La pédagogie de projet : pourquoi ? comment ?:
Selon de nombreux didacticiens, la pédagogie de projet constitue une avancée décisive dans l'organisation pédagogique, à condition de respecter les exigences méthodologiques indispensables à son efficacité et d’articuler le projet avec de véritables objectifs d’apprentissage. Nous nous proposons dans ce document de vous présenter les principes théoriques qui sous-tendent la pédagogie de projet, de pointer les étapes essentielles du déroulement d’un projet et de souligner quelques aspects déterminants pour la réussite d’une telle activité en classe.
• La pédagogie de projet, qu’est-ce que c’est ?
• Pourquoi choisir une démarche de projet ?
• Quel projet ?
• La démarche de projet
• Réussir la conduite d’un projet
• Les pièges à éviter
• Sources
La pédagogie de projet, qu’est-ce que c’est ?
Définition
Il s’agit d’une forme de pédagogie dans laquelle l'apprenant est associé de manière contractuelle à l’élaboration de ses savoirs. Le moyen d'action de cette pédagogie est fondé sur la motivation des élèves, suscitée par l’aboutissement à une réalisation concrète, traduite en objectifs et en programmation. Elle induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts. La mise en œuvre d’un projet permet d’atteindre des objectifs d’apprentissage identifiables, figurant au programme d’une ou plusieurs disciplines, de développer des savoirs, savoir-faire et savoir-être liés à la gestion de projet ainsi que la socialisation des apprenants.
Les fondements théoriques de la pédagogie de projet
La pédagogie de projet est le résultat de plusieurs traditions. Dès le milieu du XXe siècle, les membres du courant dit de l’Éducation nouvelle vont expérimenter et théoriser des pratiques relevant de la pédagogie de projet.
John Dewey (1859-1952) : philosophe et psychologue américain, il est l’initiateur des méthodes actives en pédagogie et notamment de la méthode des projets. Selon lui, l’individu cherche spontanément à se développer et à atteindre un haut niveau de réalisation personnelle : l’école doit lui fournir les moyens de se réaliser. Sa doctrine est le fameux learning by doing, apprendre en faisant et non en écoutant comme la pédagogie traditionnelle : l’enfant doit agir, construire des projets, les mener à leur terme, faire des expériences et apprendre à les interpréter.
Ovide Decroly (1871-1973) : médecin, psychologue et pédagogue belge, il fait de l’intérêt de l’enfant le levier par excellence de son développement. Sa pédagogie vise à donner une grande importance à la dimension affective de l’enfant en utilisant ses intérêts afin de renforcer sa motivation et donner sens à l’enseignement. Il considère également qu’une connaissance est intégrée lorsque l’enfant l’a lui-même découverte et exprimée.
Célestin Freinet (1896-1966) : selon cet instituteur, rendre les élèves actifs est primordial. Il développe un système reposant sur trois dimensions :
• la classe est organisée en coopérative ;
• les connaissances s’élaborent dans des projets d’action ou de recherche ;
• l’école produit et diffuse ses propres instruments de travail (ex. : le journal scolaire).
Parallèlement à ces auteurs qui promeuvent les méthodes actives, des chercheurs comme Jean Piaget vont contribuer à renforcer la base théorique de la pédagogie de projet. La pédagogie de projet a ainsi retenu du constructivisme l’idée que l’important dans l’apprentissage, c’est l’activité du sujet. Pour Piaget en effet, comme le souligne Michel Hubert, "[les connaissances] sont construites par l’individu par l’intermédiaire des actions qu’il accomplit sur les objets".
La pédagogie cognitive a également influencé la pédagogie de projet, comme le mentionnent Lucie Arpin et Louise Capra : "Cette pédagogie démontre que c’est en confrontant ses conceptions antérieures avec de nouvelles informations que l’apprenant les transforme et s’approprie vraiment les nouvelles connaissances. Un élève, dans un contexte d’apprentissage par projet, doit puiser dans son environnement, orienter son questionnement, mettre en relation de nouvelles connaissances avec les connaissances qu’il possédait, interagir avec les autres et modifier ainsi ses représentations initiales, ce qui lui permettra de se faire une meilleure idée du monde qui l’entoure. La pédagogie cognitive met également l’accent sur la motivation qui constitue également une part importante dans l’acquisition des connaissances. Or, dans la pédagogie de projet, l’élève est motivé à élaborer le projet auquel il adhère. Il vit activement toutes les étapes avec une volonté de réussir et d’en voir la réalisation."
Pourquoi choisir une démarche de projet ?
Marc Bru et Louis Not distinguent cinq principales fonctions à la pédagogie du projet :
Une fonction économique et de production : l’accomplissement du projet doit tenir compte des contraintes économiques, temporelles, matérielles et humaines. Elle amène donc les formés à gérer leur environnement.
Une fonction thérapeutique : elle renouvelle l’intérêt des élèves pour l’école en leur permettant de s’engager dans une activité signifiante aussi bien sur le plan de l’apprentissage que sur celui de l’engagement social et professionnel.
Une fonction didactique : les actions nécessaires à la réalisation du projet sont le moyen de mobiliser des savoirs et savoir-faire acquis et de développer des compétences et des connaissances nouvelles.
Une fonction sociale et médiationnelle : si le projet fait appel à des partenaires, la pédagogie de projet amène les apprenants à s’ouvrir aux autres, à d’autres institutions, à être reconnus pas eux. Elle amène également le groupe à partager les compétences et à confronter les avis, les opinions…
Une fonction politique : la participation active à un projet implique une vie collective. Le projet devient alors également une formation à la vie civique.
La démarche de projet apporte également des bénéfices secondaires au niveau de la gestion de la classe en permettant l’implication d’un groupe dans une expérience "authentique" forte et commune et en modifiant les rapports entre l’enseignant et les élèves (complicité, changement de rôle).
