Vivre la pédagogie du projet collectif
Introduction :
C'est en voulant apporter des solutions aux différents problèmes vécus dans nos classes que nous avons décidé d'explorer la pédagogie de projet. En effet, cette pédagogie semblait répondre à nos besoins, car elle s'éloignait de l'enseignement traditionnel pour permettre à l'élève de construire ses apprentissages à partir de ses intérêts à travers des projets choisis collectivement.
Nous avons exploré les fondements théoriques de la pédagogie de projet, nous avons mis en application et, après de nombreuses discussions, nous avons redéfini tout en lui greffant une approche évaluative continue.
La pédagogie du projet collectif s'avère une approche qui, sans répondre à tous les besoins actuels en éducation, offre d'excellentes pistes. Par une tâche envisagée collectivement, orientée vers un but commun, accomplie dans un esprit de coopération et conduisant à une production concrète communicable, nos élèves atteignent des objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social tant sur le plan collectif que sur le plan individuel. Ils développent des compétences en regard des différents programmes ministériels et font des apprentissages transférables dans leur milieu de vie. Telle est la pédagogie du projet collectif que nous vous incitons à explorer.
Les concepts essentiels
Dans nos classes, nous avons souvent entrepris des projets de recherche sur des sujets d’intérêt comme les animaux, les planètes, les pays etc. Nous avons organisé des sorties, des visites au planétarium, des classes vertes, des classes-neige et autres activités spéciales. La plupart du temps, nous planifiions le projet de recherche et les parents aidaient leur enfant à le réaliser à la maison. Ces projets étaient vus comme des moments agréables à passer en compagnie des élèves. Cependant, les apprentissages réalisés n'étaient pas nécessairement planifiés ni évalués avec eux. Ils étaient perçus comme des activités d'enrichissement.
Nous étions conscients que ces projets suscitaient l'intérêt et la motivation des élèves et nous constations que c'était plutôt à travers leurs essais et leurs erreurs qu'ils apprenaient. Nous cherchions à accroître la participation de nos élèves, à mettre à leur disposition des moyens d’apprendre, de réussir et de devenir plus autonomes face à leurs apprentissages. Nous voulions rendre chaque élève capable de construire ses apprentissages. Il nous fallait donc trouver une approche pédagogique qui nous permettrait d’interagir avec l’élève, d'observer comment il apprend et de le mettre dans des situations où il aurait des problèmes à résoudre seul et avec d'autres. Nous devions aussi intégrer les objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social aux projets et trouver des moyens de les évaluer.
A ce sujet, un auteur a retenu tout particulièrement notre attention. Altet a fait une synthèse de tous les théoriciens intéressés par les pédagogies de l’apprentissage. Cet auteur inscrit la pédagogie de projet comme l'une de ces pédagogies. Nous retenons que Mialaret, Vial, Legrand et GFEN (groupe français d'éducation nouvelle) ont aussi contribué à élaborer la conception contemporaine de la pédagogie de projet. Ils poursuivaient les recherches amorcées par leurs précurseurs, tels Dewey, Claparède, Cousinet, Freinet, Skinner et Bloom.
Nous avons aussi consulté les travaux d'auteurs plus près de nous comme Angers, Bouchard, et Francoeur-Bellevance. Les pédagogies de l’apprentissage reflètent bien nos préoccupations lorsqu'elles parlent de stratégies cognitives et métacognitives permettant à l'élève de mieux comprendre sa propre façon d’apprendre.
« Ces pédagogies cherchent à développer les stratégies cognitives et métacognitives de l'élève, tentent d’aider l’élève à développer sa capacité d'apprendre, de réfléchir et à les exercer seul. Après avoir outillé l’élève, le pédagogue s'efforce de l’amener à réfléchir par lui-même, à construire son autonomie. » Altet, 1997.
Nous devions donc mettre en place des conditions facilitantes qui allaient permettre à l'élève d'être le premier agent de ses apprentissages en lui proposant une pédagogie qui l’aiderait à se construire dans sa globalité. Dès sa rentrée à l'école, ses enseignants doivent lui trouver des moyens de s'engager dans ses apprentissages.
«Il leur faut aider ceux et celles qu'ils éduquent à développer leurs ressources intellectuelles et cognitives, à faire confiance en ces ressources. Il leur faut les aider à devenir capables de s'affirmer, de s'engager, de dire ce qu'ils pensent vraiment, de la manière dont ils le pensent, de mieux le dire au sein de la collectivité et de la société dont ils font partie » Caouette, 1997.
Tout au long de nos expérimentations en pédagogie de projet, nous avons remarqué que l'élève devient conscient de ce qu'il apprend, de la façon dont il apprend et de ce qu’il devra apprendre sur lui, sur les autres et sur les tâches qu'il doit réaliser.
Devant la rapidité avec laquelle la société se transforme, l'école est à la recherche de moyens d'aider élève à devenir non seulement un être autonome, mais aussi un membre de la société capable de s'adapter à ces changements. Nous croyons que l'apprentissage fondamental qu'un élève doit faire à l'école est celui de devenir autonome sur les plans cognitif, affectif et social. Développer son autonomie ne va pas sans réfléchir sur les responsabilités et les conséquences inhérentes au fait même de faire des choix, que ceux-ci soient individuels ou collectifs.
« L'éducation est un processus complexe, multidimensionnel et à long terme par lequel on aide un individu ou une collectivité à accéder au maximum d'autonomie, c'est-à-dire de liberté responsable, et au développement optimal de toutes ses ressources. » Caouette, 1997
Pour aider l'élève à développer son autonomie, nous avons dû apprendre à lui laisser « une place » et cela nous a conduits à :
1. Proposer des moyens pour répondre à différents besoins ;
2. Partager notre pouvoir ;
3. Redéfinir notre concept de la discipline et des règles de vie ;
4. Lui faire résoudre des problèmes ;
5. Intégrer l'apprentissage coopératif ;
6. Transformer nos pratiques évaluatives.
Toutes nos lectures, les discussions à l'intérieur de notre groupe de travail, nos essais ainsi que les échanges que nous avons eus avec d'autres enseignants nous ont permis de conceptualiser cette approche que nous vous présentons dans ce livre. Toutefois, il est important de spécifier que cet ouvrage s'inscrit, pour nous, dans un processus continu d'apprentissage et de construction de notre savoir. C'est par nos essais et l’analyse de nos erreurs que nous avons progressé en pédagogie de projet.
