Le dialogue entre le ministère et les syndicats dans l’impasse : L’angoisse des élèves et des parents
Alors que le spectre d’une année blanche se profile à l’horizon, l’heure est à l’angoisse pour les quelque 8 millions d’élèves et leurs parents. Ce désarroi et cette tension étaient palpables hier aux abords de plusieurs établissements d’Alger. A midi, au lieu des vagues de tabliers roses, bleus et blancs, qui déferlent dans les rues dès l’ouverture des portails, seules quelques grappes d’adolescents traversent rapidement les rues. Debout devant l’entrée d’un lycée de la banlieue algéroise, quelques élèves conversent, affichant une mine préoccupée. Dans leur « bahut », sur près d’une cinquantaine d’enseignants, moins d’une dizaine assure les cours.
C’est le bazar ! On ne sait plus quoi faire. On vient le matin pour une heure, idem l’après-midi. Mais le plus effrayant, est le fait que nul ne nous dit ou ne sait ce qu’il va advenir de nous », s’exclame un élève, en classe de terminale scientifique. Sa camarade lui explique : « Si les professeurs décident de rempiler pour une deuxième semaine, il n’y aura plus assez de temps pour les examens du deuxième trimestre, puisque les vacances approchent à grands pas. Et dans ce cas de figure, l’année scolaire sera fortement compromise », dit-elle en levant les bras. Et le report des examens a déjà eu lieu dans certains collèges et lycées. « Les compositions étaient prévues pour dimanche dernier. Les programmes des épreuves ainsi que la répartition ont même été affichés », raconte une mère de famille. Elle poursuit, en colère : « Puis, c’est la grève. Les enfants sont complètements déstabilisés. Ils révisent et se préparent comme s’ils allaient vraiment passer leurs examens. Et le lendemain matin, l’épreuve est tout bonnement annulée. Sans que les élèves sachent pour autant si celle du lendemain est maintenue ou pas. Donc, ils poursuivent leur préparation et leurs révisions », déplore-t-elle. « Ils sont pris en otages et ballottés. C’est honteux », souffle la dame.
L’entraide scolaire comme planche de salut
Si les plus jeunes écoliers n’appréhendent pas l’étendue des conséquences de ce débrayage, tout heureux qu’ils sont de ne pas avoir classe, les choses sont ressenties différemment chez leurs aînés. Et tout particulièrement les classes d’examens finaux, qui paieront et payent déjà un lourd tribut pédagogique à cause d’un conflit qui les dépasse. Afin de tenter de limiter un tant soit peu « les dégâts », la plupart tentent, tant bien que mal, de rattraper seuls ou en groupes le retard accumulé et d’avancer dans les programmes. « Ma fille est en classe de terminale. Au vu de l’évolution de la situation, je l’ai inscrite dans plusieurs écoles pour des cours privés », affirme une quinquagénaire. Toutefois, tous les parents n’ont pas les moyens d’offrir à leur progéniture, parfois nombreuse, de telles séances de rattrapage. « Cela est malheureusement vrai. Mais ils s’organisent aussi entre camarades. Ils se réunissent en groupes, au lycée, dans une des nombreuses salles vacantes, afin de s’aider mutuellement », rétorque-t-elle.
