Sl'eau de Maupassant
4ème 1 – Année scolaire 2007-2008
Séquence 4 : expliquer et argumenter : pourquoi les hommes font-ils la guerre ?
Support : Sur l’eau de Maupassant
Quand je songe seulement à ce mot, la guerre, il me vient un effarement comme si l’on me parlait de sorcellerie, d’inquisition[1], d’une chose lointaine, finie, abominable, monstrueuse, contre nature.
Quand on parle d’anthropophages[2], nous sourions avec orgueil en proclamant notre supériorité sur ces sauvages, les vrais sauvages. Ceux qui se battent pour manger les vaincus ou ceux qui se battent pour tuer, rien que pour tuer ?
Les petits lignards[3] qui courent là-bas, sont destinés à la mort comme les troupeaux que pousse un boucher sur les routes. Ils iront tomber dans une plaine, la tête fendue d’un coup de sabre ou la poitrine trouée d’une balle ; et ce sont de jeunes gens qui pourraient travailler, produire, être utiles. Leurs pères sont vieux et pauvres ; leurs mères qui, pendant vingt ans, les ont aimés, adorés comme adorent les mères, apprendront dans six mois ou un an peut-être que le fils, l’enfant, le grand enfant élevé avec tant de peine, avec tant d’argent, avec tant d’amour, fut jeté dans un trou comme un chien crevé, après avoir été éventré par un boulet et piétiné, écrasé, mis en bouillie par les charges de cavalerie. Pourquoi a-t-on tué son garçon, son beau garçon, son seul espoir, son orgueil, sa vie ? Elle ne sait pas. Oui, pourquoi ?
La guerre !…Se battre !…Egorger !…Massacrer des hommes !…Et nous avons aujourd’hui, à notre époque, avec notre civilisation, avec l’étendue de science et le degré de philosophie où l’on croit parvenu le génie humain, des écoles où l’on apprend à tuer, à tuer de très loin, avec perfection, beaucoup de monde en même temps, à tuer de pauvres diables d’hommes innocents, chargés de famille et sans casier judiciaire.
[…]
Ah ! Nous vivrons toujours sous le poids des vieilles et odieuses coutumes, des criminels préjugés, des idées féroces de nos barbares aïeux[4], car nous sommes des bêtes, nous resterons des bêtes, que l’instinct domine, et que rien ne change.
QUESTIONS
Dans le premier paragraphe, à quoi est associée la guerre dans l’esprit de Maupassant ? Justifiez votre réponse en citant précisément les mots du texte.
D’après Maupassant, qui, des guerriers ou des anthropophages, sont les vrais sauvages ? Pourquoi ?
A quoi sont comparés les combattants au début du troisième paragraphe ? Relevez la comparaison.
Il y a une deuxième comparaison dans le troisième paragraphe. Laquelle ? Quel est l’effet produit par cette comparaison ?
Pourquoi l’auteur considère que la mort des jeunes combattants est inutile ? Justifiez votre réponse en citant précisément les mots du texte.
Dans le troisième paragraphe, « avec tant » est répété trois fois. Comment appelle-t-on ce procédé ? Quel est l’effet produit ?
« La guerre !…Se battre !…Egorger !…Massacrer des hommes !… » Quel est l’effet produit par ces phrases ?
Dans le quatrième paragraphe, combien de fois est utilisé le verbe « tuer » ? Quel est l’effet produit ?
Dans le quatrième paragraphe, Maupassant souligne une contradiction dans notre société. Laquelle ? Justifiez votre réponse en citant les mots du texte.
Dans quel autre texte que nous avons vu en cours trouve-t-on la même contradiction ? Citez le titre de l’ouvrage et le nom de l’auteur.
Dans le dernier paragraphe, les hommes arriveront-ils un jour à vivre en paix selon Maupassant ? Pourquoi ? Justifiez votre réponse en citant précisément les mots du texte.
Ce texte est-il explicatif ou argumentatif ? Pourquoi ?
1. Maupassant associe la guerre à la "sorcellerie" et à "l'inquisition". D'après lui, la guerre est quelque chose d'irrationnel, "contre-nature", inhumain et immoral.
2. Les vrais sauvages sont les guerriers car ils tuent pour tuer, pour le plaisir de tuer, tandis que les anthropophages tuent les hommes pour se nourrir. Maupassant reprend ici une idée très importante de Montaigne dans un chapitre des Essais qui s'intitule "Des cannibales". Montaigne reconnaît que les cannibales sont cruels car personne n'a le droit de manger des hommes. En effet, il faut respecter chaque être humain, qu'il soit étranger, proche, lointain, homme, femme ou enfant.
Mais Montaigne montre que les guerriers espagnols et portugais en Amérique (les conquistadors) sont plus cruels que les cannibales, car ils n'ont pas cessé de massacrer, de torturer, de tuer les Indiens de la manière la plus atroce.
3. Au début du troisième paragraphe, les combattants sont comparés à des animaux que l'on mène à l'abattoir: "comme les troupeaux que pousse un boucher sur les routes".
4. La deuxième comparaison dans le troisième paragraphe est la suivante: "le fils [...] dans un trou comme un chien crevé." Cela provoque le dégoût de la guerre et un sentiment de révolte.
5. L'auteur considère que la mort des jeunes est inutile car ils pourraient travailler et aider plus efficacement la communauté: "ce sont ces jeunes gens qui pourraient travailler..."
6. C'est une répétition. L'effet produit est que l'auteur veut montrer que les parents ont tout fait pour que leurs enfants, leurs amis, aient une vie d'amour et de gaîté, une vie saine et sereine et qu'ils ont tout fait pour les protéger. On voit que la mère a beaucoup d'affection pour son enfant.
7. Ces phrases exclamatives servent à susciter un sentiment d'horreur et de révolte.
8. Dans le quatrième paragraphe, le verbe "tuer" est répété trois fois : cela provoque un effet d'insistance sur le fait que l'homme est un meurtrier.
9. Maupassant souligne une contradiction : il ne comprend pas pourquoi nous faisons la guerre alors que nous sommes civilisés. Maupassant souligne le fait que malgré nos avancées technologiques et philosophiques, nous faisons des écoles pour tuer, ce qui est très primaire : "et nous avons aujourd'hui [...] où l'on apprend à tuer de très loin."
10. Myriam Revault D'Allones, dans Pourquoi les hommes font-ils la guerre?, souligne la même contradiction.
11. D'après Montaigne, les hommes feront toujours la guerre. La guerre existera toujours pour lui car les hommes sont assimilés à des bêtes. Jamais nous ne vivrons en paix parce que les instincts primitifs dominent.
12. Ce texte est argumentatif car Maupassant exprime ses idées sur la guerre : "je songe", "il me vient".
[1] Inquisition : police religieuse.
[2] Anthropophages : cannibales.
[3] Lignards : soldats sur la ligne des combats.
[4] Aïeux : ancêtres.
http://cosmopolis.over-blog.com/article-17607431.html