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    METHODES NOUVELLES, METHODES ACTIVES

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    Date d'inscription : 08/12/2009
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    Localisation : Algérie

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    Message par VIP Mar 29 Déc - 0:46

    METHODES NOUVELLES, METHODES ACTIVES

    Denise LOUANCHI

    Université d’Alger, 1983

    Au début du XXème siècle et surtout après la 1ère puis la 2ème guerres mondiales, on assiste à un regain d'intérêt pour la réflexion pédagogique qui, reprenant un courant de pensée remontant à plusieurs sources, certaines d'ailleurs fort anciennes, va révéler au grand public une conception en rupture avec l'éducation traditionnelle. Ce courant est connu sous l'appellation d' éducation nouvelle ou encore de éducation active. Il a provoqué un certain nombre de remises en question au cours de ce siècle, inspirant des expériences pédagogiques plus ou moins réussies, principalement dans le primaire et les maternelles, sans parvenir toutefois à éliminer la conception traditionnelle de l'école . Aujourd'hui, à tous les niveaux de l'appareil scolaire, les appels de l'éducation active reviennent périodiquement ébranler les routines de l'enseignement traditionnel, comme des bouffées d'espoir ou de rêves qui réconcilieraient l'école et l'enfant. Mais leurs audaces effraient car c'est à une cure radicale qu'ils convient : en incitant à repenser l'enfant, ils préparent le procès de l'homme d'aujourd'hui par l'homme de demain.
    CONCEPTIONS DE L'ENFANT DANS L'ECOLE TRADITIONNELLE ET DANS L'ECOLE NOUVELLE

    1. L'école traditionnelle :

    elle repose sur un certain nombre de présupposés qui se donnent pour une psychologie de l'enfant.



    L'enfant serait :



    -- un être docile et malléable, toujours prêt à accepter l'autorité de l'adulte malgré quelques sursauts d'indépendance. Il aurait un désir réel de s'instruire, ce dont témoigne d'ailleurs l'ardente curiosité qui se manifeste très tôt, avant l'âge scolaire ;

    -- doué d'une mémoire très vive et disponible dont l'éducateur doit profiter sans tarder ;

    -- dépourvu de raison : à l'éducateur et aux parents de la développer ;

    -- doué par contre d'une grande sensibilité, toujours en éveil, qu'il convient de mettre à contribution.


    2. L'école nouvelle :

    rejette ces présupposés :

    -- cette psychologie est simpliste, élaborée sur le tas, sans préoccupations scientifiques et critiques ;

    -- elle est intéressée, centrée uniquement sur l'écolier ;

    -- elle est illusoire : l'enfant qu'elle croit définir n'est en fait que l'écolier tel que l'a produit le système scolaire. Les besoins et qualités de l'enfant ne sont que le résultat d'un modelage ou conditionnement de l'enfant par l'école ;

    -- si l'enfant est docile à l'école, n'est-ce pas parce que l'école l'a mâté ? ( châtiments corporels, tristes et froids, discipline militaire, écoles casernes etc..)

    -- sa mémoire n'est-elle pas une nécessité de l'école? Par coeur, règles de grammaire, tables de multiplication ...



    -- son désir de s'instruire ? intérêt forcé, par peur des châtiments de la sainte alliance maîtres-parents ou de l'appât d'une récompense ou encore d'un conditionnement résultant de la projection de l'adulte sur l'enfant, projection selon laquelle "l'école c'est intéressant".

    Si l'on essayait de voir l'enfant pour lui-même, de le respecter enfin, de le soustraire à la vue intéressée de l'univers adulte ?

    " Eduquer, c'est adapter l'enfant au milieu social adulte, c'est à dire transformer la constitution psycho-biologique de l'individu en fonction de l'ensemble des réalités collectives auxquelles la conscience commune attribue quelque valeur. Donc , deux termes dans la relation que constitue l'éducation : d'une part, l'individu en croissance; de l'autre, les valeurs sociales, intellectuelles et morales auxquelles l'éducateur est chargé de l'initier. L'adulte, percevant le rapport selon sa perspective propre, a commencé par ne songer qu'à ces dernières et par concevoir l'éducation comme une simple transmission des valeurs collectives de génération en génération. Et, par ignorance ou à cause même de cette opposition entre l'état de nature, caractéristiques de l'individu et les normes de socialisation, l'éducateur s'est préoccupé d'abord des fins de l'éducation plus que sa technique, de l'homme fait plus que l'enfant et des lois de son développement.

    Aussi a-t-il été conduit, implicitement ou explicitement, à considérer l'enfant soit comme un petit homme à instruire, moraliser et identifier le plus rapidement possible à des modèles adultes, soit comme le support de péchés originels variés, c'est-à-dire comme une matière résistante qu'il s'agit de redresser plus encore que l'informer. De ce point de vue procède toujours la majeure partie de nos procédés pédagogiques. Il définit les méthodes "anciennes" ou "traditionnelles" d'éducation. Les méthodes nouvelles sont celles qui tiennent compte de la nature même de l'enfant et font appel aux lois de la constitution psychologique de l'individu et à celle de son développement : passivité ou activité.

    Encore faut-il s'entendre. La mémoire, l'obéissance passive, l'imitation de l'adulte et, d'une manière générale, les facteurs de réception, sont aussi naturels à l'enfant que l'activité spontanée. Or, on ne saurait dire que les méthodes anciennes, si anti-psychologiques soient-elles parfois, aient entièrement négligé l'observation de l'enfant à cet égard. Entre les deux pédagogies, le critère est donc à chercher, non dans l'utilisation de tel ou tel trait de la mentalité puérile, mais dans la conception d'ensemble que l'éducateur dans chaque cas se fait de l'enfant.