Quel projet ?
Le concept de projet en éducation
Selon le Glossaire des termes de technologie éducative édité par l’Unesco, "le projet est une activité pratique signifiante, à valeur éducative, visant un ou plusieurs objectifs de compréhension précis. Elle implique des recherches, la résolution de problèmes et souvent, l’utilisation d’objets concrets. Une telle activité est planifiée et menée à bien par les élèves et l’enseignant dans un contexte naturel et vrai".
Qui choisit, définit le projet ?
Dans l’idéal, ce sont les élèves qui font le choix du projet puisqu’il s’agit de les impliquer personnellement, mais la plupart du temps, il est proposé par l’enseignant. Le projet peut naître d’une opportunité ou d’un événement d’origine externe (concours, projet interscolaire…), d’une situation provoquée par l’enseignant ou encore d’un projet dans lequel l’école est engagée (projet d’établissement).
Que l’enseignant soit "force de proposition" ne signifie pas qu’il doive définir seul le projet. Il est nécessaire, au départ du projet, qu’il fasse adhérer les élèves à sa proposition en éveillant leur curiosité et en leur laissant un espace d’initiative et de décision.
La présentation de la démarche du projet est à ce titre une étape essentielle pour que les élèves s’y impliquent. Rappelez-vous qu’un apprenant ne s’implique dans l’action que s’il a une réponse à ces trois questions :
• Suis-je capable de réaliser l’action demandée et d’obtenir le résultat ? (négociation sur les objectifs et analyse de la situation)
• L’obtention du résultat aura-t-elle une contrepartie ? (négociation sur les modalités d’évaluation)
• L’enjeu représente-t-il une quelconque valeur pour quelqu’un ?
Quel type de projet ?
Hubert classe les projets en trois catégories :
• Les productions destinées à être écoulées sur le marché : repas d’un restaurant d’école, production d’un élevage, d’un objet artisanal, service, enquête…
• Les produits médiatiques : film, montage diapos, cédérom, pièce de théâtre, exposition, site internet…
• Les actions tournées vers le groupe lui-même tout en favorisant un contact avec l’extérieur : voyage, correspondance scolaire, visite d’un musée, d’une entreprise…
Michel Boiron, dans un article consacré à l’innovation paru dans la revue Le français dans le monde, propose plusieurs exemples de pratiques innovantes pouvant faire l’objet d’un projet de classe :
• Organiser des visites en français (cinéma, théâtre, musée, exposition, etc.), des randonnées, des voyages d’études (ex. : suivre des itinéraires de découverte des lieux de vie des écrivains ou retrouver des lieux décrits dans un roman ou dans le manuel), des rencontres de personnalités francophones habitant la même ville (pâtissiers, boulangers, restaurateurs, chauffeurs de taxi, etc.), des rencontres d’écrivains, de conteurs, d’artistes...
• Proposer des échanges : échanges de classes, mais aussi communiquer en français via Internet avec d’autres classes dans le monde, créer un jumelage avec une classe francophone en Afrique ou au Canada...
• Organiser une fête en français, une rencontre gastronomique - crêpes, fromages, etc. - cuisiner ensemble, créer un spectacle en français, etc.
• Élaborer de vrais documents : un site Internet, la version en français du catalogue d’un musée de la ville, proposer à la mairie, à l’office de tourisme de diffuser le site de la ville en français sur Internet, etc.
• Passer à une communication immédiate, authentique et non simulée en langue cible : écrire et publier un journal, etc.
• Participer à des concours (les élèves communiquent à l’extérieur le résultat de leur travail, celui-ci a une finalité).
Un bon projet ?
La pédagogie de projet est efficace si le projet :
• est initié à partir des difficultés et des besoins des élèves, soit par le professeur, soit par les étudiants eux-mêmes (individu isolé ou groupe d’individus) ;
• fait l’objet d’une négociation permettant l’explicitation et la socialisation de l’intention d’action et aboutissant à un consensus explicite entre enseignants et étudiants ;
• suscite de l’intérêt et de la motivation ;
• repose sur une approche où la construction des apprentissages se fait par l’action ;
• permet à l’élève :
- l’acquisition personnelle de savoirs et de savoir-faire nouveaux (apprentissage) ;
- l’acquisition d’une meilleure maîtrise de l’environnement par les réponses au "problème" contextualisé de départ et par toutes les découvertes engendrées par le processus du projet ;
- l’acquisition d’une meilleure connaissance de soi-même, de ses besoins, de ses limites, de ses manières de fonctionner ;
• est une aventure qui s’inscrit dans la durée, qui s’enrichit de ses tâtonnements, de ses essais, de ses erreurs, de ses amendements successifs, bref, qui reste aussi susceptible d’évolutions ultérieures ;
• débouche sur une fabrication concrète ;
• permet à l’apprenant une prise de responsabilité ;
• repose sur une autre approche du savoir (le savoir en tant qu’apprentissage plutôt qu’enseignement) ;
• favorise une autre conception de l’évaluation (bilans, auto-évaluation, évaluation portant sur le travail d’équipe, l’autonomie, la démarche de projet, le savoir-être, évaluation prospective, prévoyant des réinvestissements et des développements possibles…) ;
• atteint un seuil de difficulté minimum (défi, dimension épique du projet) ;
• a une dimension collective ;
• permet d’atteindre les objectifs fixés.
Pour illustrer ces composantes, nous vous invitons à lire l’Historiette de Josette sur le site du Centre d’expertise pédagogie de l’AQUOPS au Québec, qui met en lumière le sens du mot projet et son contexte.
