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    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique »

    Administrateur
    Administrateur
    Admin


    Date d'inscription : 03/11/2009
    Localisation : Algérie

    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Empty Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique »

    Message par Administrateur Ven 8 Jan - 14:26


    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique »







    Quelques-unes des facettes de l’écrivain algérien le plus internationalisé. Passions, déceptions, visions de la
    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Image_48363313
    et de lui- même,
    autres pseudonymes…





    Nous sommes à Oran, une ville phare dans votre vie comme dans votre dernier roman. Qu’y ressentez-vous ?

    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce C’est
    vraiment une alchimie étrange. Je suis très content d’être là et, en
    même temps, tellement peiné de voir cette ville se délabrer avec le
    temps, se dénaturer. Pourtant les potentialités existent et les
    ouvertures aussi. Je ne comprends donc pas pourquoi cette ville se
    replie sur sa propre décomposition. J’espère, avec quelques notables de
    la ville et quelques intellectuels, qu’Oran redevienne un centre
    culturel. C’est mon souhait le plus cher.

    Vos premiers romans se situaient en Algérie. Puis vous avez fait cap vers l’Orient…




    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce Oui, une embardée sabbatique…



    Belle expression… Puis, vous revenez en Algérie avec Ce que le jour
    doit à la nuit. Ce mouvement géo-littéraire, si l’on peut dire,
    correspond-il à quelque chose de précis ?
    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce Cette
    embardée sabbatique était imposée par le contexte. L’Arabe et le
    musulman étaient complètement diabolisés. Il fallait quelqu’un pour
    essayer d’apaiser les esprits. Mais je n’ai jamais quitté des yeux
    l’Algérie. C’est mon pays et c’est bien de le raconter. Et quand on a
    la chance d’avoir une audience importante, c’est bien de l’installer
    dans le cœur des gens. Maintenant, que ce soit au Canada, en Belgique,
    en France, en attendant les traductions, beaucoup de gens ont découvert
    Rio Salado (aujourd’hui El Melleh). C’est donc bien de participer à
    l’essor de son pays, de manière assez modeste, à partir de son petit
    coin d’écrivain.

    que le jour… m’apparaît personnellement comme votre œuvre la plus accomplie. L’écrivain partage-t-il cette perception ?




    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce Je
    l’ai déclaré avant sa sortie : c’est mon meilleur roman. Je l’ai
    tellement rêvé depuis plus de vingt ans. J’ai toujours voulu écrire une
    saga algérienne à l’image de Autant en emporte le vent ou Docteur
    Jivago. Une histoire d’amour sur fond de guerre, d’écartèlements, de
    désastres. Une espèce de lumière qui reste quand tout a été éteint. Il
    devait d’ailleurs sortir en 2001, l’année de mon installation en
    France. Mais pour des raisons que tout le monde connaît, cette
    suspicion, cette diabolisation, j’ai été obligé d’aller me chercher
    ailleurs, sans jamais renoncer à ce projet. Et, il y a deux ans, je me
    suis dit qu’il fallait que je m’essaye. Dès la première ligne, j’étais
    parti. J’ai mis une année à l’écrire. Et je suis très satisfait du
    résultat.



    L’ouverture
    du roman - le père, la terre, la misère - est portée par un souffle
    littéraire qui n’est pas sans rappeler celui de la trilogie de Dib.
    Relèverait-elle de votre vie ?




    Ça relève de l’histoire de l’Algérie. Les Algériens étaient des
    pasteurs et des paysans. Et puis, un jour la colonisation est arrivée.
    Elle a créé des villes avec tout ce qu’elles ont de dépersonnalisant.
    La misère a atteint des proportions telles que notre peuple a été
    obligé de renoncer à ce qui le faisait, son caractère, son charisme,
    son humilité, sa vaillance, sa bravoure, sa faiblesse par endroits,
    faiblesse humaine, j’entends. Il a renoncé à tout cela pour rejoindre
    un endroit où il n’y avait pas de place pour le partage. Il y avait,
    d’un côté, les cupides et, de l’autre, les exploités. Le roman est un
    peu l’histoire de cette déviation socioculturelle qui a frappé le
    peuple algérien avec la création des villes et des centres urbains.



    Mais quelle serait la dimension autobiographique du livre ?



    Rien du tout. Beaucoup de gens m’ont écrit pour me dire : vous avez
    raconté notre histoire. Il suffit d’interroger la pierre, les vestiges,
    de chercher au plus profond du regard de nos aînés pour percevoir cette
    époque. Je n’ai pas éprouvé beaucoup de difficultés. Même pour la
    documentation, je n’ai pas trop fouillé. J’ai parlé aux gens, aux
    vieux, aux témoins, car ce qui m’importait, ce n’était pas les faits
    mais l’émotion qui les entouraient.