    L'enfance est-elle un mal nécessaire ou bien les caractères de la mentalité enfantine ont-ils une signification fonctionnelle définissant une activité vraie ? Suivant la réponse donnée à cette question fondamentale le rapport entre la société adulte et l'enfant à éduquer sera conçu comme unilatéral ou comme réciproque. Dans le premier cas, l'enfant est appelé à recevoir du dehors les produits tout élaborés du savoir et de la moralité adultes ; la relation éducative est faite de pression, d'une part, de réception de ;l'autre. D'un tel point de vue, les travaux d'élèves, même les plus individuels ( rédiger une composition, faire une version, résoudre un problème ) participent moins de l'activité réelle de la recherche spontanée et personnelle que de l'exercice imposé ou de la copie d'un modèle extérieur ; la morale la plus intime de l'élève reste plus pénétrée d'obéissance que d'autonomie. Dans la mesure au contraire où l'enfance est considérée comme douée d'une activité véritable et où le développement de l'esprit est compris dans un dynamisme, le rapport entre les sujets à éduquer et la société devient réciproque: l'enfant tend à se rapprocher de l'état d'homme non plus en recevant toutes préparées la raison et les règles de l'action bonne, mais en conquérant par son effort et son expérience personnels ; en retour, la société attend des nouvelles générations mieux qu'une imitation : un enrichissement."

    J. PIAGET, Psychologie et pédagogie, pages 199-201




    II. LA GENESE DES METHODES NOUVELLES




    Dans "L"éducation nouvelle", R. COUSINET fait remonter la nouvelle pédagogie à trois sources : Rousseau et ses héritiers, l'école américaine avec Dewey et la psychologie du 20ème siècle.
    1. Rousseau et ses héritiers



    Rousseau



    En 1762, paraît "L'Emile". Rousseau y expose apparemment des principes d'éducation mais beaucoup plus en fait " les rêveries d'un visionnaire sur l'éducation" c'est-à-dire ce qu'aurait pu être l'enfance si l'adulte des sociétés civilisées n'avait pas tant eu à coeur de faire le plus vite possible un homme à son image de ce petit être qui vient pour ainsi dire de sortir des mains de la nature. Eduquer, est-ce prolonger la nature ou plonger l'enfant dans la société "civile". " Forcé de combattre la nature ou les institutions sociales, il faut opter entre faire un homme ou un citoyen : car on ne peut faire à la fois l'un et l'autre." ( Emile, L.1).

    L'éducation traditionnelle opte pour le citoyen et prépare l'enfant à être ce que le statut social de ses parents l'a destiné à être : "dans l'ordre social, où toutes les places sont marquées, chacun doit être élevé à la sienne". Quand Rousseau dit "doit", il n'approuve pas bien au contraire, mais il dénonce ce que la logique interne d'un système inégalitaire rend inévitable. Contrairement à la tradition, Rousseau demande que l'éducation soit mise sur l'homme "naturel". La formule est équivoque. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière, à l'état de nature préhistorique. L'homme "naturel" n'a jamais existé pour Rousseau, c'est un idéal à réaliser, une revendication pour l'avenir. C'est plutôt un concept polémique relevant d'un effort pour penser une éducation qui ne se proposerait pas la reconduction de modèles et valeurs d'origine sociale, très précisément l'éducation aristocratique du XVIIIème siècle. Protéger l'enfance, la regarder s'épanouir et lui permettre la plénitude de son épanouissement, tel doit être le premier principe de l'éducateur.

    1) L'enfance est un état indispensable, ayant sa valeur en soi, sa propre fin. "L'humanité a sa place dans l'ordre des choses ; l'enfance a la sienne dans l'ordre de la vie humaine ; il faut considérer l'homme dans l'homme, et l'enfant dans l'enfant"(L.II). "Aimez l'enfance ; favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct. Qui de vous n'a pas regretté quelquefois cet âge où le rire est toujours sur les lèvres et où l'âge est toujours en paix ? Pourquoi voulez-vous ôter à ces petits innocents la jouissance d'un temps si court qui leur échappe et d'un bien si précieux dont ils ne sauraient abuser ? Pourquoi voulez-vous remplir d'amertume et de douleurs ces premiers ans si rapides , qui ne reviendront pas plus pour eux qu'ils ne peuvent revenir pour vous. Père, savez-vous le moment où la mort attend vos enfants ? (...) Faîtes qu'à quelque heure que dieu les appelle ils ne meurent point sans avoir goûté la vie. Que de voix vont s'élever contre moi ! J'entends de loin les clameurs de cette fausse sagesse qui nous jette incessamment hors de nous, qui compte toujours le présent pour rien, et, poursuivant sans relâche un avenir qui fuit à mesure qu'on avance, à force de nous transporter où nous ne sommes pas, nous transporte où nous ne serons jamais.

    2) L'enfant n'est pas l'adulte : il a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres.

    3) L'enfant sera plus tard un adulte, d'autant plus sain qu'il aura plus pleinement assumé son enfance. " Laissez mûrir l'enfance dans les enfants et vous aurez le plus sage des hommes.

    4) L'enfant doit vivre à la campagne, loin des corruptions de la ville, au sein de la nature qui a tout à lui apprendre. La nature est un guide, une éducatrice, sachant elle-même punir les fautes sans que l'enfant en éprouve de ressentiment. Il faut "laisser longtemps agir la nature, avant de vous mêler d'agir à sa place, de peur de contrarier ses opérations".

    5) L'enfant a en lui-même la force d'apprendre et de tirer profit des leçons de la nature ; le maître ne doit pas lui livrer les connaissances ; l'enfant doit les trouver seul, à l'occasion de multiples observations naturelles qui sont autant de questions posées à sa réflexion : " comme il est sans cesse en mouvement, il est forcé d'observer beaucoup de choses , de connaître beaucoup d'effets ; il acquiert de bonne heure une grande expérience ; il prend ses leçons de la nature et non pas des hommes"..." La plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute éducation ? Ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre. Vous donnez la science, à la bonne heure ; moi, je m'occupe de l'instrument propre à l'acquérir".



