Patrick
Raveau
a
signé une trentaine de nouvelles
publiées dans des magazines
spécialisés dans le Fantastique ou
la Science-Fiction.
Son nom
a figuré au sommaire du Volume 8 des
Territoires de
l’Inquiétude (Denoël), et certaines de ses
nouvelles ont été reprises dans
les quotidiens régionaux La
Montagne
et L’Union.
Premier
Prix du concours organisé par
Infini en 1994 pour la nouvelle
Mémoire du
Vent
(traduite et publiée en Roumanie). Deux
courts romans : Le Vrai Visage de
Gregory,
écrit en collaboration avec Jean-Pierre
Planque aux Éditions
Phénix (Belgique, 1992), et L’Ultime
Songe de la Cité, aux Éditions Destination
Crépuscule (1995). Enfin, le roman
Terraborn, toujours en collaboration avec
Jean-Pierre Planque, aux Éditions du Haut
Château (1998).
Professeur de philosophie, musicien
et photographe de talent, Patrick
Raveau a publié de nombreux
poèmes, ainsi que des essais sur les
poètes contemporains.
Il a
reçu le Premier Prix de
Bretagne
(jadis, Prix Brocéliande) en 1995 pour le
recueil Second Versant de la
lumière.
"SOLEILS / MAINS / JETER / HASARD"
*
La terre brille et nous prêtons souvent nos yeux à
sa lumière perdue dans un rêve où nos ancêtres
ont vécu. Angus nous a révélé qu'il
y aurait eu des mondes emplis d'arbres comme lui, mais nous avons
beaucoup de mal à le croire. Sans doute rêve-t-il
aussi... Parle-t-il en songe à ses lointains aïeux ?
L'hiver est une saison cruelle, car l'arbre est alors totalement
dénudé. C'est l'époque où nous devons
apprendre à parler. Nos lèvres se déchirent
sous l'effort prodigieux qu'il nous faut accomplir pour former
des fragments de mots. Il faut avouer que nous avons perdu l'usage
de la parole. Nos lèvres se sont scellées jour après
jour, et nos yeux ont appris à déchiffrer les messages
de l'arbre. Pierre est le plus fort en son genre ; c'est un poète
qui sait donner un sens aux mots qui apparaissent sur les feuilles.
Mais nous avons aussi nos règles qui interdisent d'extrapoler
la teneur des messages ainsi recueillis. Notre cœur revit lorsque
les premiers bourgeons apparaissent sur le corps d'Angus. C'est
la fin de sa dormance, de ce long songe où il pétrit
notre réalité dans sa sève rouge.
*
*
*
*
*
*
*
FIN
Raveau
a
signé une trentaine de nouvelles
publiées dans des magazines
spécialisés dans le Fantastique ou
la Science-Fiction.
Son nom
a figuré au sommaire du Volume 8 des
Territoires de
l’Inquiétude (Denoël), et certaines de ses
nouvelles ont été reprises dans
les quotidiens régionaux La
Montagne
et L’Union.
Premier
Prix du concours organisé par
Infini en 1994 pour la nouvelle
Mémoire du
Vent
(traduite et publiée en Roumanie). Deux
courts romans : Le Vrai Visage de
Gregory,
écrit en collaboration avec Jean-Pierre
Planque aux Éditions
Phénix (Belgique, 1992), et L’Ultime
Songe de la Cité, aux Éditions Destination
Crépuscule (1995). Enfin, le roman
Terraborn, toujours en collaboration avec
Jean-Pierre Planque, aux Éditions du Haut
Château (1998).
Professeur de philosophie, musicien
et photographe de talent, Patrick
Raveau a publié de nombreux
poèmes, ainsi que des essais sur les
poètes contemporains.
Il a
reçu le Premier Prix de
Bretagne
(jadis, Prix Brocéliande) en 1995 pour le
recueil Second Versant de la
lumière.
Violaine me tend les mains et chuchote :
— Aujourd'hui, je sens la force
du vent. As-tu remarqué la taille des nuages ? L'arbre
veut nous parler. »
du vent. As-tu remarqué la taille des nuages ? L'arbre
veut nous parler. »
La joie monte en moi. Cela fait
bien longtemps que le vieil arbre ne nous a pas délivré
ses messages, que sa sève n'a pas composé. Nous
sommes les yeux d'Angus et je suis certain qu'il connaît
le monde grâce à nous. Mais comment savoir si
cette créature est aussi âgée que nous
le pensons ? Cela fait si longtemps que nous errons sur
ce bout de terre perdu dans l'espace.
bien longtemps que le vieil arbre ne nous a pas délivré
ses messages, que sa sève n'a pas composé. Nous
sommes les yeux d'Angus et je suis certain qu'il connaît
le monde grâce à nous. Mais comment savoir si
cette créature est aussi âgée que nous
le pensons ? Cela fait si longtemps que nous errons sur
ce bout de terre perdu dans l'espace.
Une feuille vient de se détacher
de l'arbre ; elle tourbillonne un instant sous nos regards
inquiets, puis elle se pose tout en douceur sur la terre ocre.