1. Proposer des moyens pour répondre à différents besoins
Dans nos classes, nous étions préoccupés par les apprentissages que réalisait chaque élève et nous cherchions des réponses à certaines de nos préoccupations telles que l'harmonisation des différents rythmes d'apprentissage et l'harmonisation des différents milieux socio-économiques et culturels. Certains auteurs, pour répondre aux différents besoins de nos élèves, proposent des pistes de réflexion.
Comment identifier une pédagogie permettant à des élèves de différents milieux et de cultures diverses de pouvoir s'adapter et s'épanouir dans une atmosphère de compréhension et de respect mutuel, favorisant ainsi des relations harmonieuses ?
« La pédagogie qui serait la plus favorable aux enfants défavorisés serait celle qui prendrait en considération la culture de ces enfants-là, dans son originalité et sa richesse, et qui s'en servirait de base pour les emmener sur le chemin d'autres découvertes, d’autres connaissances ». Baratier, 1984
Comment aider chaque élève, quel que soit son mode de vie à la maison, à se retrouver dans ses préoccupations et ses aspirations personnelles ?
« Le principe de base qui doit présider à la mise en place de la pédagogie différenciée consiste à multiplier les itinéraires d’apprentissage en fonction des différences existant entre les élèves, tant sur le plan de leurs connaissances antérieures, de leurs profils pédagogiques, de leurs rythmes d'assimilation, que de leurs cultures propres et de leurs centres d'intérêt ».
Meirieu, cité par Altet,1997.
Comment le travail de classe peut-il s'avérer une source d'expériences enrichissantes qui entraînent l’élève à la résolution de problèmes en respectant sa manière apprendre et son rythme d'apprentissage ?
« La diversité ne doit donc plus être considérée uniquement comme un handicap, mais peut devenir une base qui permettra d’obtenir de bien meilleurs résultats et qui, quelquefois, mettra en évidence les richesses de chacun ». De Vecchi, 1992
Notre expérience en pédagogie de projet nous permet de constater que celle-ci convient à des élèves qui, dans une même classe, diffèrent tant par leur âge, leur conception du monde, leur profil d'apprentissage, les stratégies qu'ils utilisent, etc. Par la diversité des tâches demandées, elle permet à l'élève d'accroître sa motivation et d’apprendre à apprendre avec les autres.
« La mise en projet des élèves est un instrument éducatif de première importance, qui a souvent été utilisé avec succès auprès d’élèves difficiles. » Rey, 1998
La pédagogie de projet permet de tenir compte des intelligences multiples. C'est la contribution et la valorisation de toutes ces manières d’apprendre qui favorisent la réussite d’un projet et l'engagement de l'élève dans ses apprentissages. Un des plus récents chercheurs dans le domaine de l'intelligence, GARDNER (1996), mentionne que « tous les individus disposent d'un répertoire de compétences pour résoudre différents types de problèmes ». Armstrong, dans « les intelligences multiples dans votre classe », reprend la description que Gardner s'est fait des sept catégories ou types d'intelligence :
· l'élève plus à l’aise avec la musique a probablement une intelligence musicale ;
· l’élève plus à l'aise avec les mouvements a probablement une intelligence kinesthésique ;
· l’élève plus à l’aise avec le raisonnement, la logique a probablement une intelligence logico- mathématique ;
· l'élève plus à l'aise avec les mots a probablement une intelligence linguistique ;
· l’élève plus à l'aise avec les illustrations a probablement une intelligence spatiale ;
· l’élève plus à l’aise avec le travail en équipe a probablement une intelligence interpersonnelle ;
· l’élève plus à l'aise avec le travail individuel a probablement une intelligence intra personnelle.
Il est important que l’enseignant comprenne les intelligences multiples et qu'il les reconnaisse chez chaque élève. Il est aussi essentiel qu’il amène l’élève à découvrir ses intelligences afin que ce dernier puisse savoir comment il apprend, comment il les développe et les utilise pour s’aider et aider ses pairs à apprendre.
Nous retrouvons ce même souci de l'individuation dans la philosophie de la pédagogie de projet. Elle fait appel à des stratégies qui rendent l’élève capable de reconnaître ses besoins, ses préoccupations, ses intérêts, de choisir et de mener à terme les projets qui lui permettront d'atteindre une satisfaction personnelle.
« La pédagogie de projet s'intéresse à l'enfant tout entier et à toutes ses dimensions : elle s'intéresse à ses sentiments, à ses goûts, à ses attitudes, à son originalité, à sa créativité. Elle considère chaque enfant comme une personne originale avec ses aspirations et ses capacités, mais aussi comme un être social avec des droits et des privilèges, avec des devoirs et des responsabilités ». Angers et Bouchard, 1984.
Lors de nos expérimentations, nous avons remarqué chez l'élève que :
· le projet lui permet de développer son sentiment d'appartenance, lui donne l'occasion de mieux se connaître et de se confronter aux autres ;
· le processus de prise de décision lui permet d'assumer un certain pouvoir sur son environnement immédiat et surtout sur ses apprentissages ;
· l'autoévaluation et l'évaluation de ses pairs et de ses parents lui donnent l'occasion de percevoir son rôle social et d’apprendre à s'évaluer comme apprenant. Cela lui permet d'être valorisé pour ses différences et son apport au projet ;
· la reconnaissance de ses talents, de ses ressources et de ses limites lui permet de mieux se connaître et l’amène vers l'acceptation de soi.