La démarche de projet
Les étapes
La mise en œuvre d’un projet nécessite une forte anticipation de la part de l’enseignant et une cohérence de l’ensemble du projet. Pour vous assurer de l’efficacité de votre projet, il est recommandé de suivre une méthodologie rigoureuse qui requiert un déroulement précis suivant des étapes bien déterminées, aux objectifs clairement identifiés. Pour vous aider à repérer ces étapes, nous vous invitons à vous reporter au référentiel proposé par l’Équipe ressource de l’académie de Montpellier (ERAM), qui met en évidence les principales phases de la démarche de projet, les questions que vous devrez vous poser à chacune de ces étapes ainsi que les outils qui pourront vous servir à réaliser chacune des tâches.
Enfin, si vous souhaitez évaluer globalement votre projet, vous pourrez le soumettre à la grille d’évaluation interactive proposée par la Commission scolaire de Portneuf et la Commission des découvreurs au Québec :
Questions Outils, démarches
1. Émergence de l'idée
Que faut-il résoudre ?
A quels besoins faut-il répondre ?
Quelle(s) production(s) attendre ? Recherche d'informations
2. Analyse de la situation*
Quel(s) objectif(s) atteindre (en terme de savoirs, savoir-faire, savoir-être) ?
Quelles ressources employer (humaines, matérielles, financières) ?
Quelles contraintes prendre en compte ?
Quelles stratégies, quelles pistes envisager ? Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ?
Outils de résolution de problème
Fiche de faisabilité
3. Définition du projet
Quel plan d'action adopter ?
S'accorde-t-il avec l'objectif ?
Est-il réaliste ?
Quel cahier des charges établir ?
Quel contrat établir avec les élèves ?
Comment faire adhérer les élèves au projet (comment éveiller leur curiosité, les sensibiliser à la démarche de projet) ? Fiche d'appréciation du projet 1 et 2
Cahier des charges
Guide d’analyse globale d’un projet
Fiche-contrat
4. Montage et planification du projet
Quelles sont les étapes (d’expérimentation, de résolution, de mise en commun, de confrontation des acquis, de consolidations, d’évaluation) ?
Comment les organiser : acteurs (rôle, responsabilité), volume horaire ?
Comment les hiérarchiser ?
Quelle évaluation prévoir ? Document descriptif du projet
Planning
Guide de vérification pour la planification d’un projet
Exemple
5. Mise en œuvre du projet
Comment suivre le projet ?
Quels indicateurs de réussite choisir ?
Quelle régulation, quels ajustements apporter ?
Comment garantir la cohérence entre la mise en œuvre et les objectifs ? Travail en équipe
Fiches de suivi des activités
Bilans intermédiaires
Cahier de bord des élèves
6. Évaluation
Comment évaluer le projet (qualité et démarche) ?
Comment évaluer les compétences développées par les élèves ?
Comment rendre compte du projet : déroulement, résultats ? Fiche d'appréciation collective du projet
Fiches d'évaluation des compétences disciplinaires et transversales
Synthèses écrites
* Formalisation des objectifs, inventaire des stratégies, étude de la faisabilité.
Lors de la mise en œuvre d’un projet, dans la classe, on peut, selon Michel Hubert distinguer trois temps qui correspondent chacun à une fonction, une démarche, des effets sur les élèves et une attitude particulière des formateurs :
Le temps de réalisation : il se caractérise par l’action. C’est la réalisation proprement dite, l’exécution d’un certain nombre de tâches permettant l’acquisition de savoirs, savoir-être et savoir-faire. Lorsque les apprenants maîtrisent de mieux en mieux la démarche de projet, ce "temps de réalisation" devient véritablement le lieu de l’autonomie et de la responsabilité collective et individuelle. Le formateur est alors le formateur-recours qui observe, encourage et note certains faits dont il fera part au groupe. Si un problème surgit, il peut se placer en relation d’aide mais sans résoudre le problème à la place des formés.
Le temps didactique : ce moment se caractérise par une démarche essentiellement inductive, qui va "de l’acte à la pensée" pour retourner ensuite à l’acte et le rendre plus efficace. Dans cette phase, l’enseignant a pour rôle d’aider l’élève à approfondir et enrichir ses savoirs, à favoriser la "connexion entre savoirs d’action et savoirs théoriques". Cela suppose de mettre en relation le déroulement du projet et les savoirs théoriques du programme.
Le temps pédagogique : c’est le moment de la mise en place du projet, des différentes réunions (cogestion, relance) et du bilan final qui permet entre autres de donner du sens au temps de réalisation et au temps didactique. Ce temps pédagogique va permettre de favoriser l’émergence d’images de soi positives par la mise en évidence des réussites personnelles et collectives ; d’asseoir par une analyse réflexive les savoirs théoriques et les savoirs d’action construits, à travers une formalisation orale et parfois écrite, tout en revenant sur leur signification ; de construire la citoyenneté à travers la gestion coopérative du projet dans un esprit de solidarité et de coopération des problèmes rencontrés.
L’évaluation d’un projet
Quoi évaluer ?
• le projet, les étapes du projet
• les productions des élèves
• les compétences
• l’implication des élèves dans le projet
Comment ?
En amont du projet : évaluation diagnostique
Elle se fait en début d'apprentissage. Elle évalue les savoirs et savoir-faire d'un élève avant le projet ; elle permet aussi de mesurer les écarts entre ce que les élèves savent déjà et ce qu'ils devront connaître en fin d'apprentissage.
En cours de projet : évaluation formative
Fréquente et immédiate, elle permet à l’apprenant de remédier à ses erreurs et à ses lacunes peu de temps après leur apparition et avant que ne s’engage un processus cumulatif et de comparer sa performance à un seuil de réussite fixé à l’avance.
En aval du projet : évaluation sommative
L’enseignant évalue les compétences acquises : il établit le degré d’atteinte des objectifs et vérifie l’effectivité de l’apprentissage dans un contexte différent (par des exercices écrits, par une verbalisation des acquis individuels, par la demande de conception d’aide-mémoire ou de fiches récapitulatives).