Je l'ai repérée le premier, je me lève
et cours la ramasser sous le regard envieux des autres. Elle
est presque vierge. Pourtant, en son centre, parmi les fines
veinules, plusieurs mots sont inscrits à l'encre rouge.
Des mots qui se suivent aléatoirement :
de l'arbre ; elle tourbillonne un instant sous nos regards
inquiets, puis elle se pose tout en douceur sur la terre ocre.
Je l'ai repérée le premier, je me lève
et cours la ramasser sous le regard envieux des autres. Elle
est presque vierge. Pourtant, en son centre, parmi les fines
veinules, plusieurs mots sont inscrits à l'encre rouge.
Des mots qui se suivent aléatoirement :
"SOLEILS / MAINS / JETER / HASARD"
Je reviens auprès de
Violaine. Hommes et femmes accourent pour connaître
la teneur du message. Dans leurs yeux brille l'impatience
de lire. Décontenancés par l'absence apparente
de sens, ils repartent.
Violaine. Hommes et femmes accourent pour connaître
la teneur du message. Dans leurs yeux brille l'impatience
de lire. Décontenancés par l'absence apparente
de sens, ils repartent.
Durant plusieurs minutes le
ciel s'assombrit. De gros nuages noirs envahissent le ciel
et recouvrent la terre de leur ombre. Le feuillage, d'ordinaire
très clair, prend une teinte émeraude. Une bourrasque
se prépare. Déjà, les oiseaux décrivent
d'amples courbes et s'éloignent en poussant de longs
cris aigus.
ciel s'assombrit. De gros nuages noirs envahissent le ciel
et recouvrent la terre de leur ombre. Le feuillage, d'ordinaire
très clair, prend une teinte émeraude. Une bourrasque
se prépare. Déjà, les oiseaux décrivent
d'amples courbes et s'éloignent en poussant de longs
cris aigus.
Je pense à cette jeune
femme blottie contre moi, cette femme que j'aime. Elle est
très pâle, comme nous tous ici. Je l'ai connue
grâce à l'arbre. C'est lui qui a écrit
son nom sur une feuille que j'ai eu la chance de ramasser.
J'ai alors compris que je devais l'épouser.
femme blottie contre moi, cette femme que j'aime. Elle est
très pâle, comme nous tous ici. Je l'ai connue
grâce à l'arbre. C'est lui qui a écrit
son nom sur une feuille que j'ai eu la chance de ramasser.
J'ai alors compris que je devais l'épouser.
Aguador ne possède qu'un
seul arbre, Angus, dont les racines s'enfoncent dans le temps.
Notre terre est empreinte de son éternité, mais
personne ne connaît son secret. Comment parvient-il
à inscrire sa pensée sur de simples feuilles
? Quel moyen chimique met-il en œuvre pour nous parler ? Quelle
sorte de magie siège en son tronc majestueux ?
seul arbre, Angus, dont les racines s'enfoncent dans le temps.
Notre terre est empreinte de son éternité, mais
personne ne connaît son secret. Comment parvient-il
à inscrire sa pensée sur de simples feuilles
? Quel moyen chimique met-il en œuvre pour nous parler ? Quelle
sorte de magie siège en son tronc majestueux ?
L'arbre est immense. Nous l'avons
surnommé Angus. Son ombre qui vient couvrir une grande
partie du sol nous invite à nous recueillir. C'est
là que chaque jour nous venons récolter les
mots. Sa musique est si belle lorsqu'il brasse ses feuilles
tourmentées par les vents !
surnommé Angus. Son ombre qui vient couvrir une grande
partie du sol nous invite à nous recueillir. C'est
là que chaque jour nous venons récolter les
mots. Sa musique est si belle lorsqu'il brasse ses feuilles
tourmentées par les vents !
*
Depuis quelques jours, Angus
ne parle guère. J'ignore quelle tristesse plane dans
l'atmosphère. Parfois je pense qu'il va nous révéler
un secret. Son testament, qui sait ?
ne parle guère. J'ignore quelle tristesse plane dans
l'atmosphère. Parfois je pense qu'il va nous révéler
un secret. Son testament, qui sait ?
L'arbre est sans nul doute conscient
du Grand Livre que nous composons en plaçant bout à
bout les mots qu'il nous délivre chaque jour. Son alphabet
végétal trouve une place de choix sur de grandes
feuilles vierges. Ainsi l'histoire de notre peuple trouve-t-elle
sa raison d'être.
du Grand Livre que nous composons en plaçant bout à
bout les mots qu'il nous délivre chaque jour. Son alphabet
végétal trouve une place de choix sur de grandes
feuilles vierges. Ainsi l'histoire de notre peuple trouve-t-elle
sa raison d'être.