La pédagogie de projet peut donc permettre à l'élève de faire des apprentissages authentiques, c'est-à-dire des apprentissages qu'il peut réutiliser dans la vie de l'école ou hors de l’école. Ceux-ci favorisent le développement de son estime de soi.
« (…) Des apprentissages authentiques contribuent à épanouir la personnalité, à élargir les horizons de la conscience, à augmenter le savoir-faire. » Angers et Bouchard, 1984
Lectures suggérées :
ARMSTRONG, Thomas (1999) - Les intelligences multiples dans votre classe, Montréal, Editions Chenelière/ Mc Graw-Hill
CAMPBELL, Bruce (1999) – Les intelligences multiples ( même Edition)
GARDNER, Howard (1996) – Les intelligences multiples. Paris, Editions Retz.
2. Partager son pouvoir
Un des principes de la pédagogie de projet est de faire confiance à l'élève comme premier agent de ses apprentissages. La réalisation d'un projet lui permet d'accroître son estime de soi et de vivre en harmonie avec lui-même. La prise de décision et l'implication de l'élève à l'intérieur d'un groupe favorisent l’atteinte des objectifs qu'il vise et lui permettent de prendre en charge ses apprentissages, d’où l’importance pour l'enseignant d’apprendre à partager son pouvoir.
« Glasser souligne que les enseignants qui deviennent des dirigeants modernes seraient disposés à partager leur pouvoir. » Gordon, 1990
Inciter les élèves, le plus souvent possible, à prendre des décisions et à faire des choix, petits et grands, c'est leur apprendre à exercer leur pouvoir et apprendre à l'enseignant à partager le sien.
« Engager la personne dans des situations risquées, c'est lui faire évaluer les conséquences de ses décisions, l'engager à tenir ses promesses, lui faire assumer des situations difficiles, l'entraîner dans des projets pleins d’inattendus et ce, à moyen terme, créer des situations non seulement probables mais aussi possibles ; cela l’aide inévitablement à s'engager et à « négocier » sa place dans la société. » Morin et Bref, 1995
Cela ne se fait pas du jour au lendemain. C’est par une ouverture d'esprit, par une remise en question de tous les instants et en acceptant de prendre des risques que l'enseignant peut y arriver.
Voici comment nous avons permis aux élèves d’exercer leur pouvoir dans nos classes :
· en les laissant chercher des réponses à leurs questions ;
· en les faisant participer à la planification des activités de la journée ;
· en leur permettant d'expérimenter l'insécurité devant une tâche à accomplir ;
· en les amenant à s'interroger sur le pourquoi de leurs actes ;
· en les laissant faire des erreurs et en les incitant à réfléchir sur ce qu'ils ont appris en faisant ces erreurs ;
· en les encourageant à trouver eux-mêmes les solutions à leurs problèmes ;
· en leur apprenant à évaluer les actes posés, etc.
Partager son pouvoir n'est pas une mince affaire. La société, les parents, les administrateurs, les directeurs ou les collègues nous renvoient souvent l'image de l'enseignant maîtrisant parfaitement sa classe. Briser ce modèle demande une bonne dose de confiance en soi de la part de l'enseignant. En partageant son pouvoir avec l'élève, l'enseignant lui prouve qu’il a confiance en lui et lui donne la possibilité d'agir.
Dans notre pratique, nous avons constaté que, plus nous « relâchons » notre pouvoir, plus les élèves s'engagent dans leurs apprentissages et prennent leur place en exerçant leur propre pouvoir et plus ils veulent de pouvoir. Cela est évident, troublant et inquiétant, mais en même temps enthousiasmant. Les retombées positives nous portent à faire les observations suivantes :
· l'élève est plus motivé lorsqu'il décide lui-même ;
· il se plie plus facilement aux règles de vie lorsqu'il les a établies avec le groupe ;
· il écoute mieux lorsqu'il désire entendre ses camarades ;
· il écrit ou lit avec plus d'enthousiasme lorsqu'il veut tirer de l'information ou communiquer ;
· il se découvre souvent des capacités insoupçonnées ;
· il démontre de l'impatience à faire démarrer de nouveaux projets.
Les relations entre les élèves changent. Les élèves commencent à accepter, sans se blesser, les faiblesses de chacun et à être capables de reconnaître leurs forces et de s'en servir selon leurs besoins. Il se produit une réaction en chaîne comme des dominos qui tombent l’un à la suite de l’autre : le climat de la classe change, l'enseignant change et son rôle se modifie, l’élève change... et l'harmonie s'installe.
Lectures suggérées :
BRIEF , Jean Claude ( 1995) – Savoir, penser et agir : une réhabilitation du corps, Montréal, Editions Logiques
MORIN, Jocelyne et BRIEF Jean Claude (1995) – L’autonomie humaine : une victoire sur l’organisme, Montréal, Presse de l’Université du Québec
3. Redéfinir son concept de la discipline et des règles de vie
En pédagogie de projet, nous tentons d'apprendre à l'élève à se responsabiliser par rapport à la discipline et aux règles de vie, autrement dit nous tentons de conduire chaque élève sur le chemin de l'autodiscipline. Les objectifs de l’autodiscipline sont en général présentés comme suit :
· respecter le droit des autres ;
· développer le sens des responsabilités ;
· s'adapter aux exigences de diverses situations ;
· assumer ses obligations et résoudre des problèmes.
« La discipline imposée obtient des résultats immédiats grâce à la peur, la soumission et la dépendance. Difficile de former ainsi des adultes courageux, créatifs et autonomes dans leur vie personnelle, sociale et professionnelle !
Quand on veut « obtenir » un comportement ou une attitude d'un enfant, on a deux moyens d'y parvenir : le forcer ou l’influencer. Le motiver demande plus de communication, d'écoute, d'authenticité, de confiance et de soutien.