Réussir la conduite d’un projet :Piloter un projet
Tout projet ayant pour but de changer ou de faire changer l’existant, conduire un projet suppose de rompre avec les habitudes, de modifier les références, d’envisager une évolution positive. Plusieurs conditions sont nécessaires pour réussir le changement :
Lors du lancement du projet :
• la création d’une situation initiale qui soit un véritable tremplin pour le projet envisagé (défi, espace de décision : choix de la forme de la production par les élèves, analyse de la situation, présentation de projets déjà réalisés, témoignages d’acteurs de projets comparables, projection d’un calendrier, contrat didactique) ;
• l’obtention de l’adhésion des acteurs à la finalité du projet ;
• la définition d’un objectif compréhensible par tous ;
• la légitimité du commanditaire et du pilote ;
Au cours du projet :
• la définition des jalons : constatation des progrès accomplis mais aussi acceptation des phases de stagnation ;
• la communication permanente sur le projet au fur et à mesure de son déroulement
• le repérage des acteurs-clés, la qualification de leur rôle ;
• la détermination des enjeux ;
• l’association et l’implication de tous les acteurs concernés ;
• la création de situations de relance (rappel du défi/du contrat didactique, analyse de la situation, évaluation, participation de personnes extérieures renvoyant une image positive, réajustement du calendrier) ;
• la recherche de situations qui seront d’une part motivantes et d’autre part qui créeront des obstacles.
Les compétences de l’enseignant
La pédagogie du projet suppose que l’enseignant développe des compétences différentes de la pédagogie traditionnelle. La pédagogie du projet suppose en effet que l’enseignant sache :
• repérer les connaissances (savoirs et savoir-faire) impliquées dans un projet ;
• mesurer la faisabilité d’un projet ;
• établir des ponts avec les autres disciplines concernées ;
• impliquer les élèves (savoir déléguer la responsabilité du projet, intégrer tous les élèves) ;
• repérer et gérer les représentations des élèves ;
• gérer les conflits : les laisser apparaître, les résoudre, les analyser
- conflits socio-cognitifs ;
- conflits affectifs, identitaires ;
- conflits de pouvoir…
• ne pas se substituer aux élèves dans la réalisation, mais
• jouer un rôle de ressource ;
• laisser errer mais aussi ne pas laisser échouer ;
• analyser et mettre en évidence les savoirs, savoir-faire et savoir-être acquis ;
• "changer de regard" : acquérir un regard qui privilégie les aspects « positifs » des acquis, qui rejette la sélection par l’échec et met l’élève en situation de réussir ;
• travailler en équipe : écouter, aider, conseiller.
Les pièges à éviter
L’enseignant devra penser à éviter certaines dérives lors de la conduite du projet :
Faire du projet une fin en soi (dérive productiviste) : le "produit" est la seule finalité, au détriment des apprentissages et des relations humaines. C’est le grand dilemme d’une démarche de projet ! Comme le précise en effet François Muller, "le projet n’est pas une fin en soi, c’est un détour pour confronter les élèves à des obstacles et provoquer des situations d’apprentissage. En même temps, s’il devient un vrai projet, sa réussite devient un enjeu fort, et tous les acteurs, maîtres et élèves, sont tentés de viser l’efficacité au détriment des occasions d’apprendre".
Planifier à l’excès (dérive techniciste) : l’enseignant ne doit pas s’accaparer le rôle de chef de projet, ses apprenants devenant des exécutants de consignes strictes.
Être totalement non directif (dérive spontanéiste) : le projet s’invente au fur et à mesure sans objectifs clairement définis au départ, sous prétexte de liberté et d’initiative.
Vous vous sentez désormais prêt à vous lancer dans une démarche de projet mais vous manquez d’idées ? Nos fiches pratiques et notre parcours pédagogique vous donneront de nombreux exemples de projets à réaliser en classe de FLE ainsi que des témoignages d’enseignants. N’hésitez pas à les consulter !
Sources :Ouvrages
• ARPIN, Lucie, CAPRA, Louise. L'apprentissage par projets. Montréal : Chenelière/McGraw-Hill, 2000.
• BORDALLO, Isabelle, GINESET, Jean-Paul. Pour une pédagogie du projet. Paris : Hachette, 1993.
• BRU, Marc, NOT, Louis. Où va la pédagogie du projet ? Toulouse : Editions universitaires du sud, 1987.
• HUBERT, Michel. Apprendre en projets : la pédagogie du projet-élèves. Lyon : Chronique sociale, 1999. Synthèse, Pédagogie, Formation.
• LEBRUN, Michel. Théorie et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre : quelle place pour mes TIC dans l’éducation ? Bruxelles : De Boeck Université, 2002. Perspectives en Education et Formation.
• Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation. Paris : Nathan, 2000.
Documents en ligne
• POTEAUX, Nicole. La pédagogie de projet. Juin 2001.
• FRANCOEUR BELLAVANCE, Suzanne. Le travail en projet.
• HOUDE, Sylvie. La pédagogie par/en/du projet : état de la question (Synthèse de lecture)
• PERRENOUD, Philippe. Apprendre à l'école à travers des projets : pourquoi ? comment ? Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation / Université de Genève, 1999.
• Centre de recherche sur l'intervention éducative. Pédagogie par projet et intégration des TIC. Québec : Faculté d'éducation, Université de Sherbrooke.
• Commission scolaire de Portneuf. La pédagogie du projet.
• Centre d’expertise pédagogie de l’AQUOPS. Pédagogie de projet et ses composantes. Québec.
• Ministère de l’éducation nationale / Direction de l’enseignement scolaire. Le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel. Centre national de documentation pédagogique : 2002.