    Ses héritiers



    La pensée de Rousseau a trouvé des échos en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, en Russie. Des expériences ont été tentées ça et là, retenant en particulier le rôle de la nature, de l'observation directe, de l'intuition de l'enfant, du travail manuel et du jardinage, et rejetant l'usage des livres.

    Au XVIIIème siècle, le suisse Henri Pestalozzi s'enthousiasme pour "L'Emile". Il se destinait à être pasteur et cette lecture l'engage à être "éducateur du peuple". Il se ruine alors avec sa ferme où travaillent les enfants du peuple auxquels il fournit l'éducation. Il passe rapidement pour un fou mais il remonte la pente. En 1793, la convention française, au courant de ses efforts pour l'émancipation du peuple, lui décerne le titre de citoyen français. Sa pensée commence à rayonner. Il ouvre à Yverdon un institut où il applique ses idées et désormais il est célèbre. " Les visiteurs de l'institut d'Yverdon sont frappés par l'activité spontanée des élèves, par le caractère des maîtres (camarades aînés et entraîneurs bien plus que chefs), par l'esprit expérimental de l'école dans laquelle sont notées les observations journalières sur les progrès du développement psychologique des élèves et sur la réussite ou l'échec des techniques pédagogiques employées. Grâce à cet esprit même, Pestalozzi corrige d'emblée Rousseau sur un point capital : l'école est une vraie société dans laquelle le sens des responsabilités et les normes de la coopération suffisent à éduquer l'enfant sans qu'il soit besoin, pour éviter les contraintes nuisibles ou ce que l'émulation comporte de dangereux, d'isoler l'élève en son individualisme. Bien plus, le facteur social intervient sur le plan de l'éducation intellectuelle aussi bien que dans le domaine moral. " Mais i l manque à Pestalozzi une conception génétique du développement de l'intelligence". Aussi Pestalozzi qui constatait, comme chacun, les germes de la raison et des sentiments moraux dès les âges les plus tendres, en est-il revenu ( à part sur les idées fécondes sur l'intérêt, l'exercice et l'activité ) aux notions courantes sur l'enfant contenant en lui tout l'adulte et du préformisme mental. Voilà pourquoi, à côté d'étonnantes réalisations dans le sens de l'école active contemporaine, les instituts Pestalozzi présentent tant de caractères désuets. Par exemple, Pestalozzi était pénétré dans de la nécessité de procéder du simple au complexe toutes les branches de l'éducation; or, chacun sait actuellement combien la notion du simple est relative à certaines mentalités adultes et combien l'enfant débute par le global et l'indifférencié. D'une manière générale, Pestalozzi était affecté d'un certain formalisme systématique qui manquait dans ses horaires, dans sa classification des matières à enseigner, dans ses exercices de gymnastique intellectuelle, dans ses manies des démonstrations ; l'abus qu'il en faisait montre assez combien il tenait peu compte , dans le détail, du développement réel de l'esprit". ( Piaget P. 206-208 )

    On ne s'attardera pas ici sur d'autres tentatives (Froebel, Salzmann, Tolstoi etc...). "Malgré leur connaissance intuitive ou pratique de l'enfance, ils n'ont pas constitué la psychologie nécessaire à l'élaboration de techniques éducatives vraiment adaptées au développement mental".( idem p. 209)

    " les notions de la signification fonctionnelle de l'enfance, des étapes du développement intellectuel et moral, de l'intérêt et de l'activité vraie, sont déjà chez Rousseau mais elles n'ont inspiré réellement les méthodes nouvelles qu'à partir du moment où elles ont été retrouvées, sur le plan de l'observation objective et de l'expérience par des auteurs plus soucieux de vérité sereine et de contrôle systématique." ( Piaget, id. P 205 )




    2. S. Hall et J. Dewey

    Le biologiste Stanley Hall a mis l'accent sur l'enfance en tant qu'étape capitale dans le développement biologique de l'humain. L'enfance récapitulerait le développement biologique de l'espèce humaine; les activités de l'enfant seraient proches de celles de l'homme primitif. En conséquence, il faut le faire vivre à la campagne et lui offrir des activités qui développeront l'intelligence à l'occasion d'activités de cueillette, pêche, chasse etc...

    Le pédagogue et philosophe John Dewey a insisté sur la spécificité des besoins de l'enfant qui réclament en conséquence un milieu spécifique : la nature. En 1896, il a ouvert à Chicago une école expérimentale portant son nom. On y proposait aux enfants des occupations naturelles rappelant celles des hommes primitifs: poteries, tissage, cuisine etc...Chaque activité constituait un centre d'intérêt autour duquel s'articulaient recherches, enquêtes, travaux. Les connaissances étaient acquises au fur et à mesure que ces travaux nécessitaient la lecture, l'écriture, le calcul.

    Selon Dewey, l'enfant n'apprend que ce qui correspond à ses centres d'intérêt. Encore faut-il bien comprendre ce qu'est l'intérêt pour l'enfant.

    " il ne faut ni se plier aux intérêts ni les réprimer. Réprimer l'intérêt, c'est mettre l'adulte à la place de l'enfant et affaiblir ainsi la curiosité et la vivacité actuelles, c'est supprimer l'initiative et tuer l'intérêt. Se plier à l'intérêt, c'est substituer le transitoire au permanent. L'intérêt est toujours le signe de quelque pouvoir sous-jacent; l'important est de découvrir ce pouvoir. se plier à l'intérêt, c'est échouer dans cette découverte, et le résultat certain en est de substituer le caprice à l'intérêt authentique. La signification de l'intérêt réside dans ce à quoi il tend, dans les nouvelles expériences qu'il rend possibles, dans les pouvoirs nouveaux qu'il crée".

