Introduction
Ce texte est écrit dans un registre enfantin, amusant, léger et facile à comprendre. Texte virtuel très animé, dynamique alerte, séduisant.
Cependant, cette fable cache une dénonciation importante.
Lecture
Le chat, la belette et le petit lapin
Jean de la Fontaine
Du palais d'un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S'empara ; c'est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
Dit l'animal chassé du paternel logis :
O là, Madame la Belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La Dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
- Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux Rois.
Annonce des axes
Etude
I - Un plaisir, une vivacité d'écriture
- Le lapin : " jeune lapin ", " Jeannot Lapin " = populaire
" maître et seigneur " = c'est un propriétaire terrien qui connaît ses droits et ses devoirs et s'exprime dans un registre juridique.
- La belette : " Dame belette " = référence au conte avec "palais" = apologue
" Madame la Belette ", " la dame au nez pointu " = périphrase pour dire rusée
Elle représente les profiteurs, ceux qui remettent en cause la société, les hypocrites.
- Le chat : description beaucoup plus complète, La Fontaine peaufine son personnage pour la chute.
Il a deux noms, deux faces, " Raminagrobis " et " Grippeminaud "
Il fait un peu penser à Tartuffe. C'est par ce personnage que l'on va rentrer dans la dénonciation.
Deux faces : qualités morales = " dévot ermite ", " saint homme ", " bon apôtre ". Cependant, il cache son jeu, il utilise un faux air paternel pour arriver à ses fins : " mes enfants "
Allitération en R
- sonorité dure qui prévient le lecteur
- ronronnement
La Fontaine varie les registres de langue, variation dans la manière d'écrire.
Diversité de styles : conte, fable, mythologie " dieux hospitaliers ".., poésie, polémique populaire (dans le dialogue), portrait, référence littéraire = " Raminagrobis " = rois des chats dans Rabelais ; " Grippeminaud " = archiduc des rois fourrés dans Rabelais.
Il est capable d'entrer dans un genre plus sérieux, comme lors du dialogue entre le lapin et la belette qui laisse à penser qu'on est dans une salle de tribunal.
La chute de la fable est d'une réelle violence, inattendue. Nous ne sommes pas dans une histoire d'enfants. Le dynamisme de ce texte cache une réflexion dure sur la justice.
II - Réflexion sur la justice
Cette réflexion sur la justice commence à partir de la constatation d'un délit. Il y a un délit, des menaces puis une partie argumentative. Le lecteur devient peu à peu spectateur de cette audience. C'est la remise en cause de la/d'une loi.
Il y a incontestablement un vide juridique que le lapin n'arrive pas à combler. " leur loi ", laquelle ? Il ne peut pas répondre d'une manière précise. Remise en cause de la justice = il n'a pas su traduire la demande.
Cette justice va se révéler d'une rare violence, une violence stupéfiante.
Ils ont eu tort, ils ont fait confiance à la justice, ils ont montré qu'il y avait un vide juridique dans la propriété privée et ils sont donc punis.
Conclusion
La fontaine traite ici un sujet délicat, et il le résout avec violence. On sent ici toute la virulence de l'auteur. A partir d'une petite histoire, il pose une question révolutionnaire. Dénonciation d'une difficulté à formuler.
Ce texte est écrit dans un registre enfantin, amusant, léger et facile à comprendre. Texte virtuel très animé, dynamique alerte, séduisant.
Cependant, cette fable cache une dénonciation importante.
Lecture
Le chat, la belette et le petit lapin
Jean de la Fontaine
Du palais d'un jeune Lapin
Dame Belette un beau matin
S'empara ; c'est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates un jour
Qu'il était allé faire à l'Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Janot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
O Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ?
Dit l'animal chassé du paternel logis :
O là, Madame la Belette,
Que l'on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La Dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant.
Et quand ce serait un Royaume
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi.
Jean Lapin allégua la coutume et l'usage.
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils,
L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant est-ce une loi plus sage ?
- Or bien sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C'était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l'agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.
L'un et l'autre approcha ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu'à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux Rois.
Annonce des axes
Etude
I - Un plaisir, une vivacité d'écriture
- Le lapin : " jeune lapin ", " Jeannot Lapin " = populaire
" maître et seigneur " = c'est un propriétaire terrien qui connaît ses droits et ses devoirs et s'exprime dans un registre juridique.
- La belette : " Dame belette " = référence au conte avec "palais" = apologue
" Madame la Belette ", " la dame au nez pointu " = périphrase pour dire rusée
Elle représente les profiteurs, ceux qui remettent en cause la société, les hypocrites.
- Le chat : description beaucoup plus complète, La Fontaine peaufine son personnage pour la chute.
Il a deux noms, deux faces, " Raminagrobis " et " Grippeminaud "
Il fait un peu penser à Tartuffe. C'est par ce personnage que l'on va rentrer dans la dénonciation.
Deux faces : qualités morales = " dévot ermite ", " saint homme ", " bon apôtre ". Cependant, il cache son jeu, il utilise un faux air paternel pour arriver à ses fins : " mes enfants "
Allitération en R
- sonorité dure qui prévient le lecteur
- ronronnement
La Fontaine varie les registres de langue, variation dans la manière d'écrire.
Diversité de styles : conte, fable, mythologie " dieux hospitaliers ".., poésie, polémique populaire (dans le dialogue), portrait, référence littéraire = " Raminagrobis " = rois des chats dans Rabelais ; " Grippeminaud " = archiduc des rois fourrés dans Rabelais.
Il est capable d'entrer dans un genre plus sérieux, comme lors du dialogue entre le lapin et la belette qui laisse à penser qu'on est dans une salle de tribunal.
La chute de la fable est d'une réelle violence, inattendue. Nous ne sommes pas dans une histoire d'enfants. Le dynamisme de ce texte cache une réflexion dure sur la justice.
II - Réflexion sur la justice
Cette réflexion sur la justice commence à partir de la constatation d'un délit. Il y a un délit, des menaces puis une partie argumentative. Le lecteur devient peu à peu spectateur de cette audience. C'est la remise en cause de la/d'une loi.
Il y a incontestablement un vide juridique que le lapin n'arrive pas à combler. " leur loi ", laquelle ? Il ne peut pas répondre d'une manière précise. Remise en cause de la justice = il n'a pas su traduire la demande.
Cette justice va se révéler d'une rare violence, une violence stupéfiante.
Ils ont eu tort, ils ont fait confiance à la justice, ils ont montré qu'il y avait un vide juridique dans la propriété privée et ils sont donc punis.
Conclusion
La fontaine traite ici un sujet délicat, et il le résout avec violence. On sent ici toute la virulence de l'auteur. A partir d'une petite histoire, il pose une question révolutionnaire. Dénonciation d'une difficulté à formuler.