Ensemble, nous réfléchissons
de longs moments à la trame que doivent prendre les
événements futurs. Tous, autant que nous sommes,
nous croyons l'arbre. A quelle époque remonte sa naissance
? Nul n'en sait rien. Sans doute est-il immortel !
de longs moments à la trame que doivent prendre les
événements futurs. Tous, autant que nous sommes,
nous croyons l'arbre. A quelle époque remonte sa naissance
? Nul n'en sait rien. Sans doute est-il immortel !
La terre brille et nous prêtons souvent nos yeux à
sa lumière perdue dans un rêve où nos ancêtres
ont vécu. Angus nous a révélé qu'il
y aurait eu des mondes emplis d'arbres comme lui, mais nous avons
beaucoup de mal à le croire. Sans doute rêve-t-il
aussi... Parle-t-il en songe à ses lointains aïeux ?
L'hiver est une saison cruelle, car l'arbre est alors totalement
dénudé. C'est l'époque où nous devons
apprendre à parler. Nos lèvres se déchirent
sous l'effort prodigieux qu'il nous faut accomplir pour former
des fragments de mots. Il faut avouer que nous avons perdu l'usage
de la parole. Nos lèvres se sont scellées jour après
jour, et nos yeux ont appris à déchiffrer les messages
de l'arbre. Pierre est le plus fort en son genre ; c'est un poète
qui sait donner un sens aux mots qui apparaissent sur les feuilles.
Mais nous avons aussi nos règles qui interdisent d'extrapoler
la teneur des messages ainsi recueillis. Notre cœur revit lorsque
les premiers bourgeons apparaissent sur le corps d'Angus. C'est
la fin de sa dormance, de ce long songe où il pétrit
notre réalité dans sa sève rouge.
*
Le vent continue de fouetter
l'arbre par rafales. Le front d'Angus s'obscurcit au point
que soudain le monde semble s'évanouir en un rêve
sans fin. Je prends la main de ma compagne. Ses doigts se
crispent sur les miens. Craintive, ma compagne se couche sur
le sol et replie les bras au dessus de sa tête comme
pour une prière.
l'arbre par rafales. Le front d'Angus s'obscurcit au point
que soudain le monde semble s'évanouir en un rêve
sans fin. Je prends la main de ma compagne. Ses doigts se
crispent sur les miens. Craintive, ma compagne se couche sur
le sol et replie les bras au dessus de sa tête comme
pour une prière.
Des feuilles tourbillonnent,
s'envolent au loin pour aller colporter des messages que nos
frères liront demain.
s'envolent au loin pour aller colporter des messages que nos
frères liront demain.
Violaine est plus calme à
présent. Elle me sourit et dépose un baiser
sur mes lèvres, heureuse de sentir que je n'ai pas
réellement peur. Blême comme nous tous, elle
ramasse une feuille qui vient de rejoindre le sol. Le mot
" APOCAL..." y est griffonné.
présent. Elle me sourit et dépose un baiser
sur mes lèvres, heureuse de sentir que je n'ai pas
réellement peur. Blême comme nous tous, elle
ramasse une feuille qui vient de rejoindre le sol. Le mot
" APOCAL..." y est griffonné.
*
Angus est l'esprit de cette
terre, sa voix, son chant. Connaît-il l'heure de sa
propre mort ? Je ne peux me résigner à croire
qu'il puisse disparaître un jour ! Une seconde feuille
vient de frôler ma jambe droite. J'y lis "LES SANGLOTS
LONGS DES..." Cette phrase me surprend ; on dirait le début
d'un poème. Pierre pourrait sans doute y trouver une
fin. Si les bras d'Angus pouvaient brasser plus de vent, les
feuilles seraient plus nombreuses et nous serions débarrassés
de notre tourment actuel. Nous saurions sans doute la vérité
sur notre présence ici.
terre, sa voix, son chant. Connaît-il l'heure de sa
propre mort ? Je ne peux me résigner à croire
qu'il puisse disparaître un jour ! Une seconde feuille
vient de frôler ma jambe droite. J'y lis "LES SANGLOTS
LONGS DES..." Cette phrase me surprend ; on dirait le début
d'un poème. Pierre pourrait sans doute y trouver une
fin. Si les bras d'Angus pouvaient brasser plus de vent, les
feuilles seraient plus nombreuses et nous serions débarrassés
de notre tourment actuel. Nous saurions sans doute la vérité
sur notre présence ici.
Un grand oiseau aux couleurs
éclatantes vient de passer au-dessus de nos têtes.
Son bec s'est refermé sur deux feuilles. Il arrive
parfois que nous perdions des messages, ou bien qu'ils nous
parviennent trop tard. Mais nous ne désespérons
jamais. Au loin, passe un grand fleuve. Les hommes qui vivent
sur ses berges sont trop faibles pour venir récolter
les paroles de l'arbre ; ce sont eux qui ramassent les
feuilles qui nous ont échappé. On raconte qu'ils
sont muets, que leurs lèvres exsangues ne peuvent qu'émettre
de petits cris.
éclatantes vient de passer au-dessus de nos têtes.