    A quoi tient selon vous le succès considérable du roman auprès des lecteurs ?



    Il
    était le numéro un de la rentrée littéraire au Canada et en Belgique
    aussi. Je pense que c’est une question de langue. Il y a quelque chose
    dans ma façon d’écrire qui plaît, qui dépayse véritablement le lecteur,
    l’installe dans un univers qu’il ne soupçonnait pas et qu’il découvre
    avec beaucoup de délectation.



    Alors
    que la littérature algérienne est volontiers lyrique, poétique, même
    dans la prose, assez complexe dans ses formes, portée sur les nouvelles
    écritures, si je vous dis que vous êtes plus proche des courants
    d’écriture anglo-saxons, l’accepteriez-vous ?


    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce C’est
    fort possible. Je ne suis que la somme des écrivains que j’ai lus.
    Chacun a installé en moi une fibre. Je suis la synthèse de toutes les
    littératures que j’ai aimées. Mais ce qui m’importe le plus, c’est la
    façon d’aimer mon texte. Cet amour-là, s’il est véritablement sincère,
    s’il se construit sur du concret, finit par intéresser. L’amour est une
    contagion. Si on arrive vraiment à faire d’une phrase un instrument
    émotionnel, eh bien, elle provoque une rencontre émotionnelle chez le
    lecteur.

    Certains ont vu dans Ce que le jour… une allégorie à la réconciliation
    historique entre l’Algérie et la France. Pour ma part, je l’ai lu comme
    une volonté de montrer que les destins individuels ne sont pas
    réductibles à l’histoire. Comment envisagez-vous ces approches ?




    Oh, vous savez, certains trouvent toujours des interprétations qui
    leur conviennent ! A un certain moment, on parlait de ma littérature
    comme une littérature d’urgence, mais personne n’était capable de
    définir cette littérature d’urgence. Je crois que le lecteur sain,
    celui qui n’est pas porteur de sa propre frustration, et qui entre
    simplement dans une œuvre comme on rentre dans une maison, avec de la
    curiosité et surtout le sentiment d’être bien accueilli, ne pouvait
    réagir de cette manière. Un livre est un livre. C’est une porte ouverte
    sur un univers, quelque chose qui pourrait nous plaire comme nous
    déplaire. Quand j’ai commencé à écrire ce roman, ce n’était pas pour
    réconcilier. Je voulais raconter l’Algérie dans ce qu’elle avait de
    plus authentique. C’est vrai que nous étions colonisés et que dans nos
    campagnes, il y avait des féodaux.
    Mais dans les villes comme Oran par exemple, il y avait
    une cohabitation, Derb Lihoud (quartier juif) d’un côté, la ville
    européenne, là, un peu plus haut, le village nègre… Même si il y avait
    des remparts invisibles qui morcelaient les communautés par instinct
    grégaire, cela n’empêchait pas d’autres d’aller se retrouver et de
    passer pendant quelques heures des moments de convivialité. C’est tout.
    J’ai voulu raconter cette époque dans ce qu’elle avait de plus beau et
    de plus valeureux. La réconciliation ? Si ces livres permettaient aux
    uns et aux autres de se réconcilier, eh bien, j’aurais réussi quand
    même un exploit. Ce qui est encourageant, c’est la réaction des
    pieds-noirs. Beaucoup m’ont écrit et certains pour me dire qu’ils
    avaient décidé de ne plus parler de l’Algérie. C’était un divorce
    catégorique et définitif. Maintenant, ils se remettent à parler de
    l’Algérie. Notre histoire avait besoin d’un déclic psychologique, et ce
    livre y contribue un peu.

    Comment est né le projet du film ?




    Avant
    même la sortie du livre, sept producteurs et trois réalisateurs s’y
    intéressaient. Ils sont passés par mon éditeur. Certains m’ont contacté
    directement. Arcady a tenu à me rencontrer et il a été le premier à le
    faire. Il m’a convaincu. Il a tellement aimé ce livre que je me suis
    dis que ce serait criminel de d’empêcher quelqu’un d’aussi passionné.
    Il m’a dit que c’était le livre qu’il attendait et qu’il avait été
    écrit pour lui. Et je me suis interdit de le décevoir. Donc, j’ai
    accepté de lui confier l’adaptation. Maintenant, la balle est dans son
    camp…



    Êtes-vous, comme la plupart des écrivains face au cinéma, partagé entre le plaisir et la crainte ?



