Cours particuliers, enseignement parallèle dans les écoles privées…
Ces profs « clandestins » de luxe !
Véritable
phénomène de mode ou réelle nécessité, les cours particuliers,
qualifiés également d’« enseignement à la carte », constituent une
source financière assurément importante pour les éducateurs qui ont
opté pour cette voie, au demeurant très lucrative.
Des
« heures supplémentaires » qui ne s’effectuent pas toujours, en
revanche, dans des conditions pédagogiques convenables, tant par le
nombre d’élèves retenus que par le lieu choisi. Certains enseignants
que d’aucuns qualifient de « hors-la-loi » exercent, quant à eux, dans
des établissements privés, sans autorisation préalable, alors que
d’autres mettent, à la fin du cours, leurs cartables au placard pour
porter la casquette de « taxieur ». Une manière d’arrondir, pour
certains, des fins de mois difficiles ou de mettre du beurre sur leurs
épinards pour d’autres. C’est selon. Mais quand ces « extras » se font
au détriment des élèves, avec souvent la bénédiction de parents
démissionnaires, ne lésinant pas sur les grosses dépenses pour des
cours dispensés parfois dans des… hangars mal éclairés et à l’hygiène
douteuse, l’on s’interroge comment un élève éprouvant des difficultés à
assimiler le programme dans une classe d’école réglementaire arrive à
mieux comprendre dans des conditions inadéquates ? Mieux encore :
Comment peut-on expliquer le fait qu’un élève tout juste inscrit en
première année primaire soit contraint à suivre des cours…
particuliers ?
La rançon du succès ?
Un fait qui n’a pas manqué de susciter l’étonnement du directeur de
l’éducation de la wilaya de Constantine, Ahmed Guelil. « C’est un
phénomène curieux, ce n’est pas normal ! », s’est-il exclamé en
demandant sur le vif à ses subalternes d’effectuer une enquête à ce
sujet. Dispenser des cours particuliers à des petits bambins de six
ans, fraîchement débarqués à l’école, laisse, en effet, dubitatif. L’on
s’interroge, partant de là, sur les raisons réelles qui légitimeraient
des cours particuliers à ce stade aussi prématuré du cursus scolaire
d’un élève, tout comme l’on s’interroge aussi sur l’ampleur prise par
cet « enseignement parallèle » au sein de la société. En effet, en
l’absence de balises et de garde-fous, certains enseignants, peu
scrupuleux s’agissant de l’environnement dans lequel l’élève prend ses
cours de soutien, n’hésitent pas à louer parfois n’importe quel endroit
et à proposer leurs services à un grand nombre d’élèves. Partant, il
arrive que ces derniers se retrouvent pratiquement plus nombreux que
dans une classe d’école « normale ». Ces apprenants, ont-ils davantage
de chances de combler leurs lacunes dans un pareil contexte ? A chaque
nouvelle année scolaire, les parents d’élèves dépensent des sommes
colossales pour la réussite de leurs enfants, notamment ceux devant
affronter un examen, pour un résultat, somme toute aléatoire, d’autant
que ces cours ne garantissent pas à l’élève le succès absolu, et les
cas de lycéens recalés au bac, en dépit du fait d’avoir bénéficié de
cours particuliers, sont malheureusement nombreux. D’après des
statistiques établies par les services de la DE de Constantine, il
s’avère, à cet effet, que « les élèves ayant recours aux cours de
soutien dispensés à l’extérieur des établissements scolaires
enregistrent des résultats négatifs à l’examen du baccalauréat ».
Mère de 5 enfants, tous scolarisés, Akila K., la cinquantaine, estime
que « les programmes actuels sont trop compliqués pour les élèves,
nécessitant inévitablement des cours de soutien, surtout quand les
profs survolent la leçon. Parfois, cela est fait sciemment pour
contraindre les élèves à accepter de prendre des cours de soutien
dispensés par ces mêmes profs, moyennant des sommes financières
mensuelles très appréciables. Et quand un enfant refuse, il est dès
lors victime de représailles de la part de ce même enseignant. L’un de
mes enfants a vécu, l’année dernière, une mésaventure pareille avec son
prof de physique parce qu’il prenait des cours particuliers ailleurs ».