Son bec s'est refermé sur deux feuilles. Il arrive
parfois que nous perdions des messages, ou bien qu'ils nous
parviennent trop tard. Mais nous ne désespérons
jamais. Au loin, passe un grand fleuve. Les hommes qui vivent
sur ses berges sont trop faibles pour venir récolter
les paroles de l'arbre ; ce sont eux qui ramassent les
feuilles qui nous ont échappé. On raconte qu'ils
sont muets, que leurs lèvres exsangues ne peuvent qu'émettre
de petits cris.
Un jour prochain, peut-être
irons-nous aussi rejoindre le fleuve, ou des terres plus fertiles.
Mais l'arbre hante nos rêves ; nous ne pouvons le quitter.
Ses yeux morts voient à travers les nôtres. Chaque
feuille est conservée avec un soin particulier, avec
amour. Ce qui est écrit sur le Livre ne peut être
changé. Telle est la Loi première de notre peuple.
Une fois que la feuille trouve sa place dans le Grand Livre
d'Aguador, nul ne peut prétendre la bouger. Ainsi,
nous possédons tous une identité.
irons-nous aussi rejoindre le fleuve, ou des terres plus fertiles.
Mais l'arbre hante nos rêves ; nous ne pouvons le quitter.
Ses yeux morts voient à travers les nôtres. Chaque
feuille est conservée avec un soin particulier, avec
amour. Ce qui est écrit sur le Livre ne peut être
changé. Telle est la Loi première de notre peuple.
Une fois que la feuille trouve sa place dans le Grand Livre
d'Aguador, nul ne peut prétendre la bouger. Ainsi,
nous possédons tous une identité.
Seuls les poètes comme
Pierre transgressent la Loi en ajoutant leurs propres mots
à ceux qui sont imprimés sur les feuilles. Violaine
et moi n'avons jamais trahi leur secret.
Pierre transgressent la Loi en ajoutant leurs propres mots
à ceux qui sont imprimés sur les feuilles. Violaine
et moi n'avons jamais trahi leur secret.
Le Livre compte aujourd'hui plus de mille
deux cent trente-trois pages. C'est une idée folle
en soi que celle de constituer une histoire cohérente
à partir de mots le plus souvent insensés. Mais
c'est notre vie, le jeu le plus fou et le plus sérieux
qui existe sur Aguador. N'oublions pas que le hasard n'existe
pas ; même si nous croyons assembler les mots selon
nos désirs, ceux-ci proviennent d'Angus qui ne les
a pas écrits sans raison.
deux cent trente-trois pages. C'est une idée folle
en soi que celle de constituer une histoire cohérente
à partir de mots le plus souvent insensés. Mais
c'est notre vie, le jeu le plus fou et le plus sérieux
qui existe sur Aguador. N'oublions pas que le hasard n'existe
pas ; même si nous croyons assembler les mots selon
nos désirs, ceux-ci proviennent d'Angus qui ne les
a pas écrits sans raison.
Notre mémoire est défaillante,
et pour tous Aguador reste une énigme. L'arbre est le
seul lien avec le monde que nous avons quitté, la Terre.
et pour tous Aguador reste une énigme. L'arbre est le
seul lien avec le monde que nous avons quitté, la Terre.
J'ai pu reconstituer mon aventure
avec Violaine. Des jours entiers à chercher les mots
adéquats qui correspondraient à mes rêves.
Violaine, dont j'ignorais le nom, m'est apparue telle que les
mots d'encre rouge la décrivaient sur les feuilles d'automne.
Ses cheveux noirs qui hantaient autrefois mes rêves sont
aujourd'hui bien réels et son histoire recoupe la mienne.
De son côté, elle a pu vérifier que c'était
bien de moi dont l'arbre parlait. Notre rencontre ne doit rien
au hasard.
avec Violaine. Des jours entiers à chercher les mots
adéquats qui correspondraient à mes rêves.
Violaine, dont j'ignorais le nom, m'est apparue telle que les
mots d'encre rouge la décrivaient sur les feuilles d'automne.
Ses cheveux noirs qui hantaient autrefois mes rêves sont
aujourd'hui bien réels et son histoire recoupe la mienne.
De son côté, elle a pu vérifier que c'était
bien de moi dont l'arbre parlait. Notre rencontre ne doit rien
au hasard.
Le vent redouble de force. Je
sais que l'arbre souffre et crie. Une première branche
vient de se détacher. Violaine se précipite vers
elle. Les feuilles qui tombent sont vierges ; pourtant sur l'une
d'elles est inscrit mon nom. Je me tourne vers Violaine. Une
incompréhension totale se lit son visage d'ange. Elle
tente de parler, mais ses balbutiements s'envolent dans le vent
mauvais.
sais que l'arbre souffre et crie. Une première branche
vient de se détacher. Violaine se précipite vers
elle. Les feuilles qui tombent sont vierges ; pourtant sur l'une
d'elles est inscrit mon nom. Je me tourne vers Violaine. Une
incompréhension totale se lit son visage d'ange. Elle
tente de parler, mais ses balbutiements s'envolent dans le vent
mauvais.