    N’importe
    quel écrivain serait heureux de voir son livre adapté au cinéma ou au
    théâtre. Cela contribue un peu à élargir l’audience d’un livre. Avec
    Morituri il faut le dire, j’ai été déçu. Mais j’ai très bien compris
    que le réalisateur n’a pas eu tous les moyens financiers et techniques
    pour mener à bien son projet. Cela m’a quand même éveillé et poussé à
    être plus vigilant. Par exemple, je suis en train de voir avec mon
    éditeur comment récupérer d’Hollywood les droits cinématographiques de
    L’Attentat. Ils en sont au cinquième scénario et ils ont tout fait pour
    rendre le geste de Sihem, la kamikaze, condamnable, alors que dans le
    livre, il n’est pas possible de le condamner. Même dans le dernier
    scénario, malgré toutes les démarches et astuces qu’ils ont déployées,
    pour essayer de rendre Sihem criminelle, ils n’ont pas réussi. Si un
    film avait pour vocation de défigurer une œuvre, je préfère encore m’en
    passer. Dans le scénario de Les hirondelles de Kaboul, il y avait des
    introductions qui étaient inconvenantes pour moi avec même une forme de
    déformation. J’ai intervenu et j’ai pratiquement coécrit le scénario
    pour le remettre dans son véritable contexte. Là où j’ai pu vérifier,
    c’est bien. Mais lorsque les Américains achètent des droits d’un livre,
    ils le considèrent comme leur propriété.

    Êtes-vous, comme la plupart des écrivains face au cinéma, partagé entre le plaisir et la crainte ?


    N’importe quel écrivain serait heureux de voir son livre adapté au
    cinéma ou au théâtre. Cela contribue un peu à élargir l’audience d’un
    livre. Avec Morituri il faut le dire, j’ai été déçu. Mais j’ai très
    bien compris que le réalisateur n’a pas eu tous les moyens financiers
    et techniques pour mener à bien son projet. Cela m’a quand même éveillé
    et poussé à être plus vigilant. Par exemple, je suis en train de voir
    avec mon éditeur comment récupérer d’Hollywood les droits
    cinématographiques de L’attentat. Ils en sont au cinquième scénario et
    ils ont tout fait pour rendre le geste de Sihem, la kamikaze,
    condamnable, alors que dans le livre, il n’est pas possible de le
    condamner. Même dans le dernier scénario, malgré toutes les démarches
    et astuces qu’ils ont déployées, pour essayer de rendre Sihem
    criminelle, ils n’ont pas réussi. Si un film avait pour vocation de
    défigurer une œuvre, je préfère encore m’en passer. Dans le scénario de
    Les hirondelles de Kaboul, il y avait des introductions qui étaient
    inconvenantes pour moi avec même une forme de déformation. J’ai
    intervenu et j’ai pratiquement coécrit le scénario pour le remettre
    dans son véritable contexte. Là où j’ai pu vérifier, c’est bien. Mais
    lorsque les Américains achètent des droits d’un livre, ils le
    considèrent comme leur propriété.
    Avez-vous rêvé ou envisagé un jour, tel Elia Kazan, de devenir le réalisateur de vos propres romans ?

    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce Je ne sais pas. J’aimerais bien réaliser Les Agneaux du Seigneur.

    Pourquoi celui-là particulièrement ?


    Je m’en sens capable parce que c’est le seul roman que j’ai écrit comme un document, avec des instantanés fragmentés....

    Vous voulez-dire comme un scénario ?


    Non, comme un document, mais un document littéraire avec des
    projections sur des faits. Dans les autres romans, il n’y a pas de
    cloisonnement. Dans Les Agneaux du Seigneur, c’est comme s’il y avait
    quelqu’un avec une caméra qui essaie de voler à ce village des moments
    de sa vie. Je suis surpris qu’aucun réalisateur n’ait daigné adapter ce
    livre en dépit de son succès.

    Ils ont peut-être senti qu’ils devaient vous le laisser…


    Je ne sais pas, ça pourrait les aider quand même.

    Vos fonctions à la tête du Centre culturel algérien de Paris vous
    laissent-elles le temps de pratiquer votre écriture ? Vivez-vous ce
    « cumul » comme une richesse ou un conflit intérieur ?