Selon de nombreux didacticiens, la pédagogie de projet constitue une avancée décisive dans l'organisation pédagogique, à condition de respecter les exigences méthodologiques indispensables à son efficacité et d’articuler le projet avec de véritables objectifs d’apprentissage. Nous nous proposons dans ce document de vous présenter les principes théoriques qui sous-tendent la pédagogie de projet, de pointer les étapes essentielles du déroulement d’un projet et de souligner quelques aspects déterminants pour la réussite d’une telle activité en classe.
• La pédagogie de projet, qu’est-ce que c’est ?
• Pourquoi choisir une démarche de projet ?
• Quel projet ?
• La démarche de projet
• Réussir la conduite d’un projet
• Les pièges à éviter
• Sources
La pédagogie de projet, qu’est-ce que c’est ?
Définition
Il s’agit d’une forme de pédagogie dans laquelle l'apprenant est associé de manière contractuelle à l’élaboration de ses savoirs. Le moyen d'action de cette pédagogie est fondé sur la motivation des élèves, suscitée par l’aboutissement à une réalisation concrète, traduite en objectifs et en programmation. Elle induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts. La mise en œuvre d’un projet permet d’atteindre des objectifs d’apprentissage identifiables, figurant au programme d’une ou plusieurs disciplines, de développer des savoirs, savoir-faire et savoir-être liés à la gestion de projet ainsi que la socialisation des apprenants.
Les fondements théoriques de la pédagogie de projet
La pédagogie de projet est le résultat de plusieurs traditions. Dès le milieu du XXe siècle, les membres du courant dit de l’Éducation nouvelle vont expérimenter et théoriser des pratiques relevant de la pédagogie de projet.
John Dewey (1859-1952) : philosophe et psychologue américain, il est l’initiateur des méthodes actives en pédagogie et notamment de la méthode des projets. Selon lui, l’individu cherche spontanément à se développer et à atteindre un haut niveau de réalisation personnelle : l’école doit lui fournir les moyens de se réaliser. Sa doctrine est le fameux learning by doing, apprendre en faisant et non en écoutant comme la pédagogie traditionnelle : l’enfant doit agir, construire des projets, les mener à leur terme, faire des expériences et apprendre à les interpréter.
Ovide Decroly (1871-1973) : médecin, psychologue et pédagogue belge, il fait de l’intérêt de l’enfant le levier par excellence de son développement. Sa pédagogie vise à donner une grande importance à la dimension affective de l’enfant en utilisant ses intérêts afin de renforcer sa motivation et donner sens à l’enseignement. Il considère également qu’une connaissance est intégrée lorsque l’enfant l’a lui-même découverte et exprimée.
Célestin Freinet (1896-1966) : selon cet instituteur, rendre les élèves actifs est primordial. Il développe un système reposant sur trois dimensions :
• la classe est organisée en coopérative ;
• les connaissances s’élaborent dans des projets d’action ou de recherche ;
• l’école produit et diffuse ses propres instruments de travail (ex. : le journal scolaire).
Parallèlement à ces auteurs qui promeuvent les méthodes actives, des chercheurs comme Jean Piaget vont contribuer à renforcer la base théorique de la pédagogie de projet. La pédagogie de projet a ainsi retenu du constructivisme l’idée que l’important dans l’apprentissage, c’est l’activité du sujet. Pour Piaget en effet, comme le souligne Michel Hubert, "[les connaissances] sont construites par l’individu par l’intermédiaire des actions qu’il accomplit sur les objets".
La pédagogie cognitive a également influencé la pédagogie de projet, comme le mentionnent Lucie Arpin et Louise Capra : "Cette pédagogie démontre que c’est en confrontant ses conceptions antérieures avec de nouvelles informations que l’apprenant les transforme et s’approprie vraiment les nouvelles connaissances. Un élève, dans un contexte d’apprentissage par projet, doit puiser dans son environnement, orienter son questionnement, mettre en relation de nouvelles connaissances avec les connaissances qu’il possédait, interagir avec les autres et modifier ainsi ses représentations initiales, ce qui lui permettra de se faire une meilleure idée du monde qui l’entoure. La pédagogie cognitive met également l’accent sur la motivation qui constitue également une part importante dans l’acquisition des connaissances. Or, dans la pédagogie de projet, l’élève est motivé à élaborer le projet auquel il adhère. Il vit activement toutes les étapes avec une volonté de réussir et d’en voir la réalisation."
Pourquoi choisir une démarche de projet ?
Marc Bru et Louis Not distinguent cinq principales fonctions à la pédagogie du projet :
Une fonction économique et de production : l’accomplissement du projet doit tenir compte des contraintes économiques, temporelles, matérielles et humaines. Elle amène donc les formés à gérer leur environnement.
Une fonction thérapeutique : elle renouvelle l’intérêt des élèves pour l’école en leur permettant de s’engager dans une activité signifiante aussi bien sur le plan de l’apprentissage que sur celui de l’engagement social et professionnel.
Une fonction didactique : les actions nécessaires à la réalisation du projet sont le moyen de mobiliser des savoirs et savoir-faire acquis et de développer des compétences et des connaissances nouvelles.
Une fonction sociale et médiationnelle : si le projet fait appel à des partenaires, la pédagogie de projet amène les apprenants à s’ouvrir aux autres, à d’autres institutions, à être reconnus pas eux. Elle amène également le groupe à partager les compétences et à confronter les avis, les opinions…
Une fonction politique : la participation active à un projet implique une vie collective. Le projet devient alors également une formation à la vie civique.
La démarche de projet apporte également des bénéfices secondaires au niveau de la gestion de la classe en permettant l’implication d’un groupe dans une expérience "authentique" forte et commune et en modifiant les rapports entre l’enseignant et les élèves (complicité, changement de rôle).