D'autres branches sont arrachées
du tronc de l'arbre. Un à un, les membres d'Angus rejoignent
la terre qui les a vu naître. Pierre pleure. Ses larmes
se mêlent aux gouttes de pluie que chasse la bourrasque.
du tronc de l'arbre. Un à un, les membres d'Angus rejoignent
la terre qui les a vu naître. Pierre pleure. Ses larmes
se mêlent aux gouttes de pluie que chasse la bourrasque.
*
La Terre fut notre premier habitacle. C'est
écrit dans le Livre d'Aguador. Nous serions nés
de la lumière du Soleil fécondant la Terre mère.
Le Soleil est notre père. Notre sang est pâle et
notre marche très lente. Notre sang est bleuté.
écrit dans le Livre d'Aguador. Nous serions nés
de la lumière du Soleil fécondant la Terre mère.
Le Soleil est notre père. Notre sang est pâle et
notre marche très lente. Notre sang est bleuté.
L'arbre capte-t-il les messages
qui tombent des étoiles, tel un récepteur branché
sur ce monde inconnu ? Emmagasine-t-il ces informations
dans une sève aux propriétés mnésiques
? Compose-t-il ou décompose-t-il dans un but bien précis
? Pourquoi ce grand frère connaît-il notre langage
et comment connaît-il mon nom ?
qui tombent des étoiles, tel un récepteur branché
sur ce monde inconnu ? Emmagasine-t-il ces informations
dans une sève aux propriétés mnésiques
? Compose-t-il ou décompose-t-il dans un but bien précis
? Pourquoi ce grand frère connaît-il notre langage
et comment connaît-il mon nom ?
Le mystère s'épaissit
tandis qu'autour de moi les éléments se déchaînent.
Violaine vient de ramasser une feuille sur laquelle est inscrit
le mot "enfant". Ses mains tremblent. Elle se presse contre
moi. L'arbre sait-il aussi qu'elle est enceinte ? Hier encore,
toutes ces énigmes n'avaient pas de raison d'être
; nous avions foi en Angus. Mais l'idée qu'il puisse
ne pas être éternel fait jaillir en moi l'inquiétude
et la méfiance la plus profonde. Il ne nous serait jamais
venu à l'idée, depuis des générations,
de nous interroger sur notre origine et sur celle du monde,
mais tout change soudain devant la torture qu'inflige la tempête
au corps d'Angus.
tandis qu'autour de moi les éléments se déchaînent.
Violaine vient de ramasser une feuille sur laquelle est inscrit
le mot "enfant". Ses mains tremblent. Elle se presse contre
moi. L'arbre sait-il aussi qu'elle est enceinte ? Hier encore,
toutes ces énigmes n'avaient pas de raison d'être
; nous avions foi en Angus. Mais l'idée qu'il puisse
ne pas être éternel fait jaillir en moi l'inquiétude
et la méfiance la plus profonde. Il ne nous serait jamais
venu à l'idée, depuis des générations,
de nous interroger sur notre origine et sur celle du monde,
mais tout change soudain devant la torture qu'inflige la tempête
au corps d'Angus.
*
Le Livre ne sera pas terminé, j'ai
en décidé ainsi. Nous réapprendrons à
lire, à parler. À nous souvenir... Il paraît
que les hommes d'autrefois parlaient et lisaient de gros livres.
en décidé ainsi. Nous réapprendrons à
lire, à parler. À nous souvenir... Il paraît
que les hommes d'autrefois parlaient et lisaient de gros livres.
Je viens d'entendre un effroyable
cri. J'aperçois le tronc qui se fend sur toute sa longueur
et s'écrase sur des dizaines de malheureux. Des feuilles
recouvrent le sol en guise de testament.
cri. J'aperçois le tronc qui se fend sur toute sa longueur
et s'écrase sur des dizaines de malheureux. Des feuilles
recouvrent le sol en guise de testament.
Violaine accourt elle aussi.
Ses cheveux noirs brillent dans le peu de lumière qui
tombe sur le sol. Livide, elle se jette dans mes bras. Pierre,
assis sur un rocher, regarde les lettres qui parsèment
la terre. La parole de l'arbre se dilue. De longues minutes
s'écoulent, interminables. Angus gît sur le sol
de tout son long. Son corps repose en trois morceaux, ses membres
à quelques mètres de lui font un triste tableau.
Ses cheveux noirs brillent dans le peu de lumière qui
tombe sur le sol. Livide, elle se jette dans mes bras. Pierre,
assis sur un rocher, regarde les lettres qui parsèment
la terre. La parole de l'arbre se dilue. De longues minutes
s'écoulent, interminables. Angus gît sur le sol
de tout son long. Son corps repose en trois morceaux, ses membres
à quelques mètres de lui font un triste tableau.
Certains de nos frères
ont les larmes aux yeux. Pour ma part, je pense être enfin
guéri de l'angoisse qui m'étreignait avec force
il y a quelques instants. Je n'ai nulle envie de lire la terre
en sang.
ont les larmes aux yeux. Pour ma part, je pense être enfin
guéri de l'angoisse qui m'étreignait avec force
il y a quelques instants. Je n'ai nulle envie de lire la terre
en sang.