Des parents effrayés et des lycéens en colère
Et même si les parents comprennent les revendications des enseignants, il reste que cette grève risque d’avoir un impact sur le cursus scolaire de leurs enfants et les effrait au plus haut point. « Un professeur, si année blanche il y a, n’y perd rien. Les responsables, le ministre ou les cadres de l’éducation, eux non plus, ne perdront rien s’ils persistent à faire la sourde oreille et à ne faire aucune concession. Les seuls perdants sont les élèves », s’inquiète une mère de famille. Son mari poursuit en s’inquiétant à son tour des incidences de la grève sur l’avenir des enfants : « Quand on sait, de nos jours, l’importance d’un diplôme "en béton" afin d’escompter décrocher un bon poste de travail, les licences ne suffisent plus. Aujourd’hui, l’on exige des masters et des doctorats. Dès lors, chaque année compte. En perdre une aussi bêtement… cela serait vraiment du gâchis », s’attriste-t-il, en lançant : « Cela serait scandaleux. »
D’autant plus qu’aucune issue à cette impasse n’est entrevue par nombre de parents, qui désespèrent de ne pouvoir y changer quoi que ce soit. « Que voulez-vous que l’on fasse ? Nous disputer avec les grévistes ou essayer de les faire revenir à de meilleurs sentiments ? Nous l’avons déjà fait, avec les moyens dérisoires dont nous disposons. Tenter de faire pression sur le gouvernement ? Ils se fichent de l’avenir de nos enfants comme de leur première chemise ! », s’énervent trois mamans. Car pour ne rien arranger à la situation, à la suite de la première grève du corps enseignant, les lycéens ont eux aussi boycotté les cours. La raison en est que les professeurs, dans l’espoir de récupérer les heures perdues, ont accéléré la cadence. « Ils ont liquidé plusieurs volets en seulement quelques séances. Ils en sont même arrivés à dispenser trois cours en une heure seulement », s’exclame une jeune fille, en classe de terminale lettres.
Sa camarade poursuit : « Ce qui veut évidemment dire que l’on nous dictait des pages et des pages de leçons, sans pour autant nous expliquer leur contenu ou se soucier qu’on les ait assimilées. Si nous avons fait grève, c’est pour que le volume du programme soit allégé. » En vain. D’ailleurs, pour certains élèves de classes d’examens finaux, surtout les terminales, il serait peut-être préférable que l’impasse dans laquelle se sont fourvoyés les syndicats et le ministère débouche effectivement sur une année blanche. Ils s’expliquent : « Au moins, si on se retrouve à repiquer notre année, ça ne sera pas parce que nous avons échoué au baccalauréat, faute de préparation, mais parce que personne n’a pris en considération les effets qu’aura telle ou telle mesure sur nous. »
http://www.elwatan.com/Le-dialogue-entre-le-ministere-et
Alors que le spectre d’une année blanche se profile à l’horizon, l’heure est à l’angoisse pour les quelque 8 millions d’élèves et leurs parents. Ce désarroi et cette tension étaient palpables hier aux abords de plusieurs établissements d’Alger. A midi, au lieu des vagues de tabliers roses, bleus et blancs, qui déferlent dans les rues dès l’ouverture des portails, seules quelques grappes d’adolescents traversent rapidement les rues. Debout devant l’entrée d’un lycée de la banlieue algéroise, quelques élèves conversent, affichant une mine préoccupée. Dans leur « bahut », sur près d’une cinquantaine d’enseignants, moins d’une dizaine assure les cours.
C’est le bazar ! On ne sait plus quoi faire. On vient le matin pour une heure, idem l’après-midi. Mais le plus effrayant, est le fait que nul ne nous dit ou ne sait ce qu’il va advenir de nous », s’exclame un élève, en classe de terminale scientifique. Sa camarade lui explique : « Si les professeurs décident de rempiler pour une deuxième semaine, il n’y aura plus assez de temps pour les examens du deuxième trimestre, puisque les vacances approchent à grands pas. Et dans ce cas de figure, l’année scolaire sera fortement compromise », dit-elle en levant les bras. Et le report des examens a déjà eu lieu dans certains collèges et lycées. « Les compositions étaient prévues pour dimanche dernier. Les programmes des épreuves ainsi que la répartition ont même été affichés », raconte une mère de famille. Elle poursuit, en colère : « Puis, c’est la grève. Les enfants sont complètements déstabilisés. Ils révisent et se préparent comme s’ils allaient vraiment passer leurs examens. Et le lendemain matin, l’épreuve est tout bonnement annulée. Sans que les élèves sachent pour autant si celle du lendemain est maintenue ou pas. Donc, ils poursuivent leur préparation et leurs révisions », déplore-t-elle. « Ils sont pris en otages et ballottés. C’est honteux », souffle la dame.