    Dans le devenir de l'éducation nouvelle, cette notion d'intérêt ainsi que la distinction entre intérêt passager prendront l'importance.

    Notons encore le rôle qu'accordait Dewey au jeu et au théâtre susceptible de faire aimer l'histoire et la littérature.
    3) La psychologie génétique du 20è siècle

    Piaget : " ... Il est indubitable que c'est le grand courant de la psychologie génétique moderne qui est à la source des méthodes nouvelles. En effet, un changement radical de point de vue oppose la psychologie contemporaine à celle du 19ème siècle. Insistant avant tout sur les fonctions de réceptivité et de conservation, cette dernière a tenté d'expliquer l'ensemble de la vie de l'esprit par des éléments essentiellement statiques (...) Or, la psychologie du 20ème siècle a été d'emblée et sur tous les fronts une affirmation et une analyse de l'activité. (...) Dans cette ambiance, sont nées les méthodes nouvelles d'éducation. Elles n'ont pas été l'oeuvre d'un isolé qui par déduction aurait tiré de telle recherche spéciale une théorie psycho-pédagogique du développement de l'enfant. Elles se sont imposées sur de nombreux fronts simultanés." Outre Dewey déjà mentionné, citons Maria Montessori primitivement chargée en Italie de l'éducation des enfants arriérés. "En découvrant que leurs cas étaient d'ordre plus psychologique que médical, elle se trouvait du même coup en présence des questions les plus centrales du développement intellectuel et de la pédagogie des petits. Généralisant avec une maîtrise sans pareille, Maria Montessori a en effet appliqué immédiatement aux normaux ce que lui enseignaient les débiles : durant les stades inférieurs, l'enfant apprend plus par l'action que par la pensée; un matériel convenable, servant à alimenter cette action, conduit plus rapidement à la connaissance que les meilleurs livres et que le langage lui-même ainsi, des observations bien prises par une assistante de psychiatrie sur le mécanisme mental des arriérés ont été le point de départ d'une méthode générale dont les répercussions dans le monde entier ont été incalculables.

    De même, Decroly, travaillant lui aussi avec des enfants arriérés, a élaboré sa célèbre méthode globale pour l'apprentissage de la lecture, du calcul etc... et sa doctrine générale des centres d'intérêt et du travail actif.

    Ne pas oublier non plus Kerchensteiner réorganisant les écoles de Munich. Idée centrale : l'école a pour but de développer la spontanéité de l'élève. C'est l'idée de l' "Arbeitschule", traduit en français par "école active".

    En Suisse enfin, la théorie de Karl Groos sur le jeu, connu comme exercice préparatoire et revêtant donc une signification fonctionnelle, a trouvé une application pédagogique avec Clapared.

    A ces noms, Piaget demande d'associer les travaux de Binet et son livre" Les idées modernes sur les enfants" qui ont stimulé directement ou indirectement les recherches en psychologie de l'enfant et en pédagogie.

    Malgré l'impact de la psychologie de l'enfant sur l'éducation nouvelle, on ne saurait faire découler celle-ci de celle-là; il y a entre les deux disciplines une différence fondamentale : la psychologie est une science d'observation tandis que la pédagogie est normative. Si par exemple la psychologie peut préciser la meilleure méthode pour développer la mémoire des chiffres, des dates etc... ou développer l'imagination ou faciliter l'apprentissage des langues mortes, elle ne peut donner en même temps l'opportunité de tels apprentissages. A la pédagogie revient le soin de préciser ce que l'enfant doit acquérir.


    III. RAYONNEMENT DES METHODES ACTIVES


    Véritable explosion des théories et expériences nouvelles ou actives au 20ème siècle. Outre Decroly et Montessori déjà cités, il convient de faire une place privilégiée à Célestin Freinet et aux écoles nouvelles anglaises et en particulier Summerhill de Neill.





    Voici les principes de l'éducation nouvelle:
    1) Respect de l'enfance et de l'adolescence

    comme deux moments qui méritent d'être pleinement vécus, indépendamment des préoccupations et des valeurs du monde adulte. "L'enfance, pour les théoriciens de l'école nouvelle, n'est pas un mal nécessaire, c'est une étape biologiquement utile dont la signification est celle d'une adaptation progressive au milieu physique et social". ( Piaget: " Psychologie et pédagogie p 224)

    " L'éducation nouvelle consiste vraiment en une attitude nouvelle vis-à-vis de l'enfant. Attitude faite de compréhension, d'amour et de respect.(...) Attitude d'acceptation de l'enfance en tant que telle, reconnaissance de la valeur de l'enfant comme une période nécessaire dans le développement de l'homme. Indulgence plus qu'indulgence, admission des erreurs de l'enfant, de ses faux pas, de ses hésitations, de ses lenteurs.(...) Conviction que plus l'enfant est plus pleinement, longuement enfant, plus et mieux il deviendra un bon adulte".( R. Cousinet)
    2) L'école doit épanouir.

    Reflet de l'école traditionnelle qui enseigne un faux sérieux, bourre les crânes tout en vidant coeurs et cervelles. Si l'école doit préparer à la vie, ce n'est pas en commençant par se couper d'elle qu'elle y parviendra.

    " Je professe l'opinion que le but de la vie, c'est la poursuite du bonheur c'est-à-dire la recherche de l'intérêt. L'éducation devrait être une préparation pour la vie. Notre culture dans ce domaine a échoué. Notre éducation, notre politique et notre économie ne nous mènent qu'à la guerre(...). Si nous voulons bien examiner notre culture, posons-nous quelques questions gênantes(...). Pourquoi tant de suicides ? Pourquoi tant de crimes sexuels? Pourquoi l'antisémitisme ? Pourquoi la haine et le lynchage des noirs ? Pourquoi la vengeance et la rancune ? Pourquoi la sexualité est-elle obscène et cause de plaisanteries malsaines ? Pourquoi la bâtardise est-elle un déshonneur ? Pourquoi la survivance de religions qui ont oublié depuis longtemps leur message d'amour, d'espoir et de charité ? Que de pourquoi dans une civilisation vantarde qui s'imagine glorieuse ! (...)

