Le 8 mai
À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures, estimée à plus de 10 000 personnes,chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), défile avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le drapeau algérien. Tout dérape alors : devant le café de France, le commissaire Olivieri tente de s’emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule. Un jeune homme de 26 ans, Bouzid Saâl, s'empare du drapeau algérien mais est abattu par un policier. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquent la panique. Les manifestants en colère s'en prennent aux Français et font en quelques heures 28 morts chez les Européens, dont le maire qui a cherché à s'interposer, et 48 blessés. L'armée fait défiler les tirailleurs algériens, mais, alors que l'émeute se calme à Sétif, dans le même temps, des émeutes éclatent aux cris du « Djihad » dans la région montagneuse de petite Kabylie, dans les petits villages entre Bougie et Djidjelli. Des fermes européennes isolées et des maisons forestières sont attaqués et leurs occupants assassinés.
Le mouvement s'étend très rapidement, et, le soir même à Guelma, une manifestation s'ébranle. Le sous-préfet Achiary, un ancien résistant, fait tirer sur les manifestants. On relève un mort et six blessés parmi les manifestants, 5 blessés dans le service d'ordre. Le cortège se disperse. Le sous-préfet dispose de trois compagnies de tirailleurs en formation, tous musulmans. Il consigne la troupe et fait mettre les armes sous clés. Un bataillon d'infanterie de Sidi-Bel-Abbès, convoyée par des avions prêtés par les Américains, arrive le 9 dans la journée pour évacuer des petits villages d'« européens » qui sont encerclés par les émeutiers.
Le massacre
Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle, ordonne l'intervention de l'armée , sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population indigène. La marine y participe grâce à son artillerie, ainsi que l'aviation. Le général Duval rassemble toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains qui se trouvaient à Oran en passe d'être démobilisés et qui protestent contre cette augmentation de service imprévue, une compagnie de réserve de tirailleurs sénégalais d'Oran, des spahis de Tunis, et les tirailleurs algériens en garnison à Sétif, Kherrata et à Guelma.
La répression, menée par l'armée et la milice de Guelma, est d’une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l’image d’une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l'impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois,l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière.
De nombreux corps ne peuvent être enterrés ; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie. Des miliciens utilisent les four à chaux pour faire disparaître des cadavres. Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrit l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre
Le nombre des victimes
Le nombre de victimes « européennes » est à peu près admis et s'élève officiellement à 102 morts et 110 blessés (Rapport officiel de la commission Tubert de 1945).
Du côté musulman, les chiffres du nombre de victimes sont actuellement source de nombreuses polémiques, notamment en Algérie où la version officielle retient le nombre de 45 000 morts.
Une enquête demandée par le gouverneur général Yves Chataigneau comparant le nombre de cartes d'alimentation avant et après les événements conclut à moins de 1000 victimesLe gouverneur général de l'Algérie fixa par la suite le nombre des musulmans tués à 1 165 et 14 soldats4 500 arrestations, 89 condamnations à mort dont 22 exécutées chiffres qui seront pris pour officiels. Le général Duval déclarait pour la commission Tubert de 1945 que « Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes », mais les militaires évoquaient déjà à l'époque le chiffre de 6 000 à 8 000 victimes. Habib affirme que le ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, aurait parlé de 20 000 tués, sans préciser sa source
Par la suite, André Prenant, géographe spécialiste de la démographie algérienne, se rendant sur les lieux en 1948, fixe le nombre de victimes à 20 000. Certains historiens ont par la suite parlé de 2000 (Charles-Robert Âgeron) et 6 000 morts(Robert Avron) . Le professeur Henri Aboulker (père de José Aboulker, cité précédemment), avait à l'époque estimé le bilan proche de 30 000 morts.
Le consul général américain à Alger de l'époque a établi le nombre de victimes indigènes par la répression de l'armée à 45000[. Ce chiffre sera repris par les milieux nationalistes puis par le gouvernement algérien qui, commémorant ces massacres chaque année, parle des « 45 000 morts des massacres de Sétif». Récemment, Bélaïd Abdessalam, ancien premier ministre algérien, déclarait dans El-Khabar Hebdo que le chiffre de 45 000 a été choisi à des fins de propagande. Le Président Bouteflika affirme que les massacres ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts sans qu'on puisse en préciser le nombre exact, "même si notre histoire officielle retient le nombre de 45 000 morts". Les chercheurs Rachid Messli et Abbas Aroua, du Centre de recherche historique et de documentation sur l’Algérie, déclaraient le 9 avril 2005 que « la plupart des historiens s’entendent sur le fait que 45 000 est un chiffre exagéré. Il serait plus réaliste de penser que le bilan humain se situe entre 8 000 et 10 000 morts »
Reconnaissance de la responsabilité française
Il faut attendre le 27 février 2005 pour que, lors d'une visite à Sétif, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, qualifieles « massacres du 8 mai 1945 » de « tragédie inexcusable ». Cet événement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_de_S%C3%A9tif_et_Guelma
À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures, estimée à plus de 10 000 personnes,chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), défile avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le drapeau algérien. Tout dérape alors : devant le café de France, le commissaire Olivieri tente de s’emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule. Un jeune homme de 26 ans, Bouzid Saâl, s'empare du drapeau algérien mais est abattu par un policier. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquent la panique. Les manifestants en colère s'en prennent aux Français et font en quelques heures 28 morts chez les Européens, dont le maire qui a cherché à s'interposer, et 48 blessés. L'armée fait défiler les tirailleurs algériens, mais, alors que l'émeute se calme à Sétif, dans le même temps, des émeutes éclatent aux cris du « Djihad » dans la région montagneuse de petite Kabylie, dans les petits villages entre Bougie et Djidjelli. Des fermes européennes isolées et des maisons forestières sont attaqués et leurs occupants assassinés.