Quel projet ?
Le concept de projet en éducation
Selon le Glossaire des termes de technologie éducative édité par l’Unesco, "le projet est une activité pratique signifiante, à valeur éducative, visant un ou plusieurs objectifs de compréhension précis. Elle implique des recherches, la résolution de problèmes et souvent, l’utilisation d’objets concrets. Une telle activité est planifiée et menée à bien par les élèves et l’enseignant dans un contexte naturel et vrai".
Qui choisit, définit le projet ?
Dans l’idéal, ce sont les élèves qui font le choix du projet puisqu’il s’agit de les impliquer personnellement, mais la plupart du temps, il est proposé par l’enseignant. Le projet peut naître d’une opportunité ou d’un événement d’origine externe (concours, projet interscolaire…), d’une situation provoquée par l’enseignant ou encore d’un projet dans lequel l’école est engagée (projet d’établissement).
Que l’enseignant soit "force de proposition" ne signifie pas qu’il doive définir seul le projet. Il est nécessaire, au départ du projet, qu’il fasse adhérer les élèves à sa proposition en éveillant leur curiosité et en leur laissant un espace d’initiative et de décision.
La présentation de la démarche du projet est à ce titre une étape essentielle pour que les élèves s’y impliquent. Rappelez-vous qu’un apprenant ne s’implique dans l’action que s’il a une réponse à ces trois questions :
• Suis-je capable de réaliser l’action demandée et d’obtenir le résultat ? (négociation sur les objectifs et analyse de la situation)
• L’obtention du résultat aura-t-elle une contrepartie ? (négociation sur les modalités d’évaluation)
• L’enjeu représente-t-il une quelconque valeur pour quelqu’un ?
Quel type de projet ?
Hubert classe les projets en trois catégories :
• Les productions destinées à être écoulées sur le marché : repas d’un restaurant d’école, production d’un élevage, d’un objet artisanal, service, enquête…
• Les produits médiatiques : film, montage diapos, cédérom, pièce de théâtre, exposition, site internet…
• Les actions tournées vers le groupe lui-même tout en favorisant un contact avec l’extérieur : voyage, correspondance scolaire, visite d’un musée, d’une entreprise…
Michel Boiron, dans un article consacré à l’innovation paru dans la revue Le français dans le monde, propose plusieurs exemples de pratiques innovantes pouvant faire l’objet d’un projet de classe :
• Organiser des visites en français (cinéma, théâtre, musée, exposition, etc.), des randonnées, des voyages d’études (ex. : suivre des itinéraires de découverte des lieux de vie des écrivains ou retrouver des lieux décrits dans un roman ou dans le manuel), des rencontres de personnalités francophones habitant la même ville (pâtissiers, boulangers, restaurateurs, chauffeurs de taxi, etc.), des rencontres d’écrivains, de conteurs, d’artistes...
• Proposer des échanges : échanges de classes, mais aussi communiquer en français via Internet avec d’autres classes dans le monde, créer un jumelage avec une classe francophone en Afrique ou au Canada...
• Organiser une fête en français, une rencontre gastronomique - crêpes, fromages, etc. - cuisiner ensemble, créer un spectacle en français, etc.
• Élaborer de vrais documents : un site Internet, la version en français du catalogue d’un musée de la ville, proposer à la mairie, à l’office de tourisme de diffuser le site de la ville en français sur Internet, etc.
• Passer à une communication immédiate, authentique et non simulée en langue cible : écrire et publier un journal, etc.
• Participer à des concours (les élèves communiquent à l’extérieur le résultat de leur travail, celui-ci a une finalité).
Un bon projet ?
La pédagogie de projet est efficace si le projet :
• est initié à partir des difficultés et des besoins des élèves, soit par le professeur, soit par les étudiants eux-mêmes (individu isolé ou groupe d’individus) ;
• fait l’objet d’une négociation permettant l’explicitation et la socialisation de l’intention d’action et aboutissant à un consensus explicite entre enseignants et étudiants ;
• suscite de l’intérêt et de la motivation ;
• repose sur une approche où la construction des apprentissages se fait par l’action ;
• permet à l’élève :
- l’acquisition personnelle de savoirs et de savoir-faire nouveaux (apprentissage) ;
- l’acquisition d’une meilleure maîtrise de l’environnement par les réponses au "problème" contextualisé de départ et par toutes les découvertes engendrées par le processus du projet ;
- l’acquisition d’une meilleure connaissance de soi-même, de ses besoins, de ses limites, de ses manières de fonctionner ;
• est une aventure qui s’inscrit dans la durée, qui s’enrichit de ses tâtonnements, de ses essais, de ses erreurs, de ses amendements successifs, bref, qui reste aussi susceptible d’évolutions ultérieures ;
• débouche sur une fabrication concrète ;
• permet à l’apprenant une prise de responsabilité ;
• repose sur une autre approche du savoir (le savoir en tant qu’apprentissage plutôt qu’enseignement) ;
• favorise une autre conception de l’évaluation (bilans, auto-évaluation, évaluation portant sur le travail d’équipe, l’autonomie, la démarche de projet, le savoir-être, évaluation prospective, prévoyant des réinvestissements et des développements possibles…) ;
• atteint un seuil de difficulté minimum (défi, dimension épique du projet) ;
• a une dimension collective ;
• permet d’atteindre les objectifs fixés.
Pour illustrer ces composantes, nous vous invitons à lire l’Historiette de Josette sur le site du Centre d’expertise pédagogie de l’AQUOPS au Québec, qui met en lumière le sens du mot projet et son contexte.