    " A la maison, on force constamment l'enfant à apprendre quelque chose. Dans presque tous les foyers, il y a toujours quelque adulte sans maturité d'esprit qui se précipite pour montrer à Tommy comment fonctionne son nouveau train électrique, il y a toujours quelqu'un qui met bébé sur sa chaise quand il veut examiner quelque chose sur le mur. Chaque fois qu'on montre à Tommy comment marche son train électrique, on lui vole sa joie de vivre- la joie de la découverte- la joie de vaincre l'obstacle. Bien plus, on l'amène à croire qu'il est inférieur et dépendant d'une aide extérieure.

    Les parents sont lents à comprendre que l'enseignement donné à l'école n'a vraiment aucune importance. Les enfants, comme les adultes, n'apprennent que ce qu'ils veulent. Tous les prix, toutes les notes, tous les examens ne font que dévier le développement naturel de la personnalité. Seuls les pédants pensent que l'on s'instruit dans les livres.

    Les livres sont ce qui compte le moins à l'école. Tout ce dont un enfant a besoin, c'est de savoir lire, écrire et compter; pour le reste, des outils, de la pâte à modeler, des sports, du théâtre, de la peinture et de la liberté suffiraient.

    (...) Leurs livres d'étude ne traitent pas du caractère humain, de l'amour de la liberté, de l'autodétermination. Et ainsi, le système se perpétue qui ne cherche ses modèles que dans les livres et qui sépare la tête du coeur."( O. Neill)
    3) " L'éducation est l'oeuvre de l'enfant".( R. Cousinet )

    Transformation de la relation didactique : il ne s'agit plus d'améliorer les techniques ni le matériel pour faire progresser plus vite et mieux. Conviction chez tous les pédagogues "nouveaux" que l'enfant a soif d'apprendre, que sa curiosité est toujours en éveil et qu'il a des possibilités considérables de raisonnement." Conviction que l'enfant a en soi tout ce qui permet une vraie éducation , et en particulier une activité incessante, incessamment renouvelée, dans laquelle toute sa personne est engagée, l'activité d'un être en croissance, en développement continu, auquel, précisément pour cette raison, notre aide peut être utile, mais notre direction n'est pas nécessaire" ( Cousinet pages 22-23).

    Chez Rousseau, cette force s'appelait "intuition", chez Montessori, elle devient "maître intérieur" ou " esprit absorbant" .Chez Freinet, elle se nomme "tâtonnement expérimental". On retrouve la même idée chez Neill qui accorde à l'enfant ou l'adolescent le droit de se rendre à sa guise aux cours, sachant très bien que l'enfant en éprouvera le besoin.

    Mais c'est chez Piaget que l'idée est le mieux explicitée. "L'école traditionnelle impose à l'élève son travail : elle le fait "travailler". Sans doute, l'enfant peut-il mettre à ce travail une part plus ou moins grande d'intérêt ou d'effort personnel et, dans la mesure où le maître est bon pédagogue, la collaboration entre ses élèves et lui laisse-t-elle une marge appréciable à l'activité vraie. Mais, dans la logique du système, l'activité intellectuelle et morale de l'élève demeure hétéronome parce que liée à la contrainte continue du maître, susceptible d'ailleurs, soit de demeurer inconsciente, soit d'être acceptée de plein gré. Au contraire, l'école nouvelle fait appel à l'activité réelle, au travail spontané, fondé sur le besoin et l'intérêt personnels. Cela ne signifie pas, comme le dit fort bien Clapared, que l'éducation active demande que les enfants fassent tout ce qu'ils veulent; " elle réclame surtout qu'ils veuillent tout ce qu'ils font; qu'ils agissent, non qu'ils soient agis" ( L'éducation fonctionnelle", p 252). Le besoin, l'intérêt résultant du besoin". Voilà le facteur qui fera d'une réaction un acte véritable" (id. P 195). La loi de l'intérêt est donc le pivot unique autour duquel doit tourner tout le système" (p.197, cité par Piaget p.221-222).
    4) Un milieu favorable

    Cet auto-développement demande qu'on donne à l'enfant un milieu favorable. L'éducateur n'agit que sur le milieu qui ne peut plus être la nature, comme le voulaient les pionniers du mouvement, mais qui doit être tel qu'il offre à l'enfant des occasions d'observations, d'expériences, de questions suscitant sa réflexion.

    Montessori : "...L'éducation, ce n'est pas ce qu'apporte le maître : c'est un processus naturel qui se développe spontanément dans l'être humain, qui ne s'acquiert pas en écoutant les mots mais par la vertu d'expériences effectuées dans le milieu. Le devoir du maître n'est pas de parler, mais de rassembler et de disperser une série de motifs d'activités culturelles dans une ambiance préparée à cet effet" ( " L'esprit absorbant de l'enfant").
    5) Les besoins

    Ce milieu, on prendra soin de le diversifier et de le renouveler en tenant compte de deux axes :

    -- les variantes d'âges ( le développement de l'enfant se fait par étapes, caractérisées chacune par une structure mentale, différente et par des besoins et aptitudes différents);

    -- les variantes d'un enfant à un autre, pour un même stade développement.

    A chaque étape de son développement, l'enfant trouvera dans son milieu pédagogique ce qui correspond à ses besoins et ses intérêts.

    C'est qu'il ne s'agit plus de dicter à l'enfant ce qu'il doit apprendre ni comment il doit l'apprendre. L'apprentissage se fait en tenant compte des besoins de l'enfant qui varient parallèlement à son développement psycho-biologique.

