8 Mars : l’égalité est là !
Par : Mustapha Hammouche
Quel sens peut prendre le 8 Mars aujourd’hui en Algérie ? Celui du devoir de partager équitablement des droits que nous avons laissés allègrement se dissoudre avant même de les exercer ?
Réduite à sa caricature festive, la journée a perdu sa vocation revendicative et commémorative. En l’état actuel de la société, et si l’on exclut l’impression de “toujours ça de pris” qu’inspire la demi-journée de congé devenue coutumière pour certains responsables d’employées, le 8 Mars est une parodie de fête. Le canevas des discours de circonstance y est préfabriqué : en politique, le principe des quotas plus attendu par les femmes intégrées au système clientéliste que par les militantes des droits de l’Homme (et de la femme) ; pour l’effet mirage, le rôle de la femme, dans la Révolution libératrice, dans le développement et dans l’éducation des générations, voire même la majorité féminine dans les lycées et universités ; pour la perspective, le carcan du code de la famille encore à perfectionner.
Entre celles qui se sont fait belles pour les rassemblements officiels, celles qui sont trop riches ou trop puissantes pour se soucier d’une égalité qui les rendrait égales en droits aux… autres femmes, celles qui ont flâné sur les quelques avenues où elles osent encore s’aventurer, celles qui sont trop pieuses pour tolérer l’égalité, celles qui ne sont pas assez instruites pour la concevoir, celles qui sont trop éloignées de la communication pour en entendre parler, celles qui sont trop pauvres pour se soucier des inégalités… quelle cause commune ?
L’égalité dans l’inégalité qui fonde notre système, c’est l’inégalité. Chacune sera égale à l’homme qui lui correspond. L’écolière à l’écolier, mais l’écolière des confins des Aurès à l’écolier des confins des Aurès, et l’écolière de Dély-Ibrahim à l’écolier de Dély-Ibrahim ; la lycéenne au lycéen, mais la lycéenne d’El-Djazia au lycéen d’El-Djazia et la lycéenne de Descartes au lycéen de Descartes… Les enseignantes aux enseignants et les médecins aux médecins, pour les salaires et pour… la matraque.
On ignore si leurs conditions sont égales, mais la ministre ressemble déjà au ministre et la sénatrice au sénateur.
La rentière est égale au rentier, la parente est égale au parent de ponte : elles (et ils) créent autant, les unes que les autres, d’entreprises de pharmacie, de boîtes de communication et de bureaux d’études. Par lesquels le scandale souvent arrive, sans aller jamais aller à son terme.
Quels droits peut-elle partager une société otage d’un intégrisme que l’État implore et revendique à la fois, abandonnée à la violence de tous les vigiles improvisés et soumise à un autoritarisme qui réclame la déférence générale ?
Les femmes partagent déjà avec leurs vis-à-vis masculins le même niveau de terrorisme des consciences et de répression, tandis que d’autres femmes partagent avec d’autres vis-à-vis les mêmes privilèges de la fraude et du clientélisme.
Que peut une journée contre une année, une décennie, des décennies ? Dans ce long mouvement de dépossession du patrimoine, des droits et de liberté, au profit de la caste, reste-t-il à la société quelque chose à partager ?
Rassurez-vous, Mesdames, en bas, nous sommes déjà égaux.
M. H.
musthammouche