L’entraide scolaire comme planche de salut
Si les plus jeunes écoliers n’appréhendent pas l’étendue des conséquences de ce débrayage, tout heureux qu’ils sont de ne pas avoir classe, les choses sont ressenties différemment chez leurs aînés. Et tout particulièrement les classes d’examens finaux, qui paieront et payent déjà un lourd tribut pédagogique à cause d’un conflit qui les dépasse. Afin de tenter de limiter un tant soit peu « les dégâts », la plupart tentent, tant bien que mal, de rattraper seuls ou en groupes le retard accumulé et d’avancer dans les programmes. « Ma fille est en classe de terminale. Au vu de l’évolution de la situation, je l’ai inscrite dans plusieurs écoles pour des cours privés », affirme une quinquagénaire. Toutefois, tous les parents n’ont pas les moyens d’offrir à leur progéniture, parfois nombreuse, de telles séances de rattrapage. « Cela est malheureusement vrai. Mais ils s’organisent aussi entre camarades. Ils se réunissent en groupes, au lycée, dans une des nombreuses salles vacantes, afin de s’aider mutuellement », rétorque-t-elle.
Des parents effrayés et des lycéens en colère
Et même si les parents comprennent les revendications des enseignants, il reste que cette grève risque d’avoir un impact sur le cursus scolaire de leurs enfants et les effrait au plus haut point. « Un professeur, si année blanche il y a, n’y perd rien. Les responsables, le ministre ou les cadres de l’éducation, eux non plus, ne perdront rien s’ils persistent à faire la sourde oreille et à ne faire aucune concession. Les seuls perdants sont les élèves », s’inquiète une mère de famille. Son mari poursuit en s’inquiétant à son tour des incidences de la grève sur l’avenir des enfants : « Quand on sait, de nos jours, l’importance d’un diplôme "en béton" afin d’escompter décrocher un bon poste de travail, les licences ne suffisent plus. Aujourd’hui, l’on exige des masters et des doctorats. Dès lors, chaque année compte. En perdre une aussi bêtement… cela serait vraiment du gâchis », s’attriste-t-il, en lançant : « Cela serait scandaleux. »
D’autant plus qu’aucune issue à cette impasse n’est entrevue par nombre de parents, qui désespèrent de ne pouvoir y changer quoi que ce soit. « Que voulez-vous que l’on fasse ? Nous disputer avec les grévistes ou essayer de les faire revenir à de meilleurs sentiments ? Nous l’avons déjà fait, avec les moyens dérisoires dont nous disposons. Tenter de faire pression sur le gouvernement ? Ils se fichent de l’avenir de nos enfants comme de leur première chemise ! », s’énervent trois mamans. Car pour ne rien arranger à la situation, à la suite de la première grève du corps enseignant, les lycéens ont eux aussi boycotté les cours. La raison en est que les professeurs, dans l’espoir de récupérer les heures perdues, ont accéléré la cadence. « Ils ont liquidé plusieurs volets en seulement quelques séances. Ils en sont même arrivés à dispenser trois cours en une heure seulement », s’exclame une jeune fille, en classe de terminale lettres.
Sa camarade poursuit : « Ce qui veut évidemment dire que l’on nous dictait des pages et des pages de leçons, sans pour autant nous expliquer leur contenu ou se soucier qu’on les ait assimilées. Si nous avons fait grève, c’est pour que le volume du programme soit allégé. » En vain. D’ailleurs, pour certains élèves de classes d’examens finaux, surtout les terminales, il serait peut-être préférable que l’impasse dans laquelle se sont fourvoyés les syndicats et le ministère débouche effectivement sur une année blanche. Ils s’expliquent : « Au moins, si on se retrouve à repiquer notre année, ça ne sera pas parce que nous avons échoué au baccalauréat, faute de préparation, mais parce que personne n’a pris en considération les effets qu’aura telle ou telle mesure sur nous. »
Par Ghania Lassa
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