    " Les structures intellectuelles et morales de l'enfant ne sont pas les nôtres aussi les méthodes nouvelles d'éducation s'efforcent-elles de présenter aux enfants des différents âges les matières d'enseignement sous des formes assimilables à leurs structures et aux différents stades de leur développement" ( Piaget, p. 223-224).

    Le développement de l'intelligence se fait dans la découverte des objets, lesquels n'ont d'intérêt " que dans la mesure où ils constituent des aliments pour l'activité propre"( p.226). C'est donc un va et vient permanent entre l'enfant et le monde des objets qui permet à celui-ci à la fois de s'adapter aux objets et de développer son intelligence. C'est ce va et vient qui doit servir de fondement à la pédagogie des jeunes enfants.
    6) Le jeu et les travaux manuels

    Ils acquièrent en conséquence une place de premier plan dans les méthodes actives. Mais il ne faut pas commettre un contre-sens. Il ne s'agit pas de rendre le travail attrayant. Neill dénonce vigoureusement ce contre-sens :

    " Caldwell Cook a écrit un livre intitulé " Comment apprendre en s'amusant" dans lequel il explique comment il a enseigné l'anglais en amusant ses élèves. C'est un livre fascinant, plein de bonnes choses, toutefois, je ne peux m'empêcher de penser que l'auteur voulait démontrer d'une nouvelle manière, mais une fois de plus, qu'étudier est si important qu'il faut dire la pilule pour la faire mieux avaler. Cette idée qu'un enfant perd son temps s'il n'apprend pas quelque chose est une véritable malédiction qui aveugle des milliers d'enseignants et presque tous les inspecteurs d'écoles. Il y a cinquante ans, le mot d'ordre était: " Apprenez en travaillant". Aujourd'hui, c'est "Apprenez en vous amusant". Le jeu n'est ainsi envisagé que comme moyen pour arriver à une fin, mais quelle fin, je n'en sais vraiment rien".( Neill, Libres enfants de Summerhill").

    Le jeu est un puissant levier d'apprentissage parce qu'il est fondamentalement exercice spontané tout entier orienté vers la découverte, l'expérimentation, la maîtrise du monde, des objets, de son corps et sa pensée.

    " En son origine sensori-motrice, le jeu n'est qu'une pure assimilation du réel au moi, au double sens du terme : au sens biologique de l'assimilation fonctionnelle, laquelle explique pourquoi les jeux d'exercices développent réellement les organes et les conduites au sens psychologique d'une incorporation des choses à l'activité propre". Quant aux jeux symboliques :" Le jeu de la poupée ne sert pas seulement à développer l'instinct maternel, mais à représenter symboliquement, et par conséquent, à revivre en les transformant selon les besoins, l'ensemble des réalités vécues par l'enfant et non encore assimilées. A cet égard, le jeu symbolique s'explique lui aussi par l'assimilation du réel au moi : il est la pensée individuelle sous la forme la plus pure; dans son contenu, il est épanouissement du moi et réalisation des désirs par opposition à la pensée rationnelle, socialisée qui adapte le moi du réel et exprime les vérités communes; dans sa structure, le symbole joué est à l'individu ce que le signe verbal est à la société.

    Le jeu est donc, sous ses deux formes essentielles d'exercice sensori-moteur et de symbolisme, une assimilation du réel à l'activité propre fournissant à celle-ci son alimentation nécessaire et transformant le réel en fonction des besoins multiples du moi. C'est pourquoi les méthodes actives d'éducation des petits exigent toutes que l'on fournisse aux enfants un matériel convenable afin qu'en jouant ils parviennent à s'assimiler les réalités intellectuelles qui, sans cela, demeurent extérieures à l'intelligence infantile".(Piaget, p. 228-229)


    7) L'intelligence pratique

    Il faut donc reconnaître que tout travail de l'intelligence implique un intérêt et que les intérêts de l'enfant ne sont pas ceux de l'adulte parce que l'intelligence de l'enfant a ses propres structures.

    " Si la pensée de l'enfant est qualitativement différente de la nôtre, le but principal de l'éducation est de former la raison, intellectuelle et morale; comme on ne la façonne pas du dehors, la question est de trouver le milieu et les méthodes les plus convenables pour aider l'enfant à se constituer lui-même, c'est-à-dire à parvenir sur le plan intellectuel à la cohérence et à l'objectivité, sur le plan moral à la réciprocité.

    Il importe donc fondamentalement à l'école nouvelle de savoir quelle est la structure de la pensée de l'enfant, et quels sont les rapports entre la mentalité infantile et celle de l'adulte". (Piaget, p.234)

    En conséquence, les méthodes nouvelles sont amenées à accorder le plus grand soin à l'intelligence pratique, contrairement à l'école traditionnelle presque exclusivement centrée sur le langage et l'intelligence conceptuelle caractéristique de l'intelligence adulte.
    Cool Quelques besoins fondamentaux

    Le recensement des besoins et intérêts propres à l'enfant a beaucoup retenu l'attention des psycho-pédagogues de l'école nouvelle. Citons -en quelques uns longuement décrits par Cousinet.

    -- Le besoin de croître, équivalent de la vitalité de la plante et de l'animal. Il se manifeste par un besoin constant d'agir, de bouger, de faire quelque chose. Besoin absolument imprévisible. " un vrai besoin se satisfait toujours, c'en est même la définition, directement ou indirectement par substitution". ( Cousinet, p. 209). Il faut prendre garde à ce besoin de croître qui s'exprime souvent par des jeux brutaux hors de la classe parce que, en classe, l'enfant et l'adolescent sont condamnés à de longues heures d'immobilité. Les tics ou la distraction sont des substituts de ce besoin de bouger et de croître. " Un enfant est inattentif aux leçons parce qu'il n'a pas satisfait son besoin d'agir" (id). Hors de l'école, la fugue et la délinquance ont la même fonction.