Interrogé à ce sujet, Ahmed Guelil a jugé cette attitude, venant d’un
éducateur, de « grave ». « Les parents ainsi que les élèves sont
conviés à se plaindre à la DE, le cas échéant, pour qu’on puisse
prendre les mesures nécessaires contre ces enseignants indélicats »,
soutient-il, insistant, encore une fois, sur « le rôle primordial des
parents ». Ayant requis l’anonymat, un enseignant du cycle secondaire,
père de quatre enfants, âgés de 4 à 13 ans, fait partie de cette
catégorie de profs qui dispensent des cours de soutien à des élèves de
terminale à raison de 6 séances de deux heures par mois, moyennant 1500
DA par matière, que ce soit pour les mathématiques, les sciences ou la
physique, et ce, au rez-de-chaussée d’une villa en construction, loué
avec trois collègues. Ces profs « associés » prodiguent, selon lui, des
cours particuliers à des groupes de 30 à 40 élèves, dont la majorité
est issue de leurs propres classes d’école. De l’avis de M. Boucetta,
représentant du Cnapest à Constantine, « les parents devraient être un
peu plus regardants avant de débourser leur argent. De plus, le nombre
d’élèves bénéficiant de cours de soutien doit être préalablement
étudié. Les enseignants peuvent faire quelques heures en plus, mais pas
tout le temps. Il faut être regardant sur la qualité. »
Cours « publics » contre… cours « privés »
Or, la « qualité » d’enseignement aussi a ses exigences, pécuniaires
s’entend. En effet, si certains professeurs préfèrent prendre des
groupes n’excédant pas trois ou quatre élèves, les parents doivent, en
revanche, payer plus cher, soit 2 500 à 3 000 DA quatre séances
mensuelles de deux heures, et bien entendu, par matière. Au demeurant,
des cours de soutien pris, à titre d’exemple, par un élève de terminale
peuvent atteindre 9 000 DA par mois ! Il suffit de multiplier cette
coquette somme pour avoir un léger aperçu de la rentabilité de cet
enseignement à la carte. Ce « commerce juteux » motivé, qu’on justifie
par la cherté de la vie et l’effritement du budget des ménages moyens.
A ce sujet, le directeur de l’éducation de la ville du Vieux Rocher
affirme : « Nous combattons activement ce fléau, mais nous devons
lutter en collaboration avec la direction du commerce pour épingler les
enseignants qui donnent des cours de soutien dans des conditions
indécentes, allant parfois jusqu’à occuper des garages. Il y a
également la responsabilité des parents qui encouragent généralement
leurs enfants à prendre des cours sans chercher réellement dans quelles
conditions cela se fait. Je suis, par contre, pour des cours donnés en
toute transparence, dans des lieux convenables. » Il rappellera, par
ailleurs, que la lutte contre ce qu’il qualifie de « fléau » impute
également aux associations de parents d’élèves et à la société civile.
« Si la fédération des parents d’élèves reste active sur le terrain, ce
n’est pas le cas des associations, lesquelles sont carrément absentes.
Les parents ne se manifestent ordinairement qu’au début et à la fin de
l’année scolaire. Certains d’entre eux ignorent parfois même dans
quelle école ou encore dans quelle année est inscrit leur enfant. »
Ahmed Guelil invite, par ailleurs, les parents d’élèves à se rapprocher
des établissements scolaires où des cours de soutien sont dispensés
« gratuitement » aux élèves, notamment ceux des classes d’examen, et ce
conformément à un décret du ministère de l’Education nationale qui
stipule que les enseignants dispensant ces cours gratuitement sont
rémunérés en heures supplémentaires. Dans ce contexte, l’on apprendra
également du représentant du Cnapest qu’il existe des enseignants
altruistes qui « donnent gratuitement de leur temps aux élèves sans
attendre d’être payés en retour ».