Ces éléments sont indispensables pour aider l'enfant à construire une solide estime de soi, élément clé d'une personnalité accomplie et d'une vie réussie. » Gordon, 1990
Discipliner, selon Coloroso (1997), se résume en quatre étapes :
· conscientiser l'élève au problème qu’il a créé,
· lui permettre d'assumer la responsabilité de son problème,
· lui permettre de trouver des solutions pour le résoudre et garder sa dignité intacte.
Cet auteur souligne l'importance pour l'enseignant d'apprendre à s'impliquer auprès de l'élève et à l’influencer positivement vers une autodiscipline plutôt que d'essayer de contrôler et d'exercer un pouvoir sur lui. Il propose d’apprendre à l'élève comment penser plutôt que de lui montrer quoi penser. En le laissant prendre ses propres décisions, lorsque cela est possible, et en lui expliquant comment vivre ses émotions et ses problèmes, l'enseignant lui donne le pouvoir de s'autodiscipliner.
Fugitt (1984) définit l'enseignant comme un être humain avant tout qui cherche à aider d'autres humains à se réaliser, à devenir plus pleinement eux-mêmes. Nous n'avons aucun pouvoir de changer les autres, dit-elle. Notre seul pouvoir, c'est celui de se changer soi-même. Lorsque nous arrivons à nous changer un peu, nous pouvons mieux comprendre que les autres ont ce même pouvoir et qu'ils changent dès qu'ils sont prêts à le faire ou qu'ils trouvent des conditions propices.
Coloroso (1997) mentionne que nos actions entraînent naturellement des conséquences et que les interventions doivent être des conséquences raisonnables reliées de façon intrinsèque aux actions des élèves. L'apprentissage des conséquences naturelles doit se faire sans harcèlement, rappel constant avertissement provenant de l'adulte. Nous pouvons laisser l'élève les vivre si elles ne menacent pas sa vie, sa santé et si elles sont moralement acceptables pour lui et les autres.
Tout comme Coloroso et Fugitt, nous constatons que, pour devenir auto discipliné, un élève doit goûter aux bonnes conséquences de ses gestes, de même qu’aux moins bonnes afin d'apprendre de celles-ci. C'est pourquoi il est important d'investir du temps pour inculquer à nos élèves l'habitude de réfléchir, pour les amener à penser et à agir de façon critique, créative et autonome. Une conséquence n'est ni une punition ni une récompense donnée par quelqu'un ; c'est le bon ou le moins bon résultat qui découle de nos actes et qui permet d'apprendre à s'adapter pour s'améliorer. Il faut la vivre et l'assumer au fur et à mesure que nous grandissons et évoluons afin qu'elle soit proportionnelle à ce que l'on est capable de vivre au moment présent.
Pour y arriver, il est essentiel de discuter des conséquences naturelles reliées aux différents comportements au fur et à mesure qu’un problème se pose. À partir de cette réflexion, il faut établir collectivement les règles de vie et les conséquences agréables et désagréables qui permettent de fonctionner dans un climat sain et productif.
Nous constatons que la pédagogie de projet favorise l'autodiscipline chez l'élève en développant des aptitudes de coopération, de prise de décision et de résolution de problèmes. Elle permet aussi à l'élève d'acquérir le sens du respect des autres. Nous remarquons que la conscientisation et la réflexion amènent chez les élèves une diminution progressive des comportements indésirables, de l'agressivité et de la violence.
Lectures suggérées :
COLOROSO, Barbara (1997) – Le cadeau de la discipline personnelle, Montréal, Libre expression.
GORDON, Thomas (1990) – Comment apprendre l’autodiscipline aux enfants, Montréal, Editions Le Jour
4. Résoudre des problèmes
En pédagogie de projet, l'élève doit résoudre des problèmes tout au long du projet. Nous entendons par « problèmes » tout ce qui est relié à la réalisation du projet, aux apprentissages et au développement personnel et social et qui demande de trouver une réponse à une question, de déterminer une façon de parvenir à un résultat. Réaliser un projet, c'est chercher :
· à résoudre un problème auquel on doit faire face ;
· à comprendre les raisons d'une difficulté à laquelle on se heurte ;
· à répondre à une question que l'on se pose où que l’on pose ;
· à donner forme à une émotion, c'est-à-dire à exprimer et à communiquer ce que l'on ressent.
Résoudre ces problèmes aide l’élève à construire son savoir selon qu'il travaille seul, en équipe ou en groupe-classe. Nous regroupons les problèmes selon les aspects suivants :
· le projet ;
· l'apprentissage (trouver des réponses à une question, une solution à un problème) ;
· la manière d’apprendre ;
· le rythme d'apprentissage ;
· le comportement.
Ces problèmes se retrouvent dans n'importe quel type de pédagogie. Comme, en pédagogie de projet, les élèves sont amenés à travailler régulièrement en équipe, ils doivent affronter des situations de corésolution de problèmes. Ceux-ci, pour la plupart, peuvent se régler sans utiliser nécessairement la démarche proposée plus bas. Toutefois, si, après avoir tenté de découvrir le besoin de l'autre, discuté avec eux, exprimé leur désaccord, fait un compromis et tenté de se mettre à la place de l’autre, les élèves n’arrivent pas à trouver une solution , nous proposons de leur enseigner le processus de résolution de problèmes. Nous constatons alors qu'ils réalisent de nouveaux apprentissages grâce aux différentes approches de chaque membre du groupe.
Gordon (1990), Coloroso (1997), Archambauld et Chouinard (1996) ont proposé presque la même démarche de résolution de problèmes. Nous retenons les six étapes suivantes :
1. Identifier le problème.
2. Énumérer toutes les solutions possibles.
3. Évaluer les solutions.
4. Choisir la meilleure solution.
5. Appliquer la solution choisie.
6. Évaluer les résultats.