Au ciel de lourds nuages s'enfuient,
des filets de ciel bleu apparaissent peu à peu. A l'horizon
la terre s'incurve, désertique, dévoilant la rondeur
de notre planète d'exil. Certains de nos frères
crient en maudissant le sort qui vient de s'abattre sur Aguador.
des filets de ciel bleu apparaissent peu à peu. A l'horizon
la terre s'incurve, désertique, dévoilant la rondeur
de notre planète d'exil. Certains de nos frères
crient en maudissant le sort qui vient de s'abattre sur Aguador.
Je m'approche de l'arbre et
je pense au Livre. Une histoire vient de prendre fin et je n'ai
pas peur. Quelques oiseaux piaillent en voletant autour du cadavre.
Les membres d'Angus ne brandissent plus d'injures au ciel ;
ses énormes racines sont à nu. L'envie me prend
de plonger mes canines dans cette chair humide. Nous nous étions
fixés au langage de l'arbre pendant tant de jours. Grand
prêtre, Angus connaissait notre vie et nous ne le connaissions
pas. Pourtant, j'avais aimé Violaine bien avant que les
fruits d'Angus ne me révèlent son nom...
je pense au Livre. Une histoire vient de prendre fin et je n'ai
pas peur. Quelques oiseaux piaillent en voletant autour du cadavre.
Les membres d'Angus ne brandissent plus d'injures au ciel ;
ses énormes racines sont à nu. L'envie me prend
de plonger mes canines dans cette chair humide. Nous nous étions
fixés au langage de l'arbre pendant tant de jours. Grand
prêtre, Angus connaissait notre vie et nous ne le connaissions
pas. Pourtant, j'avais aimé Violaine bien avant que les
fruits d'Angus ne me révèlent son nom...
Violaine se serre davantage
contre moi et me donne un baiser ; ses lèvres ont un
goût étrange. Un goût de sang ! Sur ses dents
coule un liquide rose. Je recule brusquement.
contre moi et me donne un baiser ; ses lèvres ont un
goût étrange. Un goût de sang ! Sur ses dents
coule un liquide rose. Je recule brusquement.
Je commence à comprendre
la lente fossilisation qui s'est opérée autour
d'Angus. J'ai souvent répété que nous étions
ses yeux. Je réalise enfin qu'il ne s'agissait pas d'une
image mais de la réalité. Angus s'est certainement
nourri de notre sang jour après jour, de notre mémoire
seconde après seconde, tissant notre réalité
en nous délivrant ses paroles tronquées qui n'étaient
rien d'autre que des bribes de notre mémoire violée.
la lente fossilisation qui s'est opérée autour
d'Angus. J'ai souvent répété que nous étions
ses yeux. Je réalise enfin qu'il ne s'agissait pas d'une
image mais de la réalité. Angus s'est certainement
nourri de notre sang jour après jour, de notre mémoire
seconde après seconde, tissant notre réalité
en nous délivrant ses paroles tronquées qui n'étaient
rien d'autre que des bribes de notre mémoire violée.
*
Nos corps résistent mieux aux intempéries.
Nous ne regrettons plus la disparition de l'arbre. Si la foudre
ne s'était pas abattue sur Angus, sans doute continuerions-nous
à écrire le livre de notre mort. Une mort lente,
que des mains étrangères se seraient appliquées
à déchiffrer demain pour conclure que la possibilité
de vivre selon les critères même de l'aléatoire
ne sont pas négligeables.
Nous ne regrettons plus la disparition de l'arbre. Si la foudre
ne s'était pas abattue sur Angus, sans doute continuerions-nous
à écrire le livre de notre mort. Une mort lente,
que des mains étrangères se seraient appliquées
à déchiffrer demain pour conclure que la possibilité
de vivre selon les critères même de l'aléatoire
ne sont pas négligeables.
J'aime Violaine et je ne pense
pas que quiconque personne puisse m'en donner la raison. Je
me couche sur le sol aux reflets d'or. L'ocre brille sous les
mille feux du petit soleil d'Aguador. La terre est-elle constituée
de multiples réseaux captant chaque vibration, analysant
les organismes en contact avec le sol ?
pas que quiconque personne puisse m'en donner la raison. Je
me couche sur le sol aux reflets d'or. L'ocre brille sous les
mille feux du petit soleil d'Aguador. La terre est-elle constituée
de multiples réseaux captant chaque vibration, analysant
les organismes en contact avec le sol ?
J'entrevois soudain l'éventualité
d'une planète totalement factice !
d'une planète totalement factice !
Violaine est transfigurée.
Plus belle que jamais, elle me sourit tandis que Pierre semble
attendre qu'une dernière feuille volée à
l'orage vienne mourir à ses pieds. Certes, nous avons
perdu la mémoire mais nous en connaissons aujourd'hui
la cause. Nous avions oublié jusqu'à l'existence
même de la Terre. Nos ancêtres avaient tout prévu,
sauf que les souvenirs sont tenaces et franchissent les siècles
comme les intempéries. Ils avaient pensé à
tout sauf à la
foudre et à la colère des dieux.
