Quand l’école reproduit les clichés sur la femme…
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En donnant l’image d’une femme entièrement dévouée à sa famille et aux tâches domestiques, les manuels scolaires ont l’air de ne pas tenir compte des changements survenus dans la société algérienne ces trente dernières années.
Dans une étude réalisée par Kheira Maïni, enseignante à l’université d’Alger et docteur en sciences de l’éducation (université Paris Ouest) intitulé «Genre et stéréotypes de sexe. Femmes et hommes dans les manuels de lecture de l’école primaire en Algérie», il est fait mention de l’image obsolète de la femme que véhiculent les manuels scolaires et qui, à terme, perpétue les stéréotypes et renforce le sexisme dans le pays. La femme y est représentée, le plus souvent à la cuisine, s’adonnant aux tâches ménagères ou faisant la couture. Sa propre identité est noyée dans sa fonction de génitrice et d’éducatrice. «Les manuels véhiculent une représentation sociale des femmes traditionnelles par la perpétuation de stéréotypes, en érigeant en modèles des comportements concernant la famille et la répartition inégale des rôles entre hommes et femmes dans la société», explique ainsi Kheira Maïni, précisant que le stéréotype de la «femme à la cuisine», récurrent dans les manuels de lecture, perpétue le modèle traditionnel.
Selon l’étude en question, le père et la mère occupent quasiment la même position dans les manuels arabes et français, alors que le garçon devance largement la fille. Mais là encore, les auteurs des livres scolaires ont tenu à marquer la différence entre les deux sexes. Les attributions du garçon et de la fille sont bien définies : le garçon va à l’école, il fait les courses, il bricole, il jardine mais ne participe pas aux tâches ménagères. La fille va aussi à l’école mais aide sa mère à faire le ménage et la cuisine et à s’occuper des plus petits. Textes et illustrations montrent qu’elle est destinée de façon privilégiée aux tâches ménagères. Le travail salarié de la mère est inexistant : «Le salariat place la femme dans un contexte hors foyer et sans rapport avec le mari», est-il souligné. Ainsi la femme est appelée par la profession qu’elle exerce : elle est infirmière, policière, institutrice et jamais nommée par son prénom.
«Elle n’est pas perçue comme une personne par un nom mais comme dépendante des autres, perdue dans l’anonymat des mères et des épouses», précise-t-on. Les femmes sont quasiment occultées en tant que citoyennes à part entière et membres productifs de la société. Elles n’existent que par la famille et pour la famille.
Est-il besoin de rappeler que la scolarisation des filles est en progressive augmentation, qu’elles réussissent excellemment à l’examen du baccalauréat (65,35% contre 34,65% pour les garçons) et que les bancs de l’université en comptent beaucoup plus que les garçons.
Les manuels scolaires ne font guère référence à cette réalité. La tenue traditionnelle prédomine dans les livres de lecture en langue arabe et en langue française, une tenue essentiellement d’intérieur (50% et 73,91%) alors que la tenue moderne ou de travail représente respectivement 17,86% et 26,9%. Et le rapport homme/femme est très souvent un rapport de domination. Tout ce que fait le père, non seulement n’est pas contesté par le reste de la famille mais semble satisfaire tout le monde. En revanche, les caractères qui sont célébrés chez les mères et les filles sont uniquement les qualités attachées au rôle domestique et éducatif qui définit, selon l’auteure du rapport, historiquement la situation dominée des femmes.
«Ils ignorent celles qui élèvent leurs enfants et travaillent à l’extérieur, celles qui jouent un rôle dans la société, ils ne reflètent qu’un seul aspect de la femme, celui de mères vouée aux tâches domestiques et gardiennes des traditions. Ils renforcent ainsi le sexisme qui existe dans la société», dénonce-t-elle. Les manuels scolaires suggèreraient l’idée que le rôle de mère exige de rester à la maison. L’école participe, d’après l’auteure de l’étude, activement au maintien de cette image traditionnelle de la femme par rapport à des enfants d’âge sensible à l’intériorisation des valeurs, des normes et des modèles sociaux. A en croire Kheira Maïni, l’image de la femme telle qu’elle est véhiculée par les manuels de lecture algériens, une fois assimilée et intériorisée, ne pourra pas, aider les enfants, filles et garçons, une fois adultes, à remettre en cause la place réservée aux femmes dans la société.
Amel Blidi
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