« Lorsque les élèves sont peu autonomes dans la résolution de problèmes ou lorsque le problème est particulièrement difficile à résoudre, le fait de franchir ces étapes de façon systématique aide à situer le problème et à le résoudre ». Archambauld et Chouinard (1996)
Nous croyons qu'il est nécessaire de proposer aux élèves cette démarche qui leur permet de savoir comment s'y prendre dans diverses situations problématiques. Le fait d'exprimer un problème aide à le cerner, à le définir, et suscite, en général, l'intérêt à le résoudre. Initier tôt les enfants à verbaliser leurs difficultés et leurs problèmes ouvre déjà la porte de l’idée qu'ils peuvent trouver du soutien et qu'il existe des solutions. Ce travail en groupe permet d'avoir accès à plusieurs possibilités de solution et de créer un climat de confiance et d’entraide.
Tout comme Gordon (1990), nous croyons que les enseignants peuvent influencer les élèves en partageant leurs connaissances, leurs expériences et en respectant les principes suivants :
· écouter activement l'élève ;
· demander à l'élève s'il veut votre opinion ou des conseils ;
· s'assurer de bien connaître le véritable besoin ou problème de l'élève ;
· proposer à l'élève des suggestions plutôt que d'imposer une solution ;
· veiller à ne pas reprendre l'élève constamment, à ne pas l’humilier et à ne pas insister s'il semble résister aux suggestions ;
· laisser l'élève entièrement responsable d'accepter ou de rejeter vos suggestions.
En pédagogie de projet, le conseil de coopération peut s'avérer un moyen efficace d'aider à régler les différents problèmes.
« (...) La réunion de tous les enfants de la classe avec l’ enseignant (...) un lieu de gestion où l'on apprend, entre autres, à analyser, à comprendre, à prévoir, à planifier, à décider, à organiser, à apporter des solutions, à évaluer (...), un lieu où chaque enfant a sa place (…), un lieu où l'on accorde autant d'importance au groupe qu'à l'individu (...) un lieu où l'on apprend à se comprendre et à s’entraider (...), un lieu de résolution de problèmes (...), un lieu de recherche d'un consensus (...), un lieu où est dévoilé ce qui se passe en classe (...) » Jasmin (1994)
Toutefois, nous remarquons que ce qui intéresse souvent les élèves, c'est moins la résolution de problèmes que l'aboutissement de leur projet. Ils acceptent d'appliquer différentes solutions parce qu’ils croient qu'elles leur permettent d’atteindre le but du projet.
Lectures suggérées
ARCHAMBAULD, John et Roch CHOUINARD (1996), Vers une gestion éducative de la classe, Gaétan Morin Editeur
JASMIN, Danielle, Le conseil de coopération, Montréal, Editions de la Chenelière.
5. Intégrer l'apprentissage coopératif
En pédagogie de projet, les élèves travaillent régulièrement en équipe. En effet, c'est la réussite du travail de chaque équipe qui permettra d'atteindre le but du projet et les apprentissages visés.
« Les objectifs de la pédagogie de projet sont une éducation de l'activité individuelle de l’élève orientée vers un objectif éloigné, une activité organisée, canalisée ; c'est aussi une éducation de la ténacité, puisqu'il s'agit de mener une action de longue haleine et une éducation de la sociabilité par le travail d'équipe, la concertation, la négociation, la coopération, le contrat ». Altet (1997)
Cette pédagogie contextualise les principes de l'apprentissage coopératif que proposent Clarke, Wideman et Eadie (1992).
· les élèves travaillent dans un contexte d'interdépendance positive pour atteindre le but du projet, s'ils jouent un rôle significatif durant sa réalisation et qu'ils ont des responsabilités appropriées.
· les élèves travaillent en petites équipes hétérogènes, pour qu'ils puissent interagir et échanger verbalement afin de se stimuler, de confronter leurs idées et de se soutenir.
· les élèves sont responsables à la fois en tant qu'individus et en tant que membres d'une équipe tout au long du projet. Ils valorisent la participation de chacun.
· les élèves apprennent à verbaliser leurs idées. C'est en les exprimant et en les clarifiant qu'ils construisent leurs apprentissages.
· les élèves acquièrent des habiletés se rapportant aux objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social et les mettent en pratique en réfléchissant tout au long du projet sur le processus et sur le résultat de leur action.
En équipe, les élèves s’encouragent mutuellement et se préoccupent des réussites individuelles liées à la tâche à accomplir. Ils discutent afin de clarifier leurs idées. Ils explorent de nouveaux concepts. Ils permettent à chaque membre d'apprendre avec un maximum d'efficacité. Ils utilisent des stratégies de travail productif. Par ailleurs, les membres d'une équipe peuvent se partager la tâche ou bien l'équipe peut se joindre à une autre équipe pour être plus efficace.
Les élèves sont appelés à choisir différents rôles en respectant les rythmes et les apprentissages visés ; ainsi ils pourront :
· trouver le matériel nécessaire ;
· rédiger un texte ;
· tenir l'échéancier à jour ;
· diriger ;
· communiquer...
L'apprentissage à la vie en société
Tout au long de la réalisation des différentes tâches utiles au projet, l'élève a un certain nombre d'habiletés à développer quant au développement personnel et social ; l'écoute de l’autre, l'encouragement, la prise de parole, la négociation en sont des exemples. Le projet devient un moyen efficace de le mettre dans des situations réelles qui nécessitent la maîtrise de ces habiletés. L'élève est suffisamment motivé pour accepter d'apprendre de nouvelles stratégies en vue d'assurer la réussite du projet. Il importe d'enseigner ces stratégies au fur et à mesure du déroulement du projet et au moment où le besoin se présente. C'est en les utilisant régulièrement que l’élève développe ses habiletés sociales. C'est par la méthode de résolution de problèmes, comme nous l'avons mentionné précédemment, qu'il arrive à trouver des solutions. En acquérant l'habileté à travailler avec les autres, l'élève apprend à vivre en société.
« Le projet est social en ce sens qu'il baigne dans le milieu social où il trouve à la fois son origine, son application et ses conditions de réalisation en même temps que l'ensemble des conflits internes et externes qu'il faut maîtriser pour agir ». Altet (1997)
Le rôle de l’enseignant
Puisque les élèves se regroupent par intérêt ou en fonction des tâches à réaliser, l'enseignant a besoin de connaître toutes les facettes de l'apprentissage coopératif afin d'aider les élèves à mieux fonctionner en équipe pour réaliser leur projet.
