la preuve que c'est vrai à nos yeux et
aux yeux de ses élèves. Enseigner représente toute une responsabilité.
Tout se joue sur la confiance qui s'installe entre les élèves et le
prof. C’est pourquoi enseigner est tellement "chaud". Certes, beaucoup
d’écrits sur le sujet partent et portent de bonnes intentions, mais
comme ils nous touchent peu, comme ils soulèvent peu de passion, nous
demandant d'être très raisonnables et de raisonner. Il y a dans le
quotidien du vécu du prof des aspects que seul un enseignant peut
comprendre et dire à un autre enseignant."
Richard Desjardins
http://www0.umoncton.ca/leprof/reflexions/passion.htm