Plus belle que jamais, elle me sourit tandis que Pierre semble
attendre qu'une dernière feuille volée à
l'orage vienne mourir à ses pieds. Certes, nous avons
perdu la mémoire mais nous en connaissons aujourd'hui
la cause. Nous avions oublié jusqu'à l'existence
même de la Terre. Nos ancêtres avaient tout prévu,
sauf que les souvenirs sont tenaces et franchissent les siècles
comme les intempéries. Ils avaient pensé à
tout sauf à la
foudre et à la colère des dieux.
Que reste-t-il d'Angus ?
Le souvenir d'une existence entièrement vouée
aux vents... Sans doute serions-nous devenus totalement amnésiques.
J'aurais pu, chaque jour, redécouvrir l'image du visage
de Violaine. Une image à aimer, une illusion, un rêve
! Et nous, errants et vagabonds, pantins livrés au
caprice des vents, aurions recomposé le chant d'Angus
pour nous donner un sens.
Le souvenir d'une existence entièrement vouée
aux vents... Sans doute serions-nous devenus totalement amnésiques.
J'aurais pu, chaque jour, redécouvrir l'image du visage
de Violaine. Une image à aimer, une illusion, un rêve
! Et nous, errants et vagabonds, pantins livrés au
caprice des vents, aurions recomposé le chant d'Angus
pour nous donner un sens.
*
Nous marchons vers le fleuve, le corps penché
en avant, pliés sous les vents qui s'acharnent à
nouveau. La poussière d'ocre griffe nos visages; mais
si la fatigue ne fait que ralentir notre marche, elle ne peut
l'arrêter. Le fleuve gronde au loin et son reflet serpente
dans le miroir du ciel. Fleuve immense charriant des tonnes
d'eau. Des silhouettes se précisent dans la brume matinale.
La chaleur est étouffante. Le vent rouge enveloppe
chacun de nous.
en avant, pliés sous les vents qui s'acharnent à
nouveau. La poussière d'ocre griffe nos visages; mais
si la fatigue ne fait que ralentir notre marche, elle ne peut
l'arrêter. Le fleuve gronde au loin et son reflet serpente
dans le miroir du ciel. Fleuve immense charriant des tonnes
d'eau. Des silhouettes se précisent dans la brume matinale.
La chaleur est étouffante. Le vent rouge enveloppe
chacun de nous.
Violaine marche derrière
moi et porte notre enfant. Pierre s'efforce de siffler une
mélodie que chantait autrefois Angus quand il jouait
de ses fausses feuilles. Nous commençons à distinguer
les premiers visages déformés par les volutes
d'air chaud.
moi et porte notre enfant. Pierre s'efforce de siffler une
mélodie que chantait autrefois Angus quand il jouait
de ses fausses feuilles. Nous commençons à distinguer
les premiers visages déformés par les volutes
d'air chaud.
Ils paraissent être au
courant de notre venue. Quelques femmes ferment les yeux;
des hommes lancent des cris poussifs, mais leur regard semble
nous ignorer. Ils demeurent immobiles, les yeux rivés
sur l'eau qui dévale le long de gros rochers gris.
Je m'approche d'un vieillard recroquevillé sur le sol,
la tête au bord de l'eau. Quand ma main se pose sur
son épaule, il se retourne brusquement. Ses yeux sont
d'un bleu délavé. Son regard brille d'une lueur
indicible qui m'effraie un moment. Avant qu'il ne s'enfuie,
j'ai le temps d'apercevoir une ombre qui se précise
au centre de son iris. Le vieillard court vers un autre homme
et leurs yeux se reflètent. Je comprends qu'ils peuvent
lire et communiquer ainsi de l'un à l'autre. Le fleuve
charrie des tonnes et des tonnes d'images chaque seconde.
Je n'ose émettre d'hypothèse sur la nature des
dessins qui apparaissent dans les remous.
courant de notre venue. Quelques femmes ferment les yeux;
des hommes lancent des cris poussifs, mais leur regard semble
nous ignorer. Ils demeurent immobiles, les yeux rivés
sur l'eau qui dévale le long de gros rochers gris.
Je m'approche d'un vieillard recroquevillé sur le sol,
la tête au bord de l'eau. Quand ma main se pose sur
son épaule, il se retourne brusquement. Ses yeux sont
d'un bleu délavé. Son regard brille d'une lueur
indicible qui m'effraie un moment. Avant qu'il ne s'enfuie,
j'ai le temps d'apercevoir une ombre qui se précise
au centre de son iris. Le vieillard court vers un autre homme
et leurs yeux se reflètent. Je comprends qu'ils peuvent
lire et communiquer ainsi de l'un à l'autre. Le fleuve
charrie des tonnes et des tonnes d'images chaque seconde.
