Patrimoine de Kateb Yacine
Le ministère de la Culture interpellé
Ses manuscrits inédits, son courrier, ses brouillons, ses effets personnels
comme sa machine à écrire, ses stylos, ses dominos, son peigne, sa
sacoche et son célèbre chapeau de paille que garde précieusement sa
sœur Fadhéla Kateb font le tour d’Algérie et risquent de ce fait une
détérioration certaine.
Le mois d’octobre dernier, ils étaient exposés à Guelma lors du colloque
consacré au créateur de Nedjma. Les mêmes objets ont été présentés au
public pendant le colloque sur la vie et l’œuvre de Kateb Yacine qui
s’est tenu à Tizi Ouzou les 27 et 28 décembre dernier. L’ouverture d’un
musée dédié à cet homme, aussi modeste soit-il, reste le meilleur moyen
de conservation de tous ces objets qui lui appartenaient et dont la
valeur n’a d’égale que sa dimension mondiale. A ce propos, la colère et
la déception de Fadhéla Kateb sont grandissantes. « J’ai introduit une
demande d’audience auprès de la ministre de la Culture, Khalida Toumi,
pour trouver une solution à ce problème. Deux mois après, je n’ai reçu
aucune réponse. Notre proposition est simple : récupérer le logement
que Yacine occupait au centre familial de Ben Aknoun avant de mourir et
le transformer en musée. Aujourd’hui, il est vrai qu’une personne y
habite, mais le ministère de la Culture devrait résoudre ce problème.
Kateb Yacine mérite bien un petit coin pour montrer ses outils de
travail, servir de lieu de pèlerinage, un lieu de rencontre pour les
chercheurs et les étudiants. J’estime que nous avons un devoir de
mémoire. » Le colloque de Tizi Ouzou a également été une occasion pour
les conférenciers de relever l’inexistence de certains titres de Kateb
Yacine en Algérie. Karima Belkhamsa, enseignante à l’université de
Béjaïa, a d’ailleurs soulevé la non-disponibilité de la pièce Le
Cadavre encerclé.
« Kateb Yacine est toujours banni des médias publics, notamment la
télévision qui ne diffuse pas ses pièces de théâtre. » Le théâtre de
Yacine a pénétré les milieux ouvrier et paysan et, aujourd’hui, il doit
rentrer dans les foyers. Cependant, en dépit de toutes les obstructions
que dresse le pouvoir contre tout débat sur l’œuvre de Kateb Yacine, ce
sont des universitaires, des associations telles qu’Ath Qodhia,
cheville ouvrière dans l’organisation de colloques, qui se sont
déplacés dernièrement du village Aghribs (Tizi Ouzou) vers la lointaine
ville de Guelma. Des universitaires de Tizi Ouzou ont réaffirmé leur
engagement à répondre à toute invitation aux rencontres scientifiques
sur Kateb Yacine. M. Abassi, président de l’Association promotion
tourisme et action culturelle de Guelma, a déclaré : « Le deuxième
colloque sur Kateb Yacine aura bien lieu à Guelma en 2010 sous le thème
de Nedjma et la tribu des Keblout. Les travaux auront lieu au cinéma de
la ville qui sera baptisé à l’occasion au nom de Kateb Yacine. Un
dossier est en cours de finalisation et sera transmis au ministère de
la culture. » Des préparations de jumelage entre Guelma et Tizi Ouzou
sont aussi au stade de réflexion. Une commission mixte sera installée
pour consolider les liens entre les deux wilayas en matière de
rencontres et d’échanges culturels. Le théâtre, moyen préféré de Kateb
Yacine utilisé pour l’éveil des consciences, a été présent au colloque.
La pièce Hecha fi hecha, présentée par la troupe Les Compagnons de
Nedjma de Sétif, a séduit le nombreux public par le jeu des comédiens
et les tirades des textes. Le groupe musical Debza n’a pas perdu de sa
verve et de sa séduction. Le tube Wech qrit di lakul ammi ? (qu’as-tu
étudié à l’école mon fils ?) a replongé l’auditoire dans la chanson
protestataire. Les universitaires, tout comme les artistes, ont montré
lors de ce colloque que les combats avant-gardistes ont reculé.
Par Saïd Gada