    -- Le besoin de sécurité : non pas tant le besoin d'être à l'abri dues dangers extérieurs que l'enfant ne perçoit d'ailleurs pas mais besoin de sécurité intérieure , c'est-à-dire besoin de sentir que sa croissance ne sera pas entravée. En d'autres termes, ce serait la liberté d'action et d'expérience dont l'enfant et l'adolescent auraient besoin pour l'adulte; cela signifie que son comportement à leur égard doit être constant ou cohérent afin qu'ils aient confiance en lui. Ce point est important car il règle les rapports entre éducateurs ( parents et maîtres ) et éduqués. Il faut que l'enfant-adolescent se sente libre, ce qui ne signifie pas que l'adulte ne lui soit pas nécessaire. Il a autant besoin de savoir que l'adulte est prêt à l'aider, dès qu'il le sollicitera. Cousinet compare la liberté de l'enfant-adolescent dans l'école nouvelle à cette scène : un enfant marche à côté de sa mère, sans lui donner la main. Une marche trop haute constitue pour lui un obstacle qu'il ne peut franchir seul. Il tend la main à sa mère qui l'aide à franchir l'obstacle puis lui lâche la main. "Tel est le sens de la liberté donnée à l'enfant dans l'éducation nouvelle. Après avoir choisi son expérience et mesuré ses forces, il entreprend son expérience avec la confiance que si au cours de l'expérience se présente un obstacle qu'il ne peut franchir; il sera sûr de trouver, toute proche, l'aide de l'éducateur dont il a besoin. Aussi, son besoin de liberté et son besoin de sécurité, loin d'interférer, sont conditionnés l'un par l'autre : l'enfant se sent libre parce qu'il est sécurisé, il se sent libre parce qu'il est libre".( Cousinet , p. 117)
    9) La vie sociale de l'enfant

    L'école traditionnelle ne connaît d'autres relations sociales que l'action du maître sur l'élève. Les méthodes nouvelles, au contraire, réservent une place essentielle à la vie sociale entre enfants, se fondant ,là encore, sur les travaux de la psychologie de l'enfant. Celle-ci montre que l'enfant construit progressivement sa sociabilité et que l'évolution de celle-ci est solidaire de l'évolution intellectuelle et est régie par les mêmes lois. Dans les deux cas, il s'agit de sortir d'un égoïsme premier par un va-et-vient du sujet à l'objet .

    " En bref, l'évolution sociale de l'enfant procède de l'égocentrisme à la réciprocité, de l'assimilation à un moi inconscient de lui-même à la compréhension mutuelle constitutive de la personnalité, de l'indifférenciation chaotique dans le groupe à la différenciation fondée sur l'organisation disciplinée".(Piaget, p. 257)

    L'école active distingue nettement deux processus qui ne deviennent complémentaires qu'avec beaucoup de soins et de tact : les contraintes de l'adulte, la coopération des enfants entre eux.

    L'enfant éprouve naturellement du respect pour l'adulte. Il a tendance à tout croire et à tout "avaler" de sa part. D'où un danger de "réalisme moral" ; c'est-à-dire d'une morale subie , incontestée, gobée tout de go sans esprit critique. Il n'y a pas alors d'autonomie véritable.

    La pédagogie nouvelle s'efforce de suppléer aux insuffisances de la discipline imposée du dehors par une discipline intérieure, fondée sur la vie sociale des enfants eux-mêmes. Il faut pour cela utiliser les forces primitives de l'enfant le poussant spontanément à l'entraide , à la solidarité , à une certaine justice. On s'efforce alors de mettre en place une morale "en action" comme on s'efforce de développer un travail actif et une intelligence "en acte". Alors seulement l'enfant sera autonome et non plus soumis inconsidérément à l'autoritarisme de l'adulte.

    Freinet , dans ce sens, a développé le sens des choix en commun, la pratique des coopératives d'enfants. Neill insiste sur le pouvoir de choix et de décision de l'enfant et institue les Assemblées Générales auxquelles participent tous les enfants et adolescents, leurs voix ayant strictement la même importance que celles des enseignants.


    V. LES LIMITES DE L'EDUCATION NOUVELLE
    1. aspects positifs

    -- respect de l'enfant et de l'adolescent ; refus de les plier aux ordres et aux nostalgies de l'adulte.

    -- reconsidération de la notion d'apprentissage : ne pas chercher à accumuler les connaissances mais plutôt à former la pensée et la rendre véritablement active et autonome en respectant les stades naturels du développement.

    -- développer toute sa personnalité et chercher à l'épanouir.

    -- développer la sociabilité de l'enfant et de l'adolescent.

    Pour Charrier et Ozouf, Pédagogie vécue :

    " 1) La méthode active est la seule méthode qui permette à l'esprit de se développer, de se maintenir dispos et libre. L'activité répétée, loin de le fatiguer, lui donne vigueur et santé. Viser à le remplir comme un récipient, lui infuser le savoir tout fait, c'est l'accabler sous le poids des connaissances, lui ôter tout ressort, lui ôter toute aptitude à agir et à acquérir plus tard.

    2) L'élève éprouve une vive satisfaction à prendre une part directe à l'enseignement, à collaborer avec le maître. Et c'est précisément l'un des grands avantages de la méthode active que d'accoutumer l'esprit à trouver son plaisir dans le travail, dans l'étude. La véritable récompense pour l'élève, ce n'est pas le bon point, le billet de satisfaction, mais plutôt la joie d'avoir fait effort et d'avoir réussi. Est-il nécessaire d'ajouter que les heures consacrées à l'enseignement aussi vivant sont des heures qui paraissent courtes ? " La méthode active est un talisman contre l'ennui". ( H. Marion )

    3) L'emploi de la méthode active offre au maître le moyen de bien juger l'état d'esprit de ses élèves. Quand il parle seul, il ne lui est guère possible de savoir si son auditoire le suit réellement et le comprend. Les leçons ne sont-elles point élevées ? Sont-elles bien à la portée de tous ? Il l'ignore. En interrogeant, au contraire, il voit tout de suite si les explications sont bien saisies...