Je n'ose émettre d'hypothèse sur la nature des
dessins qui apparaissent dans les remous.
Plus loin, un enfant boit l'eau
du fleuve dans la coupe de ses mains. De longs cheveux retombent
sur sa nuque frêle. Il se tourne un instant vers moi.
Dans ses yeux d'un bleu très clair, les nuages se reflètent,
le ciel tout entier s'engloutit.
du fleuve dans la coupe de ses mains. De longs cheveux retombent
sur sa nuque frêle. Il se tourne un instant vers moi.
Dans ses yeux d'un bleu très clair, les nuages se reflètent,
le ciel tout entier s'engloutit.
Des quantités impressionnantes
d'informations sont traduites par ces hommes réduits,
jour après jour, à se pencher sur le courant.
Je sais qu'ils vivaient autrefois près de l'arbre,
qu'ils ont quitté la terre d'Angus et que l'eau du
fleuve est pour eux une aubaine.
d'informations sont traduites par ces hommes réduits,
jour après jour, à se pencher sur le courant.
Je sais qu'ils vivaient autrefois près de l'arbre,
qu'ils ont quitté la terre d'Angus et que l'eau du
fleuve est pour eux une aubaine.
Je regarde au loin. La source
du fleuve se perd dans la montagne. Il nous faudrait une éternité
pour l'atteindre. Nous pourrions aussi le dévier de
son cours pour tenter de sauver ces créatures toutes
vouées au caprice des courants. Mais je n'ai pas le
droit de penser ainsi, même si je doute de la réalité
d'Aguador qui ressemble tout à fait à un terrain
d'étude sur les comportements...
du fleuve se perd dans la montagne. Il nous faudrait une éternité
pour l'atteindre. Nous pourrions aussi le dévier de
son cours pour tenter de sauver ces créatures toutes
vouées au caprice des courants. Mais je n'ai pas le
droit de penser ainsi, même si je doute de la réalité
d'Aguador qui ressemble tout à fait à un terrain
d'étude sur les comportements...
Je me retourne et, brusquement
un cri déforme mes lèvres, un cri qui provient
de ma gorge. Tout en bas, dans la plaine que nous avons quittée,
il y a un arbre, identique à Angus !
un cri déforme mes lèvres, un cri qui provient
de ma gorge. Tout en bas, dans la plaine que nous avons quittée,
il y a un arbre, identique à Angus !
Violaine et Pierre s'approchent
de moi. Nous nous regardons sans comprendre. Les hommes du
fleuve sont près de nous. Nul ne semble affecté
par ce que nous venons de découvrir. Leurs yeux sont-ils
uniquement réceptifs aux images qui apparaissent au
gré des courants ? Peut-être ne nous voient-ils
même pas !
de moi. Nous nous regardons sans comprendre. Les hommes du
fleuve sont près de nous. Nul ne semble affecté
par ce que nous venons de découvrir. Leurs yeux sont-ils
uniquement réceptifs aux images qui apparaissent au
gré des courants ? Peut-être ne nous voient-ils
même pas !
*
Nous avons décidé de quitter
les rives du fleuve, craignant de devenir comme nos lointains
cousins. Violaine a mis au monde notre enfant. Il est très
pâle et refuse de crier, voire de pleurer. Peut-être
n'a-t-il rien à dire, à moins qu'il ne connaisse
déjà toute l'histoire du Livre ! Nous continuerons
à marcher, à lire à même les dessins
de nos peaux, de nos rides, de nos stigmates, en rejetant
toute information gratuite. Nous apprendrons à lire
sur les lèvres de notre enfant muet.
les rives du fleuve, craignant de devenir comme nos lointains
cousins. Violaine a mis au monde notre enfant. Il est très
pâle et refuse de crier, voire de pleurer. Peut-être
n'a-t-il rien à dire, à moins qu'il ne connaisse
déjà toute l'histoire du Livre ! Nous continuerons
à marcher, à lire à même les dessins
de nos peaux, de nos rides, de nos stigmates, en rejetant
toute information gratuite. Nous apprendrons à lire
sur les lèvres de notre enfant muet.
Pierre et son amie sont repartis
vivre avec d'autres couples au pied de l'arbre. Au loin le
vent emporte tout, et notre mémoire continue de pulser
au cœur de chaque atome d'Aguador, jusque dans la chair de
notre enfant tatouée d'étranges dessins.
vivre avec d'autres couples au pied de l'arbre. Au loin le
vent emporte tout, et notre mémoire continue de pulser
au cœur de chaque atome d'Aguador, jusque dans la chair de
notre enfant tatouée d'étranges dessins.
Je regarde dans la nuit l'étoile
Soleil qui brille faiblement. Peut-être est-elle déjà
éteinte ? L'homo Sapiens a-t-il un jour réellement
existé ? Je ne le crois pas...
Soleil qui brille faiblement. Peut-être est-elle déjà
éteinte ? L'homo Sapiens a-t-il un jour réellement
existé ? Je ne le crois pas...
FIN