Entretenir la motivation de l'enseignant:
Rompons d'emblée avec l'approche habituelle qui consiste à se centrer sur la motivation des élèves et explorons d'abord celle de l'enseignant. Car avant même que les élèves entrent en classe, l'enseignant a déjà une longueur d'avance sur eux : il a prévu quelque chose pour démarrer le cours, quelque chose qui a un rapport direct avec sa propre motivation. C'est donc bien elle qui va influencer en premier lieu, et de manière déterminante, la suite des événements.
La motivation de l'enseignant, les élèves vont la percevoir directement, intuitivement, en intensité et en qualité. Puis ils auront l'occasion de vérifier concrètement leur impression, ou plutôt de constater si l'enseignant est capable de transformer ses motivations en actes cohérents, dans le long terme.
Ainsi, les élèves auront vite détecté si leur professeur considère son métier comme une ressource alimentaire avant tout ou s'il cherche surtout à obtenir un bon rapport de l'inspection (facteurs de motivation extrinsèques), s'il est surtout passionné par son sujet ou par les démarches d'apprentissages et s'il s'intéresse vraiment à eux (facteurs de motivation intrinsèques).
Tous ces facteurs, l'élève peut les comprendre puisqu'il est susceptible de les vivre lui-même; il peut aussi les accepter comme un cadre de travail donné, à condition que les choses soient explicitées, à condition de ne pas être en proie à des contradictions qu'il pourrait vivre entre ce qu'il entend ("je m'intéresse à vous") et ce qu'il ressent ("j'ai l'impression qu'il est ailleurs quand je lui parle") ou constate (il ne tient pas compte de notre avis).
Dans ce qui suit, nous n'évoquerons que ce qui concerne la motivation intrinsèque.
Comme toute relation, la relation entre un enseignant et son métier doit faire l'objet de tous ses soins, dans une triple perspective :
Comme dans toute relation, et comme l'évoque J. Salomé dans la métaphore de l'écharpe, il appartient à l'enseignant d'entretenir sa part dans la relation avec son métier.
Quelques "conseils d'entretien"
Les liens renvoient vers des opinions exprimées par des enseignants, des psychologues, des pédagogues.
S'informer sur les résultats des recherches sur la motivation des élèves en imaginant que c'est de soi dont il est question, s'informer sur les conditions pour établir de meilleures relations de travail - (1) - en imaginant que cela concerne les élèves. Rester vivant dans sa capacité d'apprendre, de chercher, accepter le doute et l'incertitude, poursuivre la construction de son identité d'enseignant, s'inscrire dans une démarche de croissance pédagogique, oser prendre des risques - (2) -, y compris celui de remettre éventuellement en question le choix de cette profession.
Oser donner la parole aux élèves pour entendre comment ils l'ont vécu - (3) -, pour évaluer le cours - (4) -. "Quand on a peur de quelque chose, mieux vaut y aller voir le plus vite possible." (Watzlavick) Accepter que les échecs des élèves puissent aussi être imputables à l'action de l'enseignant et/ou de l'institution scolaire, accepter de se remettre en question.
Aller à la rencontre de chaque élève, de sa spécificité, ce qui met chaque fois dans une situation inédite où notre imagination est sollicitée pour y adapter notre enseignement Ne pas s'ennuyer avec ce que l'on enseigne, continuer à rêver, à se laisser interpeller autant dans notre cognition que dans notre affect, bouleverser ses routines.
Etre toujours en chemin sur le plan éthique, s'efforcer de clarifier ses propres valeurs et les rendre transparentes, s'interroger sans relâche sur les rapports entre la fin et les moyens, approfondir ses convictions et explorer ses croyances. La démotivation peut naître d'un écart devenu insupportable et perçu comme irréductible entre ce que l'on croit et ce que l'on fait. Ne pas s'isoler, chercher à rencontrer en profondeur d'autres professeurs, échanger ses pratiques, ses interrogations, partager ses passions ou se laisser séduire par la passion des autres, oser éprouver notre foi en l'élève, en nous, en l'acte d'apprendre.
Réflexions pédagogiques - (5) -
S'incrire sur la liste des H-Français des Clionautes, où plus de 950 professeurs d'histoire-géographie de 28 pays échangent quotidiennement.
Oser confronter sa pratique, travailler avec d'autres, tenter une approche interdisciplinaire - (6).
Chercher sans relâche à tisser des liens entre ce qui se passe dans le monde, ce que vivent les élèves, la matière qu'on est susceptible d'enseigner et les objectifs qu'on se donne
Accepter le décalage, la distance avec les élèves - (7) - et notre impuissance relative, désamorcer notre envie de toute puissance, pouvoir lâcher prise et faire confiance; se souvenir que "l'élève n'a pas choisi d'aller à l'école ni d'assimiler, à tel âge et à tel moment de l'année, tel savoir ou savoir-faire"( .
Développer l'humour à l'égard de soi, pouvoir vivre la déception sans se dévaloriser - (9) -, ne pas confondre ce qu'on fait avec ce qu'on est, se débarrasser de certaines illusions sans sombrer dans la dépression.