La démarche de projet
Les étapes
La mise en œuvre d’un projet nécessite une forte anticipation de la part de l’enseignant et une cohérence de l’ensemble du projet. Pour vous assurer de l’efficacité de votre projet, il est recommandé de suivre une méthodologie rigoureuse qui requiert un déroulement précis suivant des étapes bien déterminées, aux objectifs clairement identifiés. Pour vous aider à repérer ces étapes, nous vous invitons à vous reporter au référentiel proposé par l’Équipe ressource de l’académie de Montpellier (ERAM), qui met en évidence les principales phases de la démarche de projet, les questions que vous devrez vous poser à chacune de ces étapes ainsi que les outils qui pourront vous servir à réaliser chacune des tâches.
Enfin, si vous souhaitez évaluer globalement votre projet, vous pourrez le soumettre à la grille d’évaluation interactive proposée par la Commission scolaire de Portneuf et la Commission des découvreurs au Québec :
Questions Outils, démarches
1. Émergence de l'idée
Que faut-il résoudre ?
A quels besoins faut-il répondre ?
Quelle(s) production(s) attendre ? Recherche d'informations
2. Analyse de la situation*
Quel(s) objectif(s) atteindre (en terme de savoirs, savoir-faire, savoir-être) ?
Quelles ressources employer (humaines, matérielles, financières) ?
Quelles contraintes prendre en compte ?
Quelles stratégies, quelles pistes envisager ? Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ?
Outils de résolution de problème
Fiche de faisabilité
3. Définition du projet
Quel plan d'action adopter ?
S'accorde-t-il avec l'objectif ?
Est-il réaliste ?
Quel cahier des charges établir ?
Quel contrat établir avec les élèves ?
Comment faire adhérer les élèves au projet (comment éveiller leur curiosité, les sensibiliser à la démarche de projet) ? Fiche d'appréciation du projet 1 et 2
Cahier des charges
Guide d’analyse globale d’un projet
Fiche-contrat
4. Montage et planification du projet
Quelles sont les étapes (d’expérimentation, de résolution, de mise en commun, de confrontation des acquis, de consolidations, d’évaluation) ?
Comment les organiser : acteurs (rôle, responsabilité), volume horaire ?
Comment les hiérarchiser ?
Quelle évaluation prévoir ? Document descriptif du projet
Planning
Guide de vérification pour la planification d’un projet
Exemple
5. Mise en œuvre du projet
Comment suivre le projet ?
Quels indicateurs de réussite choisir ?
Quelle régulation, quels ajustements apporter ?
Comment garantir la cohérence entre la mise en œuvre et les objectifs ? Travail en équipe
Fiches de suivi des activités
Bilans intermédiaires
Cahier de bord des élèves
6. Évaluation
Comment évaluer le projet (qualité et démarche) ?
Comment évaluer les compétences développées par les élèves ?
Comment rendre compte du projet : déroulement, résultats ? Fiche d'appréciation collective du projet
Fiches d'évaluation des compétences disciplinaires et transversales
Synthèses écrites
* Formalisation des objectifs, inventaire des stratégies, étude de la faisabilité.
Lors de la mise en œuvre d’un projet, dans la classe, on peut, selon Michel Hubert distinguer trois temps qui correspondent chacun à une fonction, une démarche, des effets sur les élèves et une attitude particulière des formateurs :
Le temps de réalisation : il se caractérise par l’action. C’est la réalisation proprement dite, l’exécution d’un certain nombre de tâches permettant l’acquisition de savoirs, savoir-être et savoir-faire. Lorsque les apprenants maîtrisent de mieux en mieux la démarche de projet, ce "temps de réalisation" devient véritablement le lieu de l’autonomie et de la responsabilité collective et individuelle. Le formateur est alors le formateur-recours qui observe, encourage et note certains faits dont il fera part au groupe. Si un problème surgit, il peut se placer en relation d’aide mais sans résoudre le problème à la place des formés.
Le temps didactique : ce moment se caractérise par une démarche essentiellement inductive, qui va "de l’acte à la pensée" pour retourner ensuite à l’acte et le rendre plus efficace. Dans cette phase, l’enseignant a pour rôle d’aider l’élève à approfondir et enrichir ses savoirs, à favoriser la "connexion entre savoirs d’action et savoirs théoriques". Cela suppose de mettre en relation le déroulement du projet et les savoirs théoriques du programme.
Le temps pédagogique : c’est le moment de la mise en place du projet, des différentes réunions (cogestion, relance) et du bilan final qui permet entre autres de donner du sens au temps de réalisation et au temps didactique. Ce temps pédagogique va permettre de favoriser l’émergence d’images de soi positives par la mise en évidence des réussites personnelles et collectives ; d’asseoir par une analyse réflexive les savoirs théoriques et les savoirs d’action construits, à travers une formalisation orale et parfois écrite, tout en revenant sur leur signification ; de construire la citoyenneté à travers la gestion coopérative du projet dans un esprit de solidarité et de coopération des problèmes rencontrés.
L’évaluation d’un projet
Quoi évaluer ?
• le projet, les étapes du projet
• les productions des élèves
• les compétences
• l’implication des élèves dans le projet
Comment ?
En amont du projet : évaluation diagnostique
Elle se fait en début d'apprentissage. Elle évalue les savoirs et savoir-faire d'un élève avant le projet ; elle permet aussi de mesurer les écarts entre ce que les élèves savent déjà et ce qu'ils devront connaître en fin d'apprentissage.
En cours de projet : évaluation formative
Fréquente et immédiate, elle permet à l’apprenant de remédier à ses erreurs et à ses lacunes peu de temps après leur apparition et avant que ne s’engage un processus cumulatif et de comparer sa performance à un seuil de réussite fixé à l’avance.
En aval du projet : évaluation sommative
L’enseignant évalue les compétences acquises : il établit le degré d’atteinte des objectifs et vérifie l’effectivité de l’apprentissage dans un contexte différent (par des exercices écrits, par une verbalisation des acquis individuels, par la demande de conception d’aide-mémoire ou de fiches récapitulatives).