Le mouvement s'étend très rapidement, et, le soir même à Guelma, une manifestation s'ébranle. Le sous-préfet Achiary, un ancien résistant, fait tirer sur les manifestants. On relève un mort et six blessés parmi les manifestants, 5 blessés dans le service d'ordre. Le cortège se disperse. Le sous-préfet dispose de trois compagnies de tirailleurs en formation, tous musulmans. Il consigne la troupe et fait mettre les armes sous clés. Un bataillon d'infanterie de Sidi-Bel-Abbès, convoyée par des avions prêtés par les Américains, arrive le 9 dans la journée pour évacuer des petits villages d'« européens » qui sont encerclés par les émeutiers.
Le massacre
Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle, ordonne l'intervention de l'armée , sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population indigène. La marine y participe grâce à son artillerie, ainsi que l'aviation. Le général Duval rassemble toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains qui se trouvaient à Oran en passe d'être démobilisés et qui protestent contre cette augmentation de service imprévue, une compagnie de réserve de tirailleurs sénégalais d'Oran, des spahis de Tunis, et les tirailleurs algériens en garnison à Sétif, Kherrata et à Guelma.
La répression, menée par l'armée et la milice de Guelma, est d’une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l’image d’une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l'impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois,l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière.
De nombreux corps ne peuvent être enterrés ; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie. Des miliciens utilisent les four à chaux pour faire disparaître des cadavres. Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrit l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre
Le nombre des victimes
Le nombre de victimes « européennes » est à peu près admis et s'élève officiellement à 102 morts et 110 blessés (Rapport officiel de la commission Tubert de 1945).
Du côté musulman, les chiffres du nombre de victimes sont actuellement source de nombreuses polémiques, notamment en Algérie où la version officielle retient le nombre de 45 000 morts.
Une enquête demandée par le gouverneur général Yves Chataigneau comparant le nombre de cartes d'alimentation avant et après les événements conclut à moins de 1000 victimesLe gouverneur général de l'Algérie fixa par la suite le nombre des musulmans tués à 1 165 et 14 soldats4 500 arrestations, 89 condamnations à mort dont 22 exécutées chiffres qui seront pris pour officiels. Le général Duval déclarait pour la commission Tubert de 1945 que « Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes », mais les militaires évoquaient déjà à l'époque le chiffre de 6 000 à 8 000 victimes. Habib affirme que le ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, aurait parlé de 20 000 tués, sans préciser sa source
Par la suite, André Prenant, géographe spécialiste de la démographie algérienne, se rendant sur les lieux en 1948, fixe le nombre de victimes à 20 000. Certains historiens ont par la suite parlé de 2000 (Charles-Robert Âgeron) et 6 000 morts(Robert Avron) . Le professeur Henri Aboulker (père de José Aboulker, cité précédemment), avait à l'époque estimé le bilan proche de 30 000 morts.
Le consul général américain à Alger de l'époque a établi le nombre de victimes indigènes par la répression de l'armée à 45000[. Ce chiffre sera repris par les milieux nationalistes puis par le gouvernement algérien qui, commémorant ces massacres chaque année, parle des « 45 000 morts des massacres de Sétif». Récemment, Bélaïd Abdessalam, ancien premier ministre algérien, déclarait dans El-Khabar Hebdo que le chiffre de 45 000 a été choisi à des fins de propagande. Le Président Bouteflika affirme que les massacres ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts sans qu'on puisse en préciser le nombre exact, "même si notre histoire officielle retient le nombre de 45 000 morts". Les chercheurs Rachid Messli et Abbas Aroua, du Centre de recherche historique et de documentation sur l’Algérie, déclaraient le 9 avril 2005 que « la plupart des historiens s’entendent sur le fait que 45 000 est un chiffre exagéré. Il serait plus réaliste de penser que le bilan humain se situe entre 8 000 et 10 000 morts »
Reconnaissance de la responsabilité française
Il faut attendre le 27 février 2005 pour que, lors d'une visite à Sétif, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, qualifieles « massacres du 8 mai 1945 » de « tragédie inexcusable ». Cet événement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_de_S%C3%A9tif_et_Guelma