    Il n’y a pas de conflit. Le seul conflit intérieur, c’est lorsque
    j’étais soldat et écrivain. Par la suite, tout est rentré dans l’ordre.
    Mais c’est vrai qu’au centre, je n’ai ni le temps ni un espace assez
    propice pour écrire. Je suis devenu en quelque sorte un fonctionnaire.
    J’arrive au bureau à neuf heures et je le quitte parfois à minuit.
    Toute la journée, il y a les entretiens. Je rencontre des artistes...
    Mais tant que j’apporte quelque chose, ça compense un peu toutes les
    désillusions. Je suis fier de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Depuis
    une année, le centre bouge, il est connu. Il est passé sur toutes les
    télévisions. A chaque fois que j’accorde une interview, j’exige qu’elle
    se fasse au CCA et qu’il soit filmé. J’ai établi des contacts un peu
    partout dans le monde, aux USA avec des universités, en Allemagne, Abu
    Dhabi… Maintenant, j’essaie d’élargir les champs de manœuvre de nos
    artistes, de trouver des galeries pour nos photographes. Bref, pas mal
    de choses qui me rendent un peu utile. Tant que je suis dans cette
    utilité, je peux me permettre de ne pas écrire. Mais je reste quand
    même un écrivain. J’ai un lectorat qui attend avec beaucoup d’intérêt
    mes productions littéraires. Mais je n’ai pas vraiment le temps de
    créer. Je suis revenu sur un texte, écrit il y a quelques années, qui
    sortira peut-être en février 2010. Mais pour créer l’œuvre que je
    souhaite, cela demande beaucoup plus de temps.

    Vous avez publié deux romans sous des pseudonymes européens. Pouvez-vous nous en parler ?

    Écoutez, l’un a été révélé par le Figaro Littéraire. Le problème,
    c’est que ce journaliste qui m’a insulté et traité de tous les noms
    (quand d’autres ont fait le même cheminement avec respect) oublie que
    parmi les rares critiques de ce roman, il a été le signataire de la
    plus dithyrambique.

    Quel est le titre de ce roman ?


    Frenchy, sorti chez Fayard.

    Et sous quel pseudonyme ?


    Benjamin
    Cros… Ce que ce journaliste ne comprend pas ou a oublié, c’est qu’à
    l’époque, j’étais complètement exclu en France et que je n’avais plus
    rien, aucune ressource. Je venais de sortir en janvier La Part du mort
    qui a été un vrai flop et s’est vendu à 5000 exemplaires. Pour
    quelqu’un qui avait été bestseller, c’était terrifiant. Surtout que je
    n’avais pas d’autres ressources que la vente de mes livres et j’étais
    obligé d’écrire un roman pour subvenir aux besoins de ma famille.
    Comme cela est arrivé à de nombreux écrivains…

    Yasmina Khadra: « La littérature est d’abord un élan narcissique » Puce Mais
    ce n’était pas pour avoir un prix. On ne peut pas penser à un prix en
    écrivant un livre en trois semaines. Je n’attendais pas un succès en
    librairie. J’espérais seulement attirer l’attention d’un cinéaste sur
    mon roman. J’étais tellement bafoué et vilipendé qu’à un certain
    moment, je me suis dit : pourquoi ne pas se retourner vers le cinéma ?
    Mais ça n’a jamais été une intention. C’est mon droit en tant
    qu’écrivain d’écrire sous n’importe quel pseudonyme. Le journaliste a
    dit que mes éditeurs n’étaient pas au courant. Je n’ai jamais triché
    avec eux. Ils ont été les premiers à le savoir. Bon, je n’ai pas donné
    le nom, ni le titre, mais je leur ai dit : j’ai sorti en France un
    livre sous un pseudonyme. J’en ai sorti un autre avant dans un pays
    européen qui a eu un succès mondial.

    Sous quel pseudonyme ?




    Non, c’est un nom d’emprunt. Et mon éditeur sait aussi que je sors en
    2010 un livre dans un pays européen sous un autre pseudonyme. J’aime me
    diversifier. On nous a, à notre insu, bloqués et enfermés dans une
    catégorie d’auteur qui me déplaît. Moi, j’aime raconter toutes les
    choses qui m’intéressent. Je n’ai pas besoin de parler uniquement de
    l’Algérie. J’ai besoin de parler aussi de psychopathes, d’écrire des
    romans policiers qui se situent ailleurs. Il n’y a pas derrière une
    volonté de tricher. Il y a cet amour immense que j’ai pour la
    littérature et cette chance que j’ai d’avoir un imaginaire.



    Pensez-vous que la littérature algérienne soit condamnée à ne trouver son épanouissement qu’en dehors de l’Algérie ?