    4) La méthode active habitue les élèves à réfléchir et à parler. "Savoir parler est utile à tous. Les Anglais disent volontiers que trois choses font un homme: pouvoir manier un bateau, conduire un cheval et défendre son opinion en public".(E. Boutroux.) En suggérant les idées, et faisant "tout passer par l'étamine", en habituant les élèves à réfléchir, à examiner et à juger, la méthode active forme des esprits libres et des raisons autonomes, ce qui est le propre d'un enseignement libéral. Un enseignement dogmatique, au contraire, engourdit et immobilise l'intelligence, prépare à la société des hommes, des femmes, qui jugeront sur la parole du maître, sur le texte d'un livre, acceptant tout sans contrôle, incapables d'avoir une opinion personnelle.

    5) Utile à l'élève, la méthode active ne l'est pas moins au maître. Elle oblige ce dernier à travailler, à penser, à se renouveler. Souple et vivante, elle ne saurait s'accommoder de leçons toutes faites, dont le texte demeure le même chaque année. Il faut que le maître varie à l'infini la forme de ses explications et de ses interrogations, s'ingénie à les rendre simples et claires. De là, pour lui la nécessité de préparer ses leçons avec soin, de savoir ce qu'il devra dire de prévoir même les questions qui pourront lui être posées. Et ainsi, grand bienfait pour la classe. Il évite le mécanisme et la routine."
    2. Les aspects négatifs

    Si le projet s'est montré efficace pour les jeunes enfants, il pose de sérieux problèmes quant aux autres niveaux de la scolarité. On ne peut en effet ignorer que l'école s'insére dans le contexte de la division du travail et que examens et diplômes interviennent de plus en plus dans la distribution des tâches. Ce qui pose la question des programmes scolaires, de l'uniformisation des enseignements et du rythme d'apprentissage. En fait, la psycho-pédagogie nouvelle s'est surtout intéressée aux jeunes enfants, sauf les écoles anglaises, lesquelles s'adressent presque toute à une clientèle socialement privilégiée ou reçoivent, comme Summerhill, des enfants sérieusement perturbés. Neill mise avant tout sur l'équilibre sexuel et psychologique de l'enfant. "Et je veux bien croire qu'il a raison et que son système est idéal pour certains enfants troublés et inadaptés qu'il a sauvés de la folie et du désespoir. Mais que ce système soit valable, en général, sur le plan éducatif est une tout autre question." ( R. Skidelsky, Le mouvement des nouvelles écoles anglaises, Maspero 1972 p.43)

    Le désir d'auto-éducation est-il aussi vivace et évident que les pédagogues nouveaux ont cru pouvoir l'affirmer ?

    Le naturalisme, cette exaltation de la nature accompagnée de la conviction qu'en restant proche de la nature l'enfant-adolescent, ne peut être que sain, est contestable. S'il est vrai que le mouvement "écologiste" semble redonner vie à cette idée, il y a néanmoins bien longtemps que la nature elle-même est fortement technicisée et humanisée. Même si cette nature était encore accessible, on ne saurait en faire un guide infaillible. C'est là une conception teintée de mysticisme, très sensible en particulier chez Montessori.

    L'homme du 20ème siècle ne saurait se suffire de la nature. Il ne peut tourner le dos à l'acquis des sciences et des techniques, ni renoncer à leurs avantages, quelque dangereux qu'ils puissent être. Cette exaltation, d'ailleurs endémique, de la nature, le rejet de l'artificiel( La recherche du Paradis perdu ?) ne sont-ils pas le signe d'une lassitude et d'une fatigue que l'adulte projette sur l'enfant-adolescent ? Que ce besoin se manifeste surtout après les périodes de guerre est révélateur d'un besoin de fuite de l'adulte inquiet et malade de sa civilisation.

    Le projet d'éducation nouvelle implique des mini-groupes d'enfants ou d'adolescents et des éducateurs longuement formés, non seulement dans leur discipline mais tout autant dans les sciences sociales. Ceci suppose de grands moyens et semble peu adaptable à une éducation de masse.



    QUE RETENIR ?

    Bien que pour les pédagogues de l'école nouvelle le mouvement soit un tout à prendre ou à laisser tel quel, sans partage, en ce sens que l'essentiel est la volonté de laisser éclore l'enfant-adolescent au lieu de le contraindre, on peut se demander si, devant l'impossibilité momentanée où sont les sociétés de repenser en profondeur le système de contrôle des connaissances et surtout de distribuer équitablement ces connaissances, il n'appartient pas, individuellement, à chaque éducateur, de s'efforcer de concilier l'inconciliable : l'épanouissement de l'enfant et son intégration au système social. En d'autres termes, il faudrait garder de l'école nouvelle une grande leçon : refuser d'écraser l'enfant-adolescent sous un système qui le contraint à une compétition sociale permanente à laquelle contribue l'école en premier chef. Pour l'éducateur, cela signifie le refus d'être un simple fonctionnaire et la volonté de garder toujours en soi une part d'enfant-adolescent, une bonne dose d'insoumission et de rêve.






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    sellami kamel
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    METHODES NOUVELLES,  METHODES ACTIVES Empty Re: METHODES NOUVELLES, METHODES ACTIVES

    Message par sellami kamel Mar 8 Oct - 17:22

    Le domaine de l'enseignement est l'un des domaines vitaux ou il n'est pas du tout permet de voir les choses stagner ,c'est secteur ,en perpétuelle dynamique .....

      La date/heure actuelle est Ven 15 Nov - 13:08