Les « fraudeurs » de l’éducation
Cela étant, outre le « commerce lucratif » des cours particuliers,
sachant que certaines matières, dites essentielles, comme les
mathématiques, les sciences ou la physique, représentent une véritable
petite rente pour les professeurs qui les dispensent, il y a également
des enseignants qui exercent dans des écoles privées, tout en le
faisant, en parallèle, dans les écoles publiques. Un cumul illégal,
passible de sanctions, nous dit-on à la direction de l’éducation.
« Certains enseignants s’absentent effectivement de l’établissement, ne
respectent pas leur volume horaire réglementaire et travaillent
ailleurs, même à l’université. C’est le cas d’un enseignant contre
lequel nous avons appliqué l’année dernière des mesures disciplinaires,
en sus de notre refus de lui délivrer une autorisation d’exercer à
l’université afin qu’il soit rémunéré. » A cet effet, l’on apprendra
qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation préalable de la DE pour
pouvoir enseigner dans un établissement privé, et ce à condition de
remplir certains critères en étant, notamment, irréprochable sur le
plan pédagogique et du respect du volume horaire.« Nous avons reçu
plusieurs demandes, mais pour l’instant, nous n’avons encore délivré
aucune autorisation », assure le secrétaire général de la DE. Décidant
visiblement de faire fi de la réglementation, certains professeurs
enseignent pourtant sans l’aval de la tutelle, se mettant ainsi dans
une situation délictueuse. « Nous entendons parler de collègues qui
travaillent dans des écoles privées tout en enseignant dans les
établissements publics. C’est illégal. Cela doit être sûrement le
besoin qui les pousse à agir de la sorte. Quant aux responsables des
écoles privées, ils savent aussi que cela est illégal. Si le salaire
était suffisant, l’enseignant s’occuperait davantage à s’améliorer et à
parfaire ses recherches », commente, pour sa part, le représentant du
Cnapest. Et d’ajouter : « Nous sommes une génération qui a connu mieux,
mais la cherté de la vie est bien là, et c’est ce qui incite
l’enseignant à activer ailleurs. Nous sommes en attente d’un statut
particulier qui pourrait nous apporter un plus. » Acculés, pour
l’heure, par un pouvoir d’achat complètement laminé, d’autres
enseignants versent carrément dans la clandestinité en grossissant en
fin de journée les rangs des fraudeurs de la ville du Vieux Rocher.
Grâce à des véhicules acquis, à crédit, par le biais des œuvres
sociales de l’éducation, ces professeurs se transforment en
« taxieurs » clandestins, à la faveur de l’anarchie qui règne dans le
secteur des transports à Constantine. Cette « activité », peu commune
de la part d’un éducateur, a laissé, a priori, perplexes le directeur
de l’éducation et le responsable du Cnapest de Constantine, qui se sont
refusés tous deux à faire le moindre commentaire à ce sujet. Fragilisé
au même titre que les fonctionnaires et autres salariés, tributaires
d’un salaire mensuel accusant le contrecoup d’augmentations tous
azimuts, ayant ciblé pratiquement tous les secteurs, l’enseignant a
trouvé, pour sa part, dans cet enseignement à la carte, une issue de
secours, où rentabilité ne rime pas toujours avec efficacité. Et si les
parents dépensent sans compter pour leurs enfants, certains professeurs
dispensent, quant à eux, leur enseignement sans se soucier du paramètre
du nombre. Finalement, comment un éducateur, totalement lessivé par des
heures supplémentaires des cours parallèles dans des écoles privées, et
parfois des kilomètres parcourus en qualité de fraudeur, peut-il
assurer convenablement sa mission ?
Par Lydia R.
Ces profs « clandestins » de luxe !
Véritable
phénomène de mode ou réelle nécessité, les cours particuliers,
qualifiés également d’« enseignement à la carte », constituent une
source financière assurément importante pour les éducateurs qui ont
opté pour cette voie, au demeurant très lucrative.
Des
« heures supplémentaires » qui ne s’effectuent pas toujours, en
revanche, dans des conditions pédagogiques convenables, tant par le
nombre d’élèves retenus que par le lieu choisi. Certains enseignants
que d’aucuns qualifient de « hors-la-loi » exercent, quant à eux, dans
des établissements privés, sans autorisation préalable, alors que
d’autres mettent, à la fin du cours, leurs cartables au placard pour
porter la casquette de « taxieur ». Une manière d’arrondir, pour
certains, des fins de mois difficiles ou de mettre du beurre sur leurs
épinards pour d’autres. C’est selon. Mais quand ces « extras » se font
au détriment des élèves, avec souvent la bénédiction de parents
démissionnaires, ne lésinant pas sur les grosses dépenses pour des
cours dispensés parfois dans des… hangars mal éclairés et à l’hygiène
douteuse, l’on s’interroge comment un élève éprouvant des difficultés à
assimiler le programme dans une classe d’école réglementaire arrive à
mieux comprendre dans des conditions inadéquates ? Mieux encore :
Comment peut-on expliquer le fait qu’un élève tout juste inscrit en
première année primaire soit contraint à suivre des cours…
particuliers ?
La rançon du succès ?
Un fait qui n’a pas manqué de susciter l’étonnement du directeur de
l’éducation de la wilaya de Constantine, Ahmed Guelil. « C’est un
phénomène curieux, ce n’est pas normal ! », s’est-il exclamé en
demandant sur le vif à ses subalternes d’effectuer une enquête à ce
sujet. Dispenser des cours particuliers à des petits bambins de six
ans, fraîchement débarqués à l’école, laisse, en effet, dubitatif. L’on
s’interroge, partant de là, sur les raisons réelles qui légitimeraient
des cours particuliers à ce stade aussi prématuré du cursus scolaire
d’un élève, tout comme l’on s’interroge aussi sur l’ampleur prise par
cet « enseignement parallèle » au sein de la société. En effet, en
l’absence de balises et de garde-fous, certains enseignants, peu
scrupuleux s’agissant de l’environnement dans lequel l’élève prend ses
cours de soutien, n’hésitent pas à louer parfois n’importe quel endroit
et à proposer leurs services à un grand nombre d’élèves. Partant, il
arrive que ces derniers se retrouvent pratiquement plus nombreux que
dans une classe d’école « normale ». Ces apprenants, ont-ils davantage
de chances de combler leurs lacunes dans un pareil contexte ? A chaque
nouvelle année scolaire, les parents d’élèves dépensent des sommes
colossales pour la réussite de leurs enfants, notamment ceux devant
affronter un examen, pour un résultat, somme toute aléatoire, d’autant
que ces cours ne garantissent pas à l’élève le succès absolu, et les
cas de lycéens recalés au bac, en dépit du fait d’avoir bénéficié de
cours particuliers, sont malheureusement nombreux. D’après des
statistiques établies par les services de la DE de Constantine, il
s’avère, à cet effet, que « les élèves ayant recours aux cours de
soutien dispensés à l’extérieur des établissements scolaires
enregistrent des résultats négatifs à l’examen du baccalauréat ».
Mère de 5 enfants, tous scolarisés, Akila K., la cinquantaine, estime
que « les programmes actuels sont trop compliqués pour les élèves,
nécessitant inévitablement des cours de soutien, surtout quand les
profs survolent la leçon. Parfois, cela est fait sciemment pour
contraindre les élèves à accepter de prendre des cours de soutien
dispensés par ces mêmes profs, moyennant des sommes financières
mensuelles très appréciables. Et quand un enfant refuse, il est dès
lors victime de représailles de la part de ce même enseignant. L’un de
mes enfants a vécu, l’année dernière, une mésaventure pareille avec son
prof de physique parce qu’il prenait des cours particuliers ailleurs ».
Interrogé à ce sujet, Ahmed Guelil a jugé cette attitude, venant d’un
éducateur, de « grave ». « Les parents ainsi que les élèves sont
conviés à se plaindre à la DE, le cas échéant, pour qu’on puisse
prendre les mesures nécessaires contre ces enseignants indélicats »,
soutient-il, insistant, encore une fois, sur « le rôle primordial des
parents ». Ayant requis l’anonymat, un enseignant du cycle secondaire,
père de quatre enfants, âgés de 4 à 13 ans, fait partie de cette
catégorie de profs qui dispensent des cours de soutien à des élèves de
terminale à raison de 6 séances de deux heures par mois, moyennant 1500
DA par matière, que ce soit pour les mathématiques, les sciences ou la
physique, et ce, au rez-de-chaussée d’une villa en construction, loué
avec trois collègues. Ces profs « associés » prodiguent, selon lui, des
cours particuliers à des groupes de 30 à 40 élèves, dont la majorité
est issue de leurs propres classes d’école. De l’avis de M. Boucetta,
représentant du Cnapest à Constantine, « les parents devraient être un
peu plus regardants avant de débourser leur argent. De plus, le nombre
d’élèves bénéficiant de cours de soutien doit être préalablement
étudié. Les enseignants peuvent faire quelques heures en plus, mais pas
tout le temps. Il faut être regardant sur la qualité. »
Cours « publics » contre… cours « privés »
Or, la « qualité » d’enseignement aussi a ses exigences, pécuniaires
s’entend. En effet, si certains professeurs préfèrent prendre des
groupes n’excédant pas trois ou quatre élèves, les parents doivent, en
revanche, payer plus cher, soit 2 500 à 3 000 DA quatre séances
mensuelles de deux heures, et bien entendu, par matière. Au demeurant,
des cours de soutien pris, à titre d’exemple, par un élève de terminale
peuvent atteindre 9 000 DA par mois ! Il suffit de multiplier cette
coquette somme pour avoir un léger aperçu de la rentabilité de cet
enseignement à la carte. Ce « commerce juteux » motivé, qu’on justifie
par la cherté de la vie et l’effritement du budget des ménages moyens.
A ce sujet, le directeur de l’éducation de la ville du Vieux Rocher
affirme : « Nous combattons activement ce fléau, mais nous devons
lutter en collaboration avec la direction du commerce pour épingler les
enseignants qui donnent des cours de soutien dans des conditions
indécentes, allant parfois jusqu’à occuper des garages. Il y a
également la responsabilité des parents qui encouragent généralement
leurs enfants à prendre des cours sans chercher réellement dans quelles
conditions cela se fait. Je suis, par contre, pour des cours donnés en
toute transparence, dans des lieux convenables. » Il rappellera, par
ailleurs, que la lutte contre ce qu’il qualifie de « fléau » impute
également aux associations de parents d’élèves et à la société civile.
« Si la fédération des parents d’élèves reste active sur le terrain, ce
n’est pas le cas des associations, lesquelles sont carrément absentes.
Les parents ne se manifestent ordinairement qu’au début et à la fin de
l’année scolaire. Certains d’entre eux ignorent parfois même dans
quelle école ou encore dans quelle année est inscrit leur enfant. »
Ahmed Guelil invite, par ailleurs, les parents d’élèves à se rapprocher
des établissements scolaires où des cours de soutien sont dispensés
« gratuitement » aux élèves, notamment ceux des classes d’examen, et ce
conformément à un décret du ministère de l’Education nationale qui
stipule que les enseignants dispensant ces cours gratuitement sont
rémunérés en heures supplémentaires. Dans ce contexte, l’on apprendra
également du représentant du Cnapest qu’il existe des enseignants
altruistes qui « donnent gratuitement de leur temps aux élèves sans
attendre d’être payés en retour ».
Les « fraudeurs » de l’éducation
Cela étant, outre le « commerce lucratif » des cours particuliers,
sachant que certaines matières, dites essentielles, comme les
mathématiques, les sciences ou la physique, représentent une véritable
petite rente pour les professeurs qui les dispensent, il y a également
des enseignants qui exercent dans des écoles privées, tout en le
faisant, en parallèle, dans les écoles publiques. Un cumul illégal,
passible de sanctions, nous dit-on à la direction de l’éducation.
« Certains enseignants s’absentent effectivement de l’établissement, ne
respectent pas leur volume horaire réglementaire et travaillent
ailleurs, même à l’université. C’est le cas d’un enseignant contre
lequel nous avons appliqué l’année dernière des mesures disciplinaires,
en sus de notre refus de lui délivrer une autorisation d’exercer à
l’université afin qu’il soit rémunéré. » A cet effet, l’on apprendra
qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation préalable de la DE pour
pouvoir enseigner dans un établissement privé, et ce à condition de
remplir certains critères en étant, notamment, irréprochable sur le
plan pédagogique et du respect du volume horaire.« Nous avons reçu
plusieurs demandes, mais pour l’instant, nous n’avons encore délivré
aucune autorisation », assure le secrétaire général de la DE. Décidant
visiblement de faire fi de la réglementation, certains professeurs
enseignent pourtant sans l’aval de la tutelle, se mettant ainsi dans
une situation délictueuse. « Nous entendons parler de collègues qui
travaillent dans des écoles privées tout en enseignant dans les
établissements publics. C’est illégal. Cela doit être sûrement le
besoin qui les pousse à agir de la sorte. Quant aux responsables des
écoles privées, ils savent aussi que cela est illégal. Si le salaire
était suffisant, l’enseignant s’occuperait davantage à s’améliorer et à
parfaire ses recherches », commente, pour sa part, le représentant du
Cnapest. Et d’ajouter : « Nous sommes une génération qui a connu mieux,
mais la cherté de la vie est bien là, et c’est ce qui incite
l’enseignant à activer ailleurs. Nous sommes en attente d’un statut
particulier qui pourrait nous apporter un plus. » Acculés, pour
l’heure, par un pouvoir d’achat complètement laminé, d’autres
enseignants versent carrément dans la clandestinité en grossissant en
fin de journée les rangs des fraudeurs de la ville du Vieux Rocher.
Grâce à des véhicules acquis, à crédit, par le biais des œuvres
sociales de l’éducation, ces professeurs se transforment en
« taxieurs » clandestins, à la faveur de l’anarchie qui règne dans le
secteur des transports à Constantine. Cette « activité », peu commune
de la part d’un éducateur, a laissé, a priori, perplexes le directeur
de l’éducation et le responsable du Cnapest de Constantine, qui se sont
refusés tous deux à faire le moindre commentaire à ce sujet. Fragilisé
au même titre que les fonctionnaires et autres salariés, tributaires
d’un salaire mensuel accusant le contrecoup d’augmentations tous
azimuts, ayant ciblé pratiquement tous les secteurs, l’enseignant a
trouvé, pour sa part, dans cet enseignement à la carte, une issue de
secours, où rentabilité ne rime pas toujours avec efficacité. Et si les
parents dépensent sans compter pour leurs enfants, certains professeurs
dispensent, quant à eux, leur enseignement sans se soucier du paramètre
du nombre. Finalement, comment un éducateur, totalement lessivé par des
heures supplémentaires des cours parallèles dans des écoles privées, et
parfois des kilomètres parcourus en qualité de fraudeur, peut-il
assurer convenablement sa mission ?
Par Lydia R.