    Pour
    le moment, oui. Les Algériens qui ont réussi sont ceux qui ont publié à
    l’étranger. Ça ne veut pas dire qu’ils sont les meilleurs. J’ai lu des
    auteurs algériens qui publient en Algérie et qui ont beaucoup plus de
    talent que ceux qui écrivent à l’étranger. Mais il n’y pas d’intérêt
    pour cette production au plan médiatique. Nos médias ne parlent pas
    beaucoup de ces auteurs, comme les Benfodil, les Mati, les Fatima
    Bakhaï qui sont vraiment des talents confirmés. Il y a peut-être un
    travail d’éditeur qui n’est pas tellement professionnel, parce qu’un
    texte il faut aussi l’accompagner... Mais je ne baisse pas les bras et
    je suis absolument convaincu que d’ici quelques années il y aura des
    noms d’Algériens un peu partout dans le monde.



    A contrario, le fait de publier à l’étranger n’est pas forcément idéal. Vous parliez d’un certain enfermement…



    Maintenant, les auteurs algériens sont dans la protestation. Le
    conseil que je leur donnerai, c’est d’éviter la protestation parce que
    ça ne dévoile pas le talent, mais seulement la frustration. Et quand on
    est dans la frustration, on est dans une sorte de colère. Et dans la
    colère, on n’est jamais dans la lucidité. Ce qu’il faut, c’est rester
    sobre et mettre son talent au service d’une grande œuvre. Ces écrivains
    sont frustrés parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi, après tous les
    efforts qu’’ils déploient, que leurs travaux sont complètement ignorés,
    surtout dans les médias. Je lis de temps en temps la presse, il y a des
    écrivains qui sont dans une sorte d’autisme. Ils tiennent des
    chroniques et ne parlent que de Joyce, Kafka, tous les gens qui n’ont
    pas besoin d’eux. Alors qu’il y a des écrivains qui ont véritablement
    besoin d’eux. Ce que nous offrent les écrivains algériens qui publient
    en Algérie passe complètement inaperçu. Et c’est dommage. D’un autre
    côté, il faudrait qu’il y ait une convention entre le ministère de la
    Culture et celui de l’Education pour que les romans des écrivains
    algériens touchent notre jeunesse, que les professeurs puissent
    proposer un livre à leurs élèves pendant un trimestre, inviter les
    écrivains dans les établissements, et, de cette manière, réinstaller
    l’écrivain algérien dans sa réalité pour qu’il ne reste pas une sorte
    de spore ballottée par les vents contraires.



    Vous me disiez que vous portiez en vous Ce que le jour… comme un rêve ancien…



    C’est
    le roman qui allait exiger de moi beaucoup plus d’effort que tous les
    autres. D’ailleurs, j’ai mis une année à l’écrire, alors que
    L’attentat, par exemple, je l’ai écrit en deux mois. Je suis fier de ce
    roman (Ce que le jour…). Maintenant, suis-je suis capable d’écrire
    mieux ? Je ne sais pas. L’avenir nous le dira.




    C’est un métier incertain, vous le savez. On peut écrire bien et mieux
    et ne pas forcément être bien et mieux perçu par les lecteurs…




    Écoutez,
    il y a une réalité. La littérature est d’abord un élan narcissique. Et
    tout écrivain, quel que soit son talent, se croit le meilleur. Cette
    foi en soi et ce respect immodéré de son art qui fait qu’aujourd’hui
    chacun se croit le meilleur, c’est tout à fait naturel et c’est ce qui
    aide les écrivains à avancer. Il faut toujours se croire le meilleur.
    Mais le meilleur des écrivains est celui qui dit : il faut donner le
    meilleur de soi et ne pas se comparer aux autres. Jamais. Mais si cela
    peut aider des écrivains à avancer, qu’ils se disent qu’ils sont les
    meilleurs. On les attend. Et c’est absolument nécessaire pour l’image
    de notre pays. Il faut absolument sortir de ces raccourcis terroristes
    qui nous placent dans des situations peu confortables, et surtout peu
    recommandables. Cet évènement à Oran, c’est une opportunité
    extraordinaire. Regardez la délégation qui arrive pour accompagner ce
    premier pas de l’Algérie dans le grand cinéma international. Je
    souhaiterais que les Algériens profitent au maximum de cette aubaine.

    *
    Frenchy est sorti en septembre 2004. Il raconte l’histoire d’une
    famille française installée dans une petite ville conservatrice du
    Texas et qui devient l’objet d’un déchaînement hostile, suite à la
    décision en 2002 de Chirac de ne pas soutenir Bush dans sa guerre
    contre l’Irak. Leur petite fille est enlevée…


    Par Ameziane Ferhani






    Par Karim Kherbouche

    -
    Publié dans : Littérature

      La date/heure actuelle est Ven 15 Nov - 12:42