Réussir la conduite d’un projet :Piloter un projet
Tout projet ayant pour but de changer ou de faire changer l’existant, conduire un projet suppose de rompre avec les habitudes, de modifier les références, d’envisager une évolution positive. Plusieurs conditions sont nécessaires pour réussir le changement :
Lors du lancement du projet :
• la création d’une situation initiale qui soit un véritable tremplin pour le projet envisagé (défi, espace de décision : choix de la forme de la production par les élèves, analyse de la situation, présentation de projets déjà réalisés, témoignages d’acteurs de projets comparables, projection d’un calendrier, contrat didactique) ;
• l’obtention de l’adhésion des acteurs à la finalité du projet ;
• la définition d’un objectif compréhensible par tous ;
• la légitimité du commanditaire et du pilote ;
Au cours du projet :
• la définition des jalons : constatation des progrès accomplis mais aussi acceptation des phases de stagnation ;
• la communication permanente sur le projet au fur et à mesure de son déroulement
• le repérage des acteurs-clés, la qualification de leur rôle ;
• la détermination des enjeux ;
• l’association et l’implication de tous les acteurs concernés ;
• la création de situations de relance (rappel du défi/du contrat didactique, analyse de la situation, évaluation, participation de personnes extérieures renvoyant une image positive, réajustement du calendrier) ;
• la recherche de situations qui seront d’une part motivantes et d’autre part qui créeront des obstacles.
Les compétences de l’enseignant
La pédagogie du projet suppose que l’enseignant développe des compétences différentes de la pédagogie traditionnelle. La pédagogie du projet suppose en effet que l’enseignant sache :
• repérer les connaissances (savoirs et savoir-faire) impliquées dans un projet ;
• mesurer la faisabilité d’un projet ;
• établir des ponts avec les autres disciplines concernées ;
• impliquer les élèves (savoir déléguer la responsabilité du projet, intégrer tous les élèves) ;
• repérer et gérer les représentations des élèves ;
• gérer les conflits : les laisser apparaître, les résoudre, les analyser
- conflits socio-cognitifs ;
- conflits affectifs, identitaires ;
- conflits de pouvoir…
• ne pas se substituer aux élèves dans la réalisation, mais
• jouer un rôle de ressource ;
• laisser errer mais aussi ne pas laisser échouer ;
• analyser et mettre en évidence les savoirs, savoir-faire et savoir-être acquis ;
• "changer de regard" : acquérir un regard qui privilégie les aspects « positifs » des acquis, qui rejette la sélection par l’échec et met l’élève en situation de réussir ;
• travailler en équipe : écouter, aider, conseiller.
Les pièges à éviter
L’enseignant devra penser à éviter certaines dérives lors de la conduite du projet :
Faire du projet une fin en soi (dérive productiviste) : le "produit" est la seule finalité, au détriment des apprentissages et des relations humaines. C’est le grand dilemme d’une démarche de projet ! Comme le précise en effet François Muller, "le projet n’est pas une fin en soi, c’est un détour pour confronter les élèves à des obstacles et provoquer des situations d’apprentissage. En même temps, s’il devient un vrai projet, sa réussite devient un enjeu fort, et tous les acteurs, maîtres et élèves, sont tentés de viser l’efficacité au détriment des occasions d’apprendre".
Planifier à l’excès (dérive techniciste) : l’enseignant ne doit pas s’accaparer le rôle de chef de projet, ses apprenants devenant des exécutants de consignes strictes.
Être totalement non directif (dérive spontanéiste) : le projet s’invente au fur et à mesure sans objectifs clairement définis au départ, sous prétexte de liberté et d’initiative.
Vous vous sentez désormais prêt à vous lancer dans une démarche de projet mais vous manquez d’idées ? Nos fiches pratiques et notre parcours pédagogique vous donneront de nombreux exemples de projets à réaliser en classe de FLE ainsi que des témoignages d’enseignants. N’hésitez pas à les consulter !
Sources :Ouvrages
• ARPIN, Lucie, CAPRA, Louise. L'apprentissage par projets. Montréal : Chenelière/McGraw-Hill, 2000.
• BORDALLO, Isabelle, GINESET, Jean-Paul. Pour une pédagogie du projet. Paris : Hachette, 1993.
• BRU, Marc, NOT, Louis. Où va la pédagogie du projet ? Toulouse : Editions universitaires du sud, 1987.
• HUBERT, Michel. Apprendre en projets : la pédagogie du projet-élèves. Lyon : Chronique sociale, 1999. Synthèse, Pédagogie, Formation.
• LEBRUN, Michel. Théorie et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre : quelle place pour mes TIC dans l’éducation ? Bruxelles : De Boeck Université, 2002. Perspectives en Education et Formation.
• Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation. Paris : Nathan, 2000.
Documents en ligne
• POTEAUX, Nicole. La pédagogie de projet. Juin 2001.
• FRANCOEUR BELLAVANCE, Suzanne. Le travail en projet.
• HOUDE, Sylvie. La pédagogie par/en/du projet : état de la question (Synthèse de lecture)
• PERRENOUD, Philippe. Apprendre à l'école à travers des projets : pourquoi ? comment ? Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation / Université de Genève, 1999.
• Centre de recherche sur l'intervention éducative. Pédagogie par projet et intégration des TIC. Québec : Faculté d'éducation, Université de Sherbrooke.
• Commission scolaire de Portneuf. La pédagogie du projet.
• Centre d’expertise pédagogie de l’AQUOPS. Pédagogie de projet et ses composantes. Québec.
• Ministère de l’éducation nationale / Direction de l’enseignement scolaire. Le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel. Centre national de documentation pédagogique : 2002.