« Il est difficile de tenter de transformer de façon importante les rapports sociaux entre les étudiants. L'alternative pédagogique doit pourtant poursuivre ses efforts dans ce sens en amenant les étudiants dans le cadre de projet précis, non seulement à s'approprier leur démarche éducative, mais aussi à assumer réellement la responsabilité d'être une ressource éducative pour les autres étudiants ». Caouette (1992)
Les composantes proposées par l'apprentissage coopératif deviennent des moyens efficaces à mettre en place :
· la formation des cadres (de base, informels, combinés, etc.) ;
· l'enseignement explicite des habiletés coopératives (négociation, encouragement, prise de parole, etc.) ;
· la distribution des rôles dans une équipe (le responsable du temps, du matériel, le rapporteur, le secrétaire, etc..) ;
« La réalisation collective, aboutissement du projet, répond d'autant plus aux divers aspects du besoin initial que les réflexions individuelles sont hétérogènes. La dynamique et la réussite du projet reposent ici sur la richesse d'un travail de groupe dont le résultat est forcément meilleur que celui qui peut produire une réflexion individuelle si rigoureuse et si sérieuse qu'elle soit. Le travail de groupe est une garantie de créativité, d'exhaustivité et de cohésion ».
Bardallo et Ginestet (1993)
Nous accordons beaucoup d'importance au rôle de médiateur de l'enseignant. Comme Johnson et Bany (1970), nous pensons que la médiation est essentielle pour changer la structure organisationnelle du groupe classe afin que les élèves coopèrent spontanément et mettent au point leur propre système de contrôle. Le respect demeure la valeur à privilégier dans toutes les démarches.
Lectures suggérées
ABRAMI, Philip C (1996) – L’apprentissage coopératif, théories, méthodes, activités, Montréal, Editions de la Chenelière
HOWDEN, Jim et Huguette MARTIN (1997) – La coopération au fil des jours, Montréal, Editions de la Chenelière.
REID, J et Al (1993) – Les petits groupes d’apprentissage dans les classes. Laval, Beauchemin
6. Transformer ses pratiques évaluatives
L'évaluation doit faire partie intégrante du processus enseignement / apprentissage. Elle vise à fournir un ensemble de moyens pour aider l'élève à progresser dans ses apprentissages. L'enseignant ne doit pas mettre l'accent uniquement sur l'évaluation des apprentissages et négliger le développement personnel et social qui font de l'élève un être entier. Souligner un seul aspect de son développement, tout en omettant de considérer les autres composantes qui influencent son apprentissage, donne un portrait limité, incomplet, voire subjectif et éloigné de la réalité.
La pédagogie de projet amène l'enseignant à transformer sa vision de l'évaluation, à passer d'une évaluation normative à une évaluation centrée sur l’élève en regard des critères et des objectifs visés. Ainsi conçue, elle permet de déceler les obstacles et les succès. Elle facilite les prises de décision pour remédier à la situation où s'orienter vers de nouveaux défis.
Évaluer la réussite individuelle de l'élève c’est reconnaître :
· qu'il a des forces ;
· qu'il possède des talents ;
· qu'il apprend à des rythmes et par des styles d'apprentissage différents, et non comme tous les élèves de son groupe ;
· qu'il connaît les objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social qu'il doit atteindre en fonction des compétences visées par les programmes ;
· qu'il est capable d'imaginer, de créer, de décider, de planifier, de produire, de communiquer et d'évaluer.
« Partir des représentations de l’élève, c'est le croire capable de se transformer, de s'adapter ; c'est le croire capable d'avoir un projet sur son environnement, c'est le croire capable de décider... » Alain Desmarets, cité dans Stordeur (1996)
Pour évaluer la réussite individuelle de l'élève, nous avons dû :
· apprendre à coévaluer ;
· faire connaître les compétences et les apprentissages visés ;
· faire réfléchir sur les apprentissages ;
· communiquer autrement avec différents partenaires.
Apprendre à coévaluer
L'enseignant intègre la démarche d’évaluation tout au long du projet en y associant l'élève et ses parents ainsi que ses pairs. Nous appelons «coévaluation » l'interaction continue des différents partenaires dans l'intention de brosser le meilleur portrait possible des apprentissages de l'élève. Au cours de cette démarche, l'enseignant tient compte des initiatives de l'élève, de ses choix, de la façon dont il voit son travail et des solutions qu'il propose. Il prend en considération aussi les commentaires et les suggestions que les parents de l'élève ont faits lors d'entrevues ou d'appels téléphoniques, ou encore qu'ils ont rédigés sur les travaux de leur enfant. Ainsi, l'élève, ses parents et l'enseignant participent constamment aux prises de décision concernant l'évaluation en consultant régulièrement le « dossier projet ».
Cette démarche s’instaure lentement et graduellement. Ensemble, les partenaires :
· relèvent des observations sur ce que l’élève sait et sur ce qu'il sait faire réellement -- c'est la mesure ;
· analysent et confrontent ces observations pour comprendre comment l'élève apprend et pour faire ressortir les réussites et déterminer les apprentissages à améliorer -- c'est le jugement ;
· prennent les décisions afin de maximiser les chances de réussite de l'élève en précisant les défis à relever et les stratégies à utiliser pour que l'élève puisse progresser -- c'est la décision.
Elle comporte des périodes d'essais, d'erreurs et d’adaptation qui permettent d'améliorer constamment l'apprentissage. L'enseignant partage la responsabilité de stimuler l'élève, de le soutenir et de le confronter pour l’aider à se développer et à réussir. Cette démarche permet d'assurer un suivi dans les apprentissages de l’élève.
« L’élève confronte son autoévaluation à l'évaluation réalisée par enseignant (ou par une autre personne ayant un statut d'autorité ou de tuteur dans la situation de formation), les appréciations de chacun pouvant être basées ou non sur un référentiel extérieur (grille remplie avant un entretien, liste de critères, etc.) ; l'autorégulation (le retour sur soi chez l’élève) est le fruit de la mise en relation des deux évaluations. » Allal et coll (1993)
En enseignant, nous avons appris à croire que l'élève, ses parents et les pairs sont capables de participer à l'évaluation et à la consignation des apprentissages. La coévaluation repose sur les croyances suivantes :
· l'élève est capable de s'auto évaluer ;
· les pairs sont capables d'aider l’élève à s'auto évaluer ;
· les parents sont capables d'aider leur enfant à s’auto évaluer ;
· les partenaires sont capables de consigner les apprentissages.
Coévaluer, c’est croire l’élève capable de s’auto évaluer
En coévaluation, les parents et l’enseignant ont la responsabilité d'apprendre à l'élève à s'auto évaluer puisqu'il est le principal agent pouvant nous parler de son processus d'apprentissage.
« Au lieu d’intérioriser plus ou moins consciemment l'appréciation globale que l'enseignant porte sur ses capacités, l'élève devient capable de jugement critique et différencié sur lui-même, et par contrecoup, sur son maître également. L'apprentissage de l'autoévaluation est aussi plus qu'une technique accessoire d’évaluation. C'est le moyen essentiel dont on dispose pour faire passer la connaissance de l’élève d'un simple savoir-faire non réfléchi, permettant d'intervenir consciemment sur ce savoir-faire lui-même. » Cardinet, cité dans Albrecht (1991)
L'élève apprend que l'autoévaluation est une réflexion, une « critique constructive » sur sa façon d'apprendre et sur ce qu'il apprend. Ainsi, il développe sa capacité de faire des liens et de réutiliser ce qu’il sait dans d'autres projets. Il apprend à reconnaître des stratégies à adopter pour maximiser son apprentissage en corrigeant ses points faibles et en utilisant ses points forts pour atteindre ses objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social. Par l'autoévaluation, l'élève apprend à analyser lui-même ses progrès, à se fixer de nouveaux défis et à se questionner. Il peut être réticent au début et s'opposer à un fonctionnement qui l'amène à « critiquer » ses attitudes et ses habilités.
« L'autoévaluation est un processus par lequel l'élève est amené à porter un jugement sur la qualité de son propre cheminement, de son travail ou de ses acquis en regard objectifs prédéfinis, tout en s'inspirant de critères précis ». Doyon et Juneau (1991)
L'élève se responsabilise peu à peu envers ses apprentissages et peut communiquer ses progrès avec plus de confiance, car il réalise que ceux-ci s'insèrent dans une démarche d'apprentissage naturelle, où la performance est évaluée selon des critères individuels dans l'optique de s'améliorer. Il commence dès lors à assumer la responsabilité de son cheminement scolaire.
Coévaluer, c'est croire les pairs capables d'aider l’élève à s'auto évaluer
En coévaluation, l'enseignant a aussi la responsabilité d'apprendre aux élèves à développer des habiletés qui les amènent à évaluer leurs pairs. Les élèves peuvent établir avec lui des critères qui les aident à faire des commentaires appropriés. Ils apprennent à les exprimer de façon constructive pour encourager l'élève à s'améliorer.
« Deux ou plusieurs élèves (...) évaluent réciproquement leurs démarches respectives et/ou les produits de celles-ci, en se servant éventuellement d'un référentiel extérieur ; les échanges entre élèves induisent un prolongement d'autorégulation (retour sur soi) chez chaque interlocuteur ». Allal et Michel ; dans Allal, Blain et Perrenoud (1993)
Ce faisant, les élèves développent des habiletés de communication et de coopération comme le sentiment d'appartenance, le désir d'aider les autres, l'habileté à travailler avec différentes personnes afin de résoudre des problèmes et le désir de participer plus activement à la vie de la classe, toutes des habilités qui, pensons-nous, leur sont très utiles pour évoluer dans la société.
Coévaluer, c'est croire que les parents capables d'aider leur enfant à s'auto évaluer
En coévaluation, l'enseignant a aussi la responsabilité d'inciter les parents à aider leur enfant à s'auto évaluer, dès la première rencontre et au fur et à mesure des besoins d'un des partenaires. Pour cela, les parents observent et analysent les critères établis par leur enfant et l'enseignant. Ils discutent des stratégies à privilégier et tentent de les communiquer par des commentaires appropriés afin que leur enfant puisse s'améliorer.
« Le processus d'autoévaluation est dynamique et interactif, car il met constamment en relation l'élève, ses parents et l'enseignant. À mesure qu'il apprend, l'élève est confronté aux attentes et au jugement de l'enseignant et à celui de ses parents, et il est amené graduellement à assumer ses responsabilités comme « apprenant ». Doyon et Juneau (1991)
Coévaluer, c'est croire les partenaires capables de consigner les apprentissages
En coévaluation, les observations concernant les apprentissages doivent être conservées et pourront servir de référence pour les évaluations ultérieures. Celles-ci permettront aux partenaires de comparer leurs perceptions relatives au développement des compétences de l’élève. Pour assurer un suivi de ses apprentissages, les partenaires les consignent à différents moments et de différentes façons dans un « dossier -projet ».
Faire connaître les compétences et les apprentissages visés
L'enseignant doit non seulement connaître les objectifs déterminés par les programmes du ministère de l'éducation, mais s'assurer également que l'élève et ses parents les connaissent, eux aussi.
En pédagogie de projet, l'enseignant et les élèves déterminent les objectifs d'apprentissage et de développement personnel et social visés. À partir des tâches à réaliser, ils définissent ensemble les critères pour les atteindre. L'enseignant et chaque élève sélectionnent un ou deux critères. Ceux-ci peuvent changer au fur et à mesure que le projet avance en fonction des nouveaux apprentissages à réaliser. Ces critères, une fois sélectionnés, sont inscrits dans le dossier projet de l'élève et transmis aux parents afin qu'ils puissent suivre les progrès de leur enfant.
(...) Une pédagogie de projet sans objectifs est du bricolage. C'est ici que le rôle du professeur est fondamental. Il connaît les objectifs. Il perçoit les occasions offertes par le projet à les réaliser » Altet (1997)
De plus, en pédagogie de projet, l'enseignant doit être capable de faire en sorte que l'élève observe les compétences qu'il peut développer d'un projet à l'autre. Ces compétences sont liées aux capacités intellectuelles et méthodologiques, à la socialisation et au domaine de la langue (…)
« Nous devons travailler (...) contre l'échec scolaire et conduire tous les enfants : à enrichir leur répertoire cognitif ; à repérer et à identifier leurs stratégies ; à construire des processus adaptables à de nombreuses situations ; et, enfin, à repérer l'évolution de leurs résultats scolaires».
Bazin et Gierd, cités dans Grangeat et Meirieu (1997)
Faire réfléchir sur les apprentissages
Notre expérience nous a démontré qu'il est nécessaire de consacrer plus de temps pour faire réfléchir chaque élève sur lui-même, sur sa démarche d'apprentissage et sur ses apprentissages. L'enseignant, l'élève et ses parents ainsi que ses pairs se centrent davantage sur la façon d'apprendre de l'élève. Ils cherchent avec lui les meilleures stratégies qu'il pourrait utiliser pour mieux apprendre. C'est ce que nous rappelons la coréflexion.
Pour amener les partenaires à coréfléchir, nous nous sommes inspirés des différents auteurs traitant de la métacognition. Flavel définit la métacognition comme suit : toute activité cognitive qui consiste à examiner ses démarches internes afin de les maîtriser et d’en améliorer l'efficacité.
« La métacognition est une réflexion interne au sujet, elle est inaccessible à l'observateur dans les conditions habituelles de l'enseignement. Comme toute activité mentale, elle doit être inférée soit à partir de ce qu'en dit le sujet, soit à partir de ce qu'il fait en résolvant un problème par exemple ».
Grangeat et Meirieu (1997)
Pour que l’élève apprenne, les partenaires doivent non seulement favoriser le développement de stratégies cognitives pour connaître, comprendre, appliquer, analyser, synthétiser et évaluer selon la taxonomie de Bloom, par exemple, mais ils doivent aussi favoriser le développement de stratégies métacognitives, autrement dit, enseigner à l’élève à réfléchir sur lui-même en tant qu’apprenant, sur sa tâche et sur les stratégies nécessaires pour réaliser un projet. De plus, l'élève doit réfléchir pour maîtriser les apprentissages qu'il va réinvestir ou non pour réussir un autre projet. Ce processus est appelé par plusieurs auteurs « autorégulation ».
Tout au long du projet, nous allouons régulièrement du temps pour coréfléchir, pour s'interroger sur le déroulement du projet, sur les apprentissages de l’élève et sa manière d'apprendre seul et avec les autres.
Communiquer autrement avec différents partenaires
Il ne peut y avoir de coévaluation sans communication. Quand on partage l'évaluation avec des partenaires, on transforme la communication. Ce partage entre les partenaires permet le respect mutuel et la coopération, l'évaluation devenant le fruit des jugements de différents partenaires. En pédagogie de projet, nous croyons qu'il est important d'encourager les différents intervenants à s'impliquer dans ce processus.
« (... ) L'école pourrait assister parent et enfants dans leurs négociations de l'orientation plutôt que d'en décider à leur place ». Perrenoud (1993)
Cette communication permet de chercher des solutions qui sont négociées entre l'enseignant, l'élève et ses parents tout au long du projet. La qualité de la communication dépend souvent de l'habileté à communiquer des partenaires et se développe graduellement en utilisant différents moyens. Multiplier les échanges augmente les chances d'établir une communication efficace. Comme l'élève est la personne qui connaît le mieux les deux autres partenaires, il est donc la seule personne à pouvoir interagir à l'école et à la maison. Il devient alors le principal agent de communication. L'enseignant et les parents partagent la responsabilité de lui apprendre à communiquer. En classe, il est important d'allouer le plus souvent possible des temps d’échange, que ce soit entre l'élève et ses pairs, entre l'élève et ses parents, ou encore entre l'élève et l'enseignant.
Cependant, ces échanges, ces rencontres ne peuvent répondre à tous les besoins de communication des partenaires. Ceux-ci peuvent communiquer sous d'autres formes durant l'année scolaire ; ce peut être par un appel téléphonique, un message, une vidéocassette, une audio cassette, une photographie, le journal de classe... Ces moyens favorisent une évaluation continue et créent un lien famille-école important.
Selon nous, la communication parents-élève-enseignant s’insère bien dans le cadre de la pédagogie de projet. À la suite de nos expériences, nous constatons que la valorisation que ressent l'élève qui explique lui-même ses apprentissages à ses parents est palpable. Ce temps parents-élève favorise dans la plupart des cas un dialogue privilégié. Les réactions très positives après ce genre de rencontre permettent de croire qu'il est essentiel de prendre le temps nécessaire pour apprendre à l'élève à apprendre afin qu'il devienne de plus en plus autonome et responsable de ses apprentissages, plutôt que de l'évaluer dans le seul but de le noter ou de le classer.
Lectures suggérées
FARR, Roger et Bruce TONE (1998) – Le portfolio au service de l’apprentissage et de l’évaluation,
Adaptation française de Pierrette Jalbert, Montréal, Editions Chenelière
LAFORTUNE, Louise, Pierre, MONGEAU et Richard PALLASCIO (1998) – Métacognition et compétences réflexives. Montréal, Editions Logiques
PAQUETTE, Claude, George E. HEIN et Michael QUINN PATTON (1980) – Evaluation et pédagogie ouverte. Editions NHP
PAQUETTE, Claude (1992) - Une pédagogie ouverte et interactive, Tome 1 . Montréal